Près de treize mois après l’éclatement du « Qatargate », un scandale de corruption visant des membres du Parlement européen qui implique aussi le Maroc et la Mauritanie, les questions sur la conduite de cette enquête se multiplient à Bruxelles. Au point que certaines sources évoquent désormais un enlisement qui pourrait même aboutir à l’abandon des poursuites.
Le 9 décembre 2022, des opérations policières spectaculaires se déroulent dans la capitale belge, visant l’ex-eurodéputé socialiste italien Pier Antonio Panzeri et son ancien assistant Francesco Giorgi, compagnon de la députée grecque Eva Kaili, membre du groupe des sociaux-démocrates et l’une des vice-présidentes du Parlement européen. Une somme de 878 355 euros est trouvée dans l’appartement du couple et 669 950 euros sont découverts chez M. Panzeri. Des montants de plusieurs millions d’euros auraient en fait été engagés par les pays concernés afin de tenter d’influer sur des décisions des différents niveaux de pouvoir européens.
Ce qui est présenté alors comme un vaste réseau d’influence implique rapidement plusieurs autres personnalités sur lesquelles la police et la justice poursuivent leurs investigations, même si les principaux protagonistes passés aux aveux, dont Pier Antonio Panzeri, sont désormais remis en liberté, en l’attente d’un procès.
Celui-ci aura-t-il vraiment lieu ? La question ne semble plus taboue dans les milieux judiciaires. « Ce sera du 50-50 », confie ainsi une source désirant conserver l’anonymat. Les fuites et, parfois, des déclarations publiques des intéressés – dont Mme Kaili – se sont, en tout cas, multipliées au cours des dernières semaines, confirmant la nervosité des divers intervenants. Un témoignage permet de résumer le climat qui entoure l’instruction, celui que le procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, livrait à la RTBF en septembre 2023 : « Cela fait presque dix ans que je suis procureur fédéral et je n’ai jamais vu autant de pression dans un dossier. Il y a des fuites partout, il y a des magistrats étrangers qui prennent contact avec nous et qui veulent parfois se mêler de l’enquête, il y a un déchaînement sur le précédent juge d’instruction et sa famille. Pour moi, c’est dégueulasse. »
Querelles de procédure
Le « précédent juge d’instruction » était Michel Claise, qui a dû se retirer en juin 2023 en raison d’un potentiel conflit d’intérêts, son fils ayant fondé une société avec celui de Marie Arena, une eurodéputée belge proche de Pier Antonio Panzeri. L’élue socialiste a été mise en cause, notamment par les services de renseignement de son pays, qui la présentaient comme un « maillon » du réseau Panzeri. Elle se défend et dit avoir déposé plusieurs demandes afin d’être entendue par Aurélie Dejaiffe, la magistrate qui a succédé à M. Claise. Mais « rien ne bouge », confirme-t-elle au Monde.
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