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L’étonnante disparité
des territoires industriels
Comprendre la performance et le déclin
Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain
Préface d’Olivier Lluansi
Observatoire des Territoires d’industrie (OTI)
144 Territoires d’industrie bénéficient d’un engagement spécifique de l’État et des collectivités
territoriales pour les aider à recruter, innover, attirer et simplifier, afin de favoriser le développement de
leur tissu industriel. Ce nouvel instrument de politique publique soulève des questions de recherche
intéressant différentes disciplines (économie, sciences politiques, gestion, géographie, urbanisme
et aménagement du territoire). On s’interroge notamment sur les modalités de mise en œuvre et
l’adaptation aux spécificités des territoires des politiques favorisant le développement de l’industrie
et des services associés. Il est souhaitable que les acteurs impliqués puissent bénéficier d’espaces
de dialogue, d’échanges de bonnes pratiques et de retours d’expériences.
C’est pourquoi la Banque des territoires et l’Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts,
le Commissariat général à l’égalité des territoires, Mines ParisTech, La Fabrique de l’industrie,
l’Assemblée des Communautés de France, des chercheurs des universités de Poitiers et de Paris
Nanterre s’associent pour étudier la mise en place de ces Territoires d’industrie, confronter les
expériences et documenter des pratiques intéressantes.
Centre de ressources, l’observatoire des Territoires d’industrie produit des études et organise un
cycle de séminaires mensuels afin de mieux connaître ces territoires, leurs problèmes, leurs atouts,
leurs projets et plus généralement les ressorts de leur développement industriel.
Contact : thierry.weil@mines-paristech.fr
L’observatoire des Territoires d’industrie est soutenu par :
Avec la participation de Régions de France.
L’étonnante disparité
des territoires industriels
Comprendre la performance et le déclin
Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain, L’étonnante disparité des territoires
industriels. Comprendre la performance et le déclin, Paris, Presses des Mines, 2019.
ISBN : 978-2-35671-585-2
ISSN : 2495-1706
© Presses des Mines - Transvalor, 2019
60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France
presses@mines-paristech.fr
www.pressesdesmines.com
© La Fabrique de l’industrie
81, boulevard Saint-Michel -75005 Paris - France
info@la-fabrique.fr
www.la-fabrique.fr
Photo de couverture :
Composition, 1944, Kandinsky Vassily (1866-1944)
Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle
Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka
Direction artistique : Franck Blanchet
Couverture et mise en page : Cécile Chemel
Dépôt légal : 2019
Achevé d’imprimer en 2019 – Imprimerie Chirat
Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays.
L’étonnante disparité
des territoires industriels
Comprendre la performance et le déclin
Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain
6 L’étonnante disparité des territoires industriels
Préface7
Remerciements11
Résumé13
Introduction  17
Chapitre 1
La diversité des territoires industriels 19
1. Les territoires créent et détruisent des emplois de manière contrastée 19
2. L’industrie exerce un effet d’entraînement sur l’économie locale	 21
3. La performance des territoires échappe aux prédictions macroscropiques
intuitives	 23
4. L’effet local est déterminant pour les territoires fortement industriels	 28
Chapitre 2
Comprendre les ressorts de la performance des territoires 35
1. Les créations d’emplois sur un territoire dépendent
de trois catégories de facteurs  36
2. L’influence des territoires avoisinants 38
3. Analyse empirique des déterminants des variations de l’emploi 41
Sommaire 7
Conclusion53
Point de vue
Renforcer l’adéquation entre filières industrielles,
territoires et formation – GABRIEL ARTERO 54
Bibliographie57
Annexes
1. Approche empirique de l’analyse des déterminants
des variations de l’emploi 63
2. Tableaux de régressions 67
3. Secteurs dominants dans les quatre catégories de zones d’emploi 72
4. Variation de l’emploi observée, effet structurel, effet local,
pour les 304 zones d’emploi de France métropolitaine, en pourcentage  73
L’étonnante disparité des territoires industriels
7
Préface
Après la chute du mur de Berlin s’est construite en Europe une réflexion globale très struc-
turée de la mondialisation et de la tertiarisation des économies. Les métropoles, lieux de
concentration des savoirs et de l’information, y étaient données gagnantes. Cela s’avère en
partie vrai. Mais cette évolution a aussi laissé derrière elle, en France notamment, le goût
amer de la désindustrialisation, de territoires désertifiés et de populations pénalisées.
Cette étude que j’ai l’honneur de préfacer revient sur ce schéma opposant métropoles
et périphéries. Il y a des territoires qui vont bien ! Discrets, parfois ignorés, comme les
PME ou les ETI championnes qu’ils accueillent, ils sont plus nombreux qu’on ne le croit.
Ce travail permet aussi d’interroger leurs facteurs de succès et de souligner ceux qui pa-
raissent fondamentaux : la dynamique économique territoriale dépend pour moitié envi-
ron de la santé de l’économie nationale, mais aussi pour près de 40 % de facteurs locaux.
« Les caractéristiques structurelles des territoires, écrivent les auteurs de l’étude, n’ex-
pliquent pas si simplement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi
total ». Cet énoncé est une frappante confirmation économétrique, en même temps qu’une
leçon d’humilité. En effet, pendant des décennies nous avons agi, investi, décidé comme
si ces caractéristiques structurelles étaient déterminantes.
Ainsi il n’y aurait ni fatalité, ni recette au développement des territoires. Il est de plus
en plus évident que le capital humain des territoires, si peu quantifiable, en est la clef de
voûte. Leur dynamisme repose sur des femmes et des hommes porteurs d’un projet par-
tagé, sur une culture d’échange et de solidarité territoriale, etc. Le constat pragmatique
des premiers mois de Territoires d’industrie confirme pleinement cette réflexion.
Comment aller plus loin ? On peut catégoriser les territoires, multiplier les échantillons
en espérant mettre en évidence les facteurs communs de sous-ensembles. C’est la logique
analytique et cette étude nous permet d’en mesurer l’utilité.
Mais en même temps, il faudra sans doute aussi réinterroger fondamentalement les cri-
tères qui définissent les territoires qui se portent bien, observer leur dynamisme local lié
à des leaders qui savent animer et inspirer, à ces cultures « invisibles » et particulières qui
8 L’étonnante disparité des territoires industriels
leur permettent de développer leurs talents. Comment ont-ils émergé ? Pourquoi ont-ils
été acceptés ? Quand leurs convictions ont-elles commencé à être partagées ? Sur quels
moyens se sont-ils appuyés ? Ne sont-ils pas le témoignage d’une nécessaire « ré-incarna-
tion » du développement économique ?
Mon expérience à la tête de Territoires d’industrie m’en a convaincu, même si cette ap-
proche est encore l’objet de nombreuses résistances. Osons citer à ce sujet les contribu-
tions d’Erwan Coateana, Audrey Régnier, Marc Damien, Christophe Cathelain, pour ne
nommer que des chefs d’entreprise. N’hésitons plus à « exemplariser » ces leaders !
Olivier Lluansi
Délégué aux Territoires d’industrie
9
L’étonnante disparité des territoires industriels
11
Remerciements
Cette note présente les résultats d’un projet de recherche conduit dans le cadre de l’Ob-
servatoire des territoires d’industrie. Nous remercions en particulier : François Blouvac
(Banque des Territoires), Annabelle Boutet (Commissariat général à l'égalité des
territoires), Vincent Charlet (La Fabrique de l’industrie), Aurore Colnel (Commissariat
général à l'égalité des territoires), Isabelle Laudier (Institut CDC pour la Recherche),
Françoise Morsel (Banque des Territoires), Nicolas Portier (Assemblée des Communau-
tés de France), Lucie Renou (Institut CDC pour la Recherche), Mickaël Vaillant (Régions
de France), Ludovic Valadier (Banque des Territoires), et Thierry Weil (Mines ParisTech)
pour leur aide précieuse.
L’étonnante disparité des territoires industriels
13
Résumé
Depuis la fin des années 1990, l’écart se creuse entre les territoires dynamiques, qui
créent des emplois, et ceux en difficulté, qui en perdent. Ce constat alimente souvent
une représentation simpliste, dite des deux France, qui oppose les espaces métropolitains
supposés « gagnants de la mondialisation » et les territoires périphériques que l’on perçoit
comme pénalisés par une désindustrialisation inéluctable.
Cette grille de lecture, très reprise durant le mouvement des « gilets jaunes », ne résiste
cependant pas à l’analyse : les fractures économiques et sociales ne se confondent pas
simplement avec celles de la géographie. Vitré, Figeac, Issoire, Cholet, Saint-Nazaire et
tant d’autres zones d’emploi nous rappellent que des territoires de taille ou de population
moyennes peuvent afficher une santé insolente, notamment dans les secteurs industriels.
Or, cette hétérogénéité est encore assez mal expliquée par la littérature économique. La
présente note étudie donc les ressorts de la performance de nos territoires, en particulier
des plus industriels d’entre eux, sur la période d’après-crise allant de 2009 à 2015.
Elle confirme tout d’abord que l’industrie a en général – mais pas systématiquement – un
fort effet d’entraînement sur l’emploi dans les autres secteurs du territoire, alors que le
phénomène inverse ne s’observe pas. C’est pourquoi il est important de se préoccuper
tout particulièrement du dynamisme territorial du secteur industriel.
Ensuite, l’analyse met en lumière la grande diversité des trajectoires territoriales. Cer-
taines zones d’emploi ont ainsi bénéficié d’une croissance de leur base industrielle, alors
que l’on sait que l’industrie française a globalement perdu des emplois. Par ailleurs, les
variations positives ou négatives constatées dans les zones d’emploi apparaissent comme
étant indépendantes de la taille de leur base industrielle : il n’y a pas de fatalité frappant
les « grands bassins industriels », pas plus qu’il n’y a de prime automatique aux grands
clusters et autres métropoles. Enfin et surtout, nos calculs montrent que la spécialisa-
tion des territoires dans des secteurs plus ou moins porteurs est un « prédicteur » assez
médiocre – et même de plus en plus médiocre – de leur performance. Autrement dit, c’est
« l’effet local », c’est-à-dire la part résiduelle de la performance qui ne s’explique pas
par leur portefeuille d’activités, qui permet de comprendre la trajectoire des territoires.
L’effet local d’un territoire peut d’ailleurs être fortement positif dans un secteur d’activité
et assez faible voire négatif dans un autre…
14 L’étonnante disparité des territoires industriels
Après avoir constaté cette grande hétérogénéité, la note présente une analyse écono-
métrique qui identifie certains déterminants de cet effet local et en écarte d’autres. De
manière très significative, l’emploi industriel d’un territoire est favorisé ou entraîné à la
baisse par l'emploi des territoires alentour. Ainsi, sur les deux arcs littoraux de l’ouest et
du sud de la France, dans le nord des Alpes et au cœur de l’Île-de-France, on observe de
vastes agglomérats de territoires à dynamique positive ; a contrario, le quart nord-est du
pays ainsi qu’une large diagonale le traversant jusqu’au sud-ouest sont dominés par des
regroupements de zones à dynamique négative.
Ces agglomérats à dynamique commune rappellent que les territoires ne sont pas des îles.
Bien au contraire, un territoire prospère peut stimuler les services de proximité mais aussi
l’industrie (fournisseurs, sous-traitants) chez ses voisins, notamment quand des méca-
nismes partenariaux tels que les pôles de compétitivité y aident. Ces situations de syner-
gie se révèlent bien plus nombreuses que des cas d’éviction ou de rivalité, dans lesquels
le développement d’un territoire se ferait au détriment de ses voisins.
On observe également que la concentration de l’emploi dans quelques grands établisse-
ments industriels, même si elle est parfois facteur de vulnérabilité (par exemple quand
ils relèvent majoritairement d’une même filière traversant une mauvaise conjoncture), a
généralement une influence positive sur la croissance de l’emploi.
Enfin, la note relève que tous les secteurs d’activité ne réagissent pas de la même manière
aux différents déterminants de l’emploi : les effets d’agglomération par exemple, parfois
hâtivement présentés comme un paramètre universel de la performance des territoires,
prévalent surtout pour les industries à forte densité de connaissance. En conséquence,
selon les combinaisons spécifiques de leurs activités dominantes, les territoires répondent
différemment aux paramètres étudiés : certains pâtissent de leur forte concentration ini-
tiale en emplois industriels, ou au contraire d’une économie trop exclusivement tournée
vers les activités résidentielles, et d’autres pas. La note présente ainsi une typologie des
territoires en quatre catégories.
En conclusion, si les caractéristiques structurelles des territoires n’expliquent pas si sim-
plement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi total, c’est proba-
blement parce que ces phénomènes sont de plus en plus multiparamétriques, plus encore
parce que leur « capital social » et, notamment, l’efficacité des institutions et des coopé-
rations entre acteurs divers jouent un rôle primordial. C’est enfin et surtout parce que le
Résumé 15
dynamisme des entreprises et leur capacité à générer de la croissance, qui ne dépendent
pas exclusivement du territoire, restent le principal moteur du développement local.
Tous les acteurs du territoire peuvent contribuer à la création d’un environnement attrac-
tif et bienveillant, en particulier les entreprises elles-mêmes. Pour mieux comprendre
comment on peut encourager les entreprises les plus dynamiques et transformer les suc-
cès individuels en performance collective, il paraît donc désormais opportun de multi-
plier les études de cas qualitatives.
L’étonnante disparité des territoires industriels
17
INTRODUCTION
1. Données de l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) sur les effectifs salariés dans les zones d’emploi
en France.
Les usines, les chantiers, les arsenaux, les centres de RD… et bien d’autres lieux en-
core de production industrielle sont indissociables des territoires qui les accueillent, dont
ils façonnent la singularité. Ils parviennent encore à ancrer des emplois et des revenus,
partout dans l’Hexagone, même si la désindustrialisation à l’œuvre pendant plusieurs
décennies les a clairsemés. En particulier, ces sites de production jouent souvent un rôle
prépondérant dans les espaces de taille modeste ou intermédiaire : les territoires comptant
moins de 100 000 emplois regroupent pas moins de 57 % des emplois industriels, contre
40 % seulement du total des emplois 1
.
Dans ces territoires, nous le verrons, l’activité industrielle est florissante ou s’érode. Dans
le quart nord-est de la France, la part des emplois industriels a été divisée par deux en
quarante ans (CGET, 2018). L’ouest et le sud du pays ont mieux résisté et semblent être
aujourd’hui les espaces privilégiés de la création d’emplois industriels. Dans le même
temps, l’analyse montre surtout qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : partout en France
l’on trouve des territoires qui déjouent les conjonctures régionales et créent nettement plus
d’emplois – ou en perdent davantage – que leurs voisins. L’évolution locale de l’emploi
industriel n’est pas non plus la projection spatiale des évolutions sectorielles nationales.
Or, cette diversité des trajectoires industrielles et plus encore les marges de manœuvre
dont les territoires disposent pour construire leur stratégie de développement échappent
souvent aux commentateurs, qui raisonnent plus volontiers selon des « grandes ten-
dances » : la « puissance des métropoles », le « déclin des grands bassins industriels », la
« révolution des nouvelles technologies », le « naufrage des espaces ruraux »… Rien de
tout cela n’est strictement vrai, après examen.
Cette note cherche précisément à mieux comprendre les ressorts du succès ou du déclin
des territoires, en particulier des plus industriels.
L’étonnante disparité des territoires industriels
19
CHAPITRE 1
La diversité des territoires industriels
1. Les territoires créent
et détruisent des emplois
de manière contrastée
Dans les secteurs d’activité industriels
aussi bien que dans le reste de l’économie,
les créations et destructions d’emplois se
répartissent très inégalement sur le terri-
toire français.
La Figure 1 illustre cette diversité : parmi
les 304 zones d’emploi de France métro-
politaine, 125 ont connu une variation
positive de l’emploi salarié total entre
2009 et 2015, et 179 un repli, dépassant
les 10 % pour une quinzaine d’entre eux.
Les territoires dont la croissance de
l’emploi est la plus forte se situent majo-
ritairement sur les façades atlantique et
méditerranéenne de l’Hexagone ainsi que
dans la région Auvergne Rhône Alpes et
le cœur du Bassin parisien. Les plus fortes
baisses de l’emploi sont concentrées
dans une large partie du nord et de l’est
ainsi que sur un axe allant du nord-est au
sud-ouest, parfois appelé la « diagonale
aride ». À ces territoires viennent s’ajouter
d’autres zones d’emploi en repli, en Nor-
mandie, en Bretagne et dans l’extrême est
méditerranéen.
On observe une disparité analogue concer-
nant les emplois industriels, comme le
montre la Figure 2. Pas moins de 80 %
des zones d’emploi ont connu un repli de
l’emploi industriel depuis la fin de la crise
de 2009. Seule une cinquantaine de zones,
principalement localisées dans l’ouest et
le sud, ont vu le volume de leur emploi
industriel progresser. A contrario, le quart
nord-est du pays enregistre les plus fortes
réductions d’emplois industriels.
L’étonnante disparité des territoires industriels20
supérieure à 8%
de 0% à +8%
de 0% à –7%
de –7% à –12%
de –12% à –20%
inférieure à –20%
Figure 2 – Variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015
Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
supérieure à 8%
de 2% à 8%
de 0% à 2%
de 0% à –4%
de –4% à –9%
inférieure à –9%
Figure 1 – Variation de l’emploi salarié total entre 2009 et 2015
Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 21
2. L’industrie exerce
un effet d’entraînement
sur l’économie locale
En superposant les Figures 1 et 2 on
remarque que la variation de l’emploi
industriel présente une structure spatiale
relativement semblable à celle de l’emploi
salarié total. Ce constat est cohérent avec
les nombreuses études ayant mis en lu-
mière un effet d’entraînement de l’emploi
industriel sur le reste de l’emploi local
(Moretti, 2010 ; Malgouyres, 2017 ; Fro-
crain et Giraud, 2018). Le développement
industriel offre en effet des débouchés pour
les services de proximité (restaurants, ser-
vices de gardiennage, aide à la personne,
etc.) ainsi que pour les services à l’indus-
trie du territoire (RD, conseil, services
informatiques, logistique, ingénierie, etc.).
Symétriquement, une érosion du tissu
industriel a une influence négative sur le
développement de l’emploi local.
Plus généralement, toutes les activités pou-
vant capter les revenus de consommateurs
extérieurs au territoire exercent un effet
multiplicateur sur l’emploi local. C’est le
cas de l’industrie, bien sûr, mais aussi de
certains services et d’activités agricoles.
Selon les auteurs, on parlera d’activités
« échangeables », « exposées », « produc-
tives » ou encore de la « base compétitive » 2
.
Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud
(2018) estiment par exemple que la création
2. Notons que ces concepts et les nomenclatures qui leurs sont associées sont certes proches mais pas strictement équivalents.
3. Pour en savoir plus sur la Manufacture Bohin, téléchargez le compte rendu du séminaireAventures industrielles, « L’étonnante
résurrection de l’entreprise Bohin » (www.la-fabrique.fr).
de 100 emplois exposés à la concurrence
internationale dans une zone d’emploi de
France métropolitaine génère environ 80
emplois abrités supplémentaires dans la
même zone.
Toutes les activités pouvant cap-
ter les revenus de consommateurs ex-
térieurs au territoire exercent un effet
multiplicateur sur l’emploi local. C’est
le cas de l’industrie, bien sûr, mais
aussi de certains services et d’activités
agricoles.
Dans le sens contraire en revanche, on
n’observe pas de phénomène d’entraîne-
ment analogue. Les activités liées à l’éco-
nomie de proximité, généralement appelées
« présentielles » ou « abritées », comptent
trop peu dans le volume d’affaires ou les
achats des entreprises exposées pour en
infléchir les revenus et la compétitivité.
Illustrons cette idée à partir de l’exemple
de l’entreprise Bohin, dernier fabricant
d’aiguilles et d’épingles en France. La
Manufacture Bohin 3
, qui exporte 25 % de
sa production et accueille dans son musée
quelque 15 000 visiteurs par an, génère
assurément des retombées importantes
pour la ville de Saint-Sulpice-sur-Risle
où se trouve l’entreprise. Par contre, les
couturiers de cette petite commune nor-
mande (1 700 habitants) occupent une place
marginale dans le carnet de commande
de Bohin.
L’étonnante disparité des territoires industriels22
Bien sûr, l’emploi industriel n’est pas
le seul moteur de l’emploi non-indus-
triel. Certains territoires développent leur
industrie en même temps qu’ils perdent
des emplois dans le reste de l’économie
locale, comme le montre la Figure 3. In-
versement, les nombreuses observations
dans le quadrant nord-ouest de celle-ci
révèlent qu’il existe des territoires dans
lesquels les pertes d’emplois industriels
s’accompagnent de créations dans le
secteur tertiaire. Par exemple, le vieillis-
sement de la population ou le tourisme
peuvent favoriser les créations d’emplois
de proximité dans les espaces côtiers tout
en pénalisant les entreprises industrielles
qui peinent à recruter ou à maintenir leur
compétitivité-coût.
En outre, cet effet d’impulsion peut varier
selon les périodes et le type d’emplois créés.
De nombreux travaux ont notamment mis
en évidence que l’effet multiplicateur des
industries de haute-technologie est plus fort
(Moretti, 2010 ; Moretti et Thulin, 2013 ;
Wang et Chanda, 2018), parce que les en-
treprises concernées versent des salaires en
moyenne plus élevés que celles de basse-
technologie. L’étude la plus récente à ce su-
jet, centrée sur les États-Unis, indique que
cet effet multiplicateur y est deux fois plus
élevé que dans les autres secteurs (Bartik et
Sotherland, 2019).
Cet effet varie également en fonction
des caractéristiques des bassins d’emploi
(Moretti, 2011). En particulier, un territoire
y = 0,1342x + 2,9454
R² = 0,0788
–15
–10
–5
5
10
15
20
–40 –30 –20 –10 10 20 30 40
Variationdel’emploinon-industriel
Variation de l’emploi industriel
Vitry le F.
Figeac
Rambouillet
Longwy
St Quentin
en Y.
Figure 3 – Comparaison des variations de l’emploi salarié industriel
et non-industriel entre 2009 et 2015 (en %)
Source : Acoss.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 23
enclavé, au plein emploi ou proposant une
faible offre de logements aura des difficul-
tés à convertir son dynamisme industriel
en créations d’emplois. L’étude précitée de
Bartik et Sotherland montre en revanche,
toujours dans le cas des États-Unis, que
l’effet d’entraînement n’augmente pas avec
la taille du bassin d’emploi (hormis pour les
industries de haute-technologie).
Quoi qu’il en soit, l’industrie et, plus géné-
ralement, le continuum des activités indus-
trialo-servicielles exposées à la compétition
mondiale jouent un rôle important dans
l’évolution de l’emploi local. Ce constat
justifie l’intérêt des travaux visant à mesu-
rer, à comprendre, et à anticiper les évolu-
tions de ces activités dans les territoires.
3. La performance
des territoires échappe
aux prédictions
macroscropiques intuitives
L’observation des créations et destructions
d’emplois industriels vient démentir plu-
sieurs intuitions que l’on pourrait nourrir
à ce sujet.
Premièrement, comme le montre la
Figure 4, aucune corrélation claire ne peut
être dégagée entre le nombre initial d’em-
plois industriels sur un territoire et sa va-
riation. On peut donc renvoyer dos à dos
deux thèses couramment entendues dans
le débat public : d’une part, les grands
–40
–30
–20
–10
0
10
20
30
40
100 1 000 10 000 100 000 1 000 000
Tauxdevariationdel'emploidansl'industrie
Nombre d'emplois dans l'industrie (échelle logarithmique)
y = 1E-0,5x - 6,3277
R² = 0,0008
Figure 4 – Base industrielle et variation de l’emploi
industriel entre 2009 et 2015
Source : Acoss.
L’étonnante disparité des territoires industriels24
bassins d’emploi industriels ne sont pas
particulièrement condamnés au déclin et,
d’autre part, on n’observe pas non plus de
prime à la grandeur sous l’effet des écono-
mies d’agglomération.
Les grands bassins d’emploi in-
dustriels ne sont pas particulièrement
condamnés au déclin.
Ensuite, on observe que la spécialisation
sectorielle des territoires n’a souvent, à
son tour, qu’un effet limité sur leur trajec-
toire. Pour le montrer, on peut mener une
analyse structurelle-résiduelle (Encadré 1)
qui distingue les trois composantes de
l’évolution de l’emploi local : la compo-
sante nationale qui relève d’évolutions
supralocales (taux de change, santé éco-
nomique de nos partenaires commerciaux,
évolution du salaire minimum, change-
ment dans les habitudes de consomma-
tion, etc.), la composante structurelle qui
procède d’effets de spécialisation, et la
composante résiduelle ou géographique
reflétant la dynamique propre de chaque
territoire sous l’effet des conditions éco-
nomiques locales. Ces dernières sont de
natures très diverses, depuis le prix du fon-
cier et la disponibilité de la main-d’œuvre,
en passant par le climat et la géographie,
jusqu’aux infrastructures de transport,
l’accès à la recherche et à l’enseignement,
4. Il est important de ne pas confondre les groupes et les très grandes entreprises. Depuis l’application de la consolidation des
résultats aux entreprises de moins de 250 salariés, la structuration en groupe n’est plus synonyme de très grosse entité ; les
microgroupes peuvent avoir un effectif total de 250 salariés. Dans les analyses qui suivent, le critère de la taille de l’établissement ou
de l’entreprise traduit des économies d’échelle, tandis que la structure juridique reflète un mode de gouvernance et de management.
la qualité de la gouvernance et des rela-
tions clients-fournisseurs, etc. La présence
d’un pôle de compétitivité, d’un maillage
dense de petites entreprises, d’établis-
sements de groupes 4
ou bien encore de
leaders incarnant le territoire peut consti-
tuer un avantage comparatif renforçant le
poids de cet effet local.
L’analyse structurelle-résiduelle révèle
que l’évolution de l’emploi industriel
dans les territoires est d’abord déterminée
par les conditions macroéconomiques :
la composante nationale explique en
moyenne 52 % de sa variation locale. Ces
déterminants macroéconomiques corres-
pondent, par exemple, à la dynamique de
la productivité dans l’industrie, à l’évo-
lution de la structure des dépenses des
consommateurs ou encore à la concur-
rence internationale.
L’évolution de l’emploi indus-
triel dans les territoires est d’abord
déterminée par les conditions macro-
économiques.
La spécialisation sectorielle, quant à elle,
n’explique en moyenne que 10 % des va-
riations de l’emploi industriel local et ne
domine dans aucune zone d’emploi. Au-
trement dit, une croissance plus forte de
l’emploi industriel dans un territoire n’est
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 25
jamais le reflet d’une plus forte concentra-
tion des secteurs les plus dynamiques ; tout
comme des destructions d’emplois parti-
culièrement marquées au niveau local ne
découlent pas nécessairement d’une forte
présence des secteurs identifiés comme
étant en déclin sur le plan national.
5. L’effet local joue un rôle plus important (55 % de la variation de l’emploi local) lorsque l’on regarde l’emploi total, en raison
du poids important des secteurs abrités de la concurrence internationale, moins dépendants des conditions macroéconomiques.
À l’inverse, l’effet local explique 38 %
des variations de l’emploi dans les terri-
toires 5
et domine dans 122 zones d’emploi
(soit 40 % de l’échantillon). Ce pourcen-
tage peut s’élever à plus de 70 % pour des
zones d’emploi comme Figeac, Longwy,
Lunéville, Houdan ou Issoire.
L’analyse structurelle-résiduelle ou shift-share est une méthode d’analyse régionale
standard. Elle détermine la part de la variation de l’emploi, dans une unité spatiale au
cours d’une période donnée, attribuable aux tendances nationales macroscopiques
et sectorielles, et permet donc d’isoler la part résiduelle de cette évolution.
Soit ETsz
la variation de l’emploi dans le secteur s de la zone d’emploi z. Elle est égale
à la somme de la tendance générale de l’économie, de la composante sectorielle
nationale et de l’effet local sectoriel :
ETs,z
= EN + ESs
+ ELs,z
ELs,z
est l’effet local du secteur s dans la zone d’emploi z.
ELz
= ∑s
Ps,z
ELs,z
, oùPs,z
est le poids du secteur s dans la zone d’emploi z (∑s
Ps,z
= 1), est
l’effet local de la zone d’emploi z. Notons que l’effet peut être positif même si l’emploi
local diminue ; cela indique alors que le déclin local est inférieur au déclin national.
Les résultats de l’analyse shift-share sont sensibles à la période et au découpage sec-
toriel retenus. Dans notre cas, il est probable qu’une partie de l’« effet local » mesure en
réalité des dynamiques infra-sectorielles, en particulier dans l’industrie. Par exemple,
notre découpage sectoriel ne nous permet pas de tenir compte du fait que dans le
textile, alors que la fabrication de vêtements connaît des difficultés, celle de fibres
techniques se porte bien.
Pour aller plus loin : Levratto N. et Carré D. (2013), « La croissance des établissements
industriels : une question de localisation », Région et Développement, n° 38, pp. 93-120.
Encadré 1 – Mesurer l’effet local à partir d’une analyse
structurelle-résiduelle
L’étonnante disparité des territoires industriels26
Effet local
Tendance nationale
Figure 5 – Principal déterminant de l’évolution de l’emploi industriel local
sur la période 2009-2015
Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
La Figure 6 représente la variation de
l’emploi attribuée à l’effet local pour
chaque zone d’emploi. En premier lieu,
on remarque la similitude générale de
cette carte avec celles présentées aux
figures 1 et 2. On constate à nouveau que
des groupes de territoires contigus par-
tagent des dynamiques similaires. Les
territoires à effet local positif (en vert) se
retrouvent le plus souvent à l’ouest, dans
le sud et en Rhône-Alpes, tandis que ceux
qui présentent un effet local négatif sont
majoritairement localisés dans le nord et
le centre de la France. On ne peut néan-
moins pas parler de déterminisme régio-
nal : des territoires, comme Dunkerque
ou Valenciennes, ont un effet local positif
dans des régions où les effets locaux sont
plutôt négatifs, tandis que d’autres (Corte,
Fontenay-le-Comte, etc.), implantés dans
de vastes zones à effet local positif, pré-
sentent un taux négatif.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 27
Cette importance du rôle joué par l’effet
local dans la variation de l’emploi va dans
le sens des observations réalisées depuis
une vingtaine d’années sur les systèmes
productifs territoriaux. Rétrospectivement,
ces études montrent même que ce poids
de l’effet local s’accroît 6
, en parallèle d’un
effacement de la composante structurelle
(Bonnet, 1997 ; Gaigné et al., 2005).
6. La contribution moyenne de l’effet local à la variation de l’emploi total était de 40 % sur la période 2000-2009 et de 55 %
sur la période 2009-2015. Pour une analyse de la première décennie des années 2000, voir Levratto, Carré et Lievaut (2013).
Une croissance plus forte de
l’emploi industriel dans un territoire
n’est jamais le reflet d’une plus forte
concentration des secteurs les plus
dynamiques.
supérieure à 14%
de 5% à 14%
de 0% à 5%
de –5% à 0%
de –13% à –5%
inférieure à –13%
Figure 6 – Variation de l’emploi industriel due à l’effet local par zone
d’emploi (2009-2015)
Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
L’étonnante disparité des territoires industriels28
4. L’effet local est déterminant
pour les territoires fortement
industriels
Nous cherchons maintenant à mieux com-
prendre cet effet local en examinant un
échantillon de zones d’emploi, sélection-
nées pour l’importance de leur industrie.
Parmi les 141 zones d’emploi dont les
noms correspondent aux « Territoires d’in-
dustrie » labellisés par le Gouvernement,
nous retenons les 30 zones qui comptent
au moins 28 % d’emplois industriels ou
qui totalisent plus de 10 000 emplois in-
dustriels. Comme le montre la Figure 7,
les territoires les plus petits sont aussi les
plus spécialisés alors que les plus grands,
7. L’effet national n’est pas représenté sur le graphique car sa valeur est identique pour toutes les ZE.
plus diversifiés, comprennent une part
d’emploi industriel un peu plus faible.
La Figure 8 présente la décomposition de
la croissance de l’emploi industriel 7
dans
ces trente zones. L’effet structurel y est
presque systématiquement négatif puisque,
sur la France entière, la plupart des secteurs
industriels, à la maille sectorielle retenue,
ont perdu des emplois sur la période étu-
diée. C’est l’ampleur de l’effet local qui
distingue surtout ces territoires les uns des
autres. Certaines zones d’emploi comme
Figeac, Issoire, Vitré et Ancenis bénéficient
ainsi d’un fort effet local positif. D’autres
telles que la Pithiviers, Béthune-Bruay ou
Charleville-Mézières sont à l’inverse péna-
lisées par leurs spécificités locales.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000
Nombre d'emplois industriels
Partdel’industriedansl’emploitotal
St Omer
Laval Valenciennes
Belford-Montbéliard
Cholet
La Ferté Bernard
V. Bresle Vimieu
Nombre et part des emplois industriels dans l’emploi local en 2012
Figure 7 – Échantillon de trente zones d’emploi, territoires d’industrie
Source : Acoss.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 29
–30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% 40% 50%
Vitré
Vienne - Roussillon
Vallée de l'Arve
Vallée de la Bresle - Vimeu
Valenciennes
Thiers
Segré
Saverne
Sarreguemines
Saint-Omer
Saint-Claude
Sablé-sur-Sarthe
Pithiviers
Oyonnax
Nogent-le-Rotrou
Montbard
Molsheim - Obernai
Laval
La Ferté-Bernard
Issoudun
Issoire
Haguenau
Flers
Figeac
Cholet
Châtellerault
Charleville-Mézières
Béthune - Bruay
Belfort - Montbéliard - Héricourt
Ancenis
Effet local Effet structurel Effet observé
Figure 8 – Décomposition de la variation de l’emploi industriel
entre 2009 et 2015
Source : Acoss, calculs des auteurs.
L’étonnante disparité des territoires industriels30
–30% –20% –10% 0% 10% 20% 30%
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons
et de produits à base de tabac
Fabrication de textiles, industries de l'habillement,
industrie du cuir et de la chaussure
Travail du bois, industries du papier et imprimerie
Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique
ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques
Métallurgie et fabrication de produits métalliques
à l'exception des machines et des équipements
Fabrication de machines et équipements n.c.a.
Fabrication de matériels de transport
Autres industries manufacturières ;
réparation et installation de machines et d'équipements
Nogent-le-Retrou (Eure-et-Loir)
Fabrication de machines et équipements n.c.a.
Fabrication de matériels de transport
Autres industries manufacturières ;
réparation et installation de machines et d'équipements
Molsheim-Obernai (Bas-Rhin)
Figure 9 – « Effets locaux sectoriels » ou variations locales de l’emploi
corrigées des moyennes nationales par secteur, entre 2009 et 2015
Parvenus à ce stade de l’analyse, on pour-
rait penser que ces territoires bénéficient
chacun d’une vitalité propre, profitant uni-
formément à toute leur économie locale.
Ce serait erroné. En effet, comme le montre
la Figure 9, les effets locaux propres aux
différents secteurs d’activité – ou, plus pré-
cisément, les variations locales de l’emploi
corrigées des moyennes nationales pour
chaque secteur – sont très variables au
sein d’une même zone d’emploi, ici sur la
base des exemples de Nogent-le-Rotrou et
Molsheim-Obernai. Dans le premier cas,
l’effet local est positif tous secteurs confon-
dus, à l’image de la métallurgie ou de la
plasturgie par exemple, mais la réparation
de machines et les industries agroalimen-
taires (IAA) présentent des effets locaux
négatifs. Dans le second, l’effet local est
négatif en dépit d’effets locaux positifs
pour la métallurgie, la plasturgie ou le
textile. Cela peut découler des stratégies
d’entreprises, des spécialisations produc-
tives, ou encore d’un positionnement plus
ou moins avantageux au sein de la chaîne
de valeur.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 31
–30% –20% –10% 0% 10% 20% 30%
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons
et de produits à base de tabac
Fabrication de textiles, industries de l'habillement,
industrie du cuir et de la chaussure
Travail du bois, industries du papier et imprimerie
Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique
ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons
et de produits à base de tabac
Fabrication de textiles, industries de l'habillement,
industrie du cuir et de la chaussure
Travail du bois, industries du papier et imprimerie
Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique
ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques
Métallurgie et fabrication de produits métalliques
à l'exception des machines et des équipements
Fabrication de machines et équipements n.c.a.
Fabrication de matériels de transport
Autres industries manufacturières ;
réparation et installation de machines et d'équipements
–30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% 40%–40%–50%
Molsheim-Obernai (Bas-Rhin)
Source : Acoss.
On peut compléter l’illustration de ce phé-
nomène en comparant, cette fois, tous les
territoires de l’échantillon pour deux sec-
teurs spécifiques (voir Figure  10). Pour
la fabrication de matériels de transport,
les divergences sont particulièrement
marquées : plus de 100 points de pourcen-
tage séparent les effets sectoriels locaux
de Molsheim-Obernai et de Charleville-
Mézières. La diversité des trajectoires
locales est également frappante dans le
cas des industries agroalimentaires, par
exemple entre Segré et Issoudun d’un
côté, et La Ferté-Bernard ou Nogent-le-
Rotrou de l’autre.
Les effets locaux propres aux dif-
férents secteurs d’activité – ou, plus
précisément, les variations locales
de l’emploi corrigées des moyennes
nationales pour chaque secteur – sont
très variables au sein d’une même
zone d’emploi.
L’étonnante disparité des territoires industriels32
– 30 % – 20 %– 10 % 0 % 10 % 20 % 30 %
Vitré
Vienne - Roussillon
Vallée de l'Arve
Vallée de la Bresle - Vimeu
Valenciennes
Thiers
Segré
Saverne
Sarreguemines
Saint-Omer
Saint-Claude
Sablé-sur-Sarthe
Pithiviers
Oyonnax
Nogent-le-Rotrou
Montbard
Molsheim - Obernai
Laval
La Ferté-Bernard
Issoudun
Issoire
Haguenau
Flers
Figeac
Cholet
Châtellerault
Charleville-Mézières
Béthune - Bruay
Belfort - Montbéliard - Héricourt
Ancenis
Industries alimentaires et boissons
–80% –60% –40% –20% 0% 20% 40%
Fabrication de matériels
de transport (CL)
Figure 10 – Effets locaux sectoriels pour la fabrication de matériels
de transport et les industries agroalimentaires, entre 2009 et 2015
Source : Acoss.
Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 33
En conclusion de ce chapitre, retenons
que l’hétérogénéité des territoires face à
la création d’emplois nous conduit à en
chercher les moteurs les plus efficaces,
notamment pour ce qui concerne l’emploi
industriel. Il apparaît que ni la taille des
zones d’emploi ni les spécialisations sec-
torielles, qu’elles soient favorables ou dé-
favorables à l’échelle du pays, ne sont de
nature à expliquer ces variations de ma-
nière convaincante. On est donc conduits
à examiner le contenu et les déterminants
des effets locaux, qui s’avèrent prépondé-
rants. C’est l’objet du chapitre suivant.
Ni la taille des zones d’emploi
ni les spécialisations sectorielles ne
sont de nature à expliquer les varia-
tions de l'emploi industriel de manière
convaincante.
L’étonnante disparité des territoires industriels
35
CHAPITRE 2
Comprendre les ressorts de la performance
des territoires
8. Levratto, Carré et Lievaut (2013) avaient déjà mis en évidence de tels écarts sur la période 2000-2009. Marjolaine
Gros-Balthazard (2018) montre, en cartographiant l’évolution de l’emploi industriel au niveau des bassins de vie entre 1975 et
2012, que la diversité des trajectoires industrielles se vérifie également sur une longue période.
9. Cette expression est attribuée à Emmanuel de Martonne, qui l’a utilisée pour désigner une bande aride traversant la cordillère
des Andes depuis le désert d’Atacama jusqu’à la Patagonie. Elle aurait été transposée à la France par Roger Béteille, géographe
spécialiste du monde rural. Les géographes du groupe Reclus l'ont reprise pour désigner les régions rurales dépeuplées allant
de la Lorraine à l’Aquitaine.
10. Les travaux de l’école de la proximité (Bouba-Olga et Grossetti, 2015 ; Colletis et Pecqueur, 1995) et les approches
institutionnalistes (voir l'introduction générale de Carré et Levratto, 2011) ont contribué à la remettre en cause.
Le chapitre précédent a montré la grande
diversité des dynamiques territoriales de
création et destruction d’emplois au cours
de la période 2009-2015. Il confirme, à une
maille territoriale plus fine et sur la période
récente, des analyses plus anciennes 8
qui
mettaient déjà l’accent sur l’existence
d’une « diagonale aride » 9
et sur la dyna-
mique des zones côtières, le long de la Mé-
diterranée et de l’arc atlantique notamment.
Une vaste littérature, dite de la nouvelle
économie géographique, cherche surtout
à expliquer ces écarts de performance par
les gains d’agglomération, conduisant les
firmes à s’implanter dans les zones denses.
Ce primat des effets externes d’agglomé-
ration est cependant régulièrement remis
en cause par des recherches mettant en
relief des facteurs explicatifs alternatifs ou
complémentaires 10
. C’est pourquoi nous
pensons que cette lecture est incomplète
et qu’une part significative de la dyna-
mique d’un territoire résulte également de
la combinaison de ressources matérielles,
immatérielles et des pratiques stratégiques
des individus et des organisations. Ainsi
adoptons-nous, dans ce chapitre dédié à la
recherche des facteurs explicatifs de l’ef-
fet local, une approche globale.
36 L’étonnante disparité des territoires industriels
1. Les créations d’emplois
sur un territoire dépendent
de trois catégories de facteurs
Cette section présente les déterminants de
l’emploi le plus souvent mis en évidence
par les travaux d’économie géographique.
Ces travaux sont nombreux, qu’il s’agisse
de vérifications empiriques d’hypothèses
formulées dans les modèles théoriques
(théorie de la base, effets d’agglomération,
traction par la demande, etc.) ou des ap-
proches d’emblée empiriques. Les régions,
les groupes de pays, les périodes et les
mailles spatiales sur lesquels ils portent va-
rient sensiblement ; surtout, ils débouchent
sur des résultats différents, parfois contra-
dictoires, qui nourrissent d’intenses débats.
Sont ici répertoriés les facteurs le plus sou-
vent analysés et dont nous chercherons à
évaluer l’influence dans la section suivante.
1.1 Les dotations matérielles
et immatérielles
La première catégorie de facteurs expli-
catifs des trajectoires territoriales de
développement correspond aux dotations
matérielles (géographie, infrastructures,
technologies) et immatérielles du terri-
toire. En ce qui concerne les éléments
plus immatériels, plus « invisibles »
(Doeringer, Terkla et Topakian, 1987),
on peut citer l’histoire des territoires
11. Callois (2006) le définit comme l’ensemble des institutions formelles ou informelles qui facilitent la coopération entre acteurs.
(Séri, 2003), la qualité des liens socio-
économiques ou du capital social 11
. Ils
sont résumés par le concept de « capital
territorial » (voir, parmi de nombreuses
références, Camagni et Capello, 2013 ;
Perucca, 2014).
L’écart de performance entre ter-
ritoires tient en partie à la capacité,
variable, des acteurs locaux à gérer les
conflits, créer des espaces de dialogue,
dégager des solutions gagnant-gagnant,
trouver des compromis, etc.
En particulier, la qualité des échanges entre
acteurs constitue un facteur important de
performance des territoires. Comme l’ont
montré les recherches sur l’économie de
proximité (Colletis et Pecqueur, 1995 ;
Zimmermann, 2002), il ne suffit pas que
les acteurs soient proches pour qu’ils
coopèrent. Autrement dit, l’écart de per-
formance entre territoires tient en partie
à la capacité, variable, des acteurs locaux
à gérer les conflits, créer des espaces de
dialogue, dégager des solutions gagnant-
gagnant, trouver des compromis, etc.
37Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
1.2 Les caractéristiques du tissu
économique local
Le deuxième ensemble de déterminants
concerne les caractéristiques de l’appareil
productif local – qui dépassent la ques-
tion de la composition sectorielle étudiée
au chapitre précédent – et plus spécifi-
quement la nature des activités écono-
miques, leur degré de concentration et de
spécialisation.
Une partie de la littérature, qui fait de l’es-
pace un déterminant de la croissance des
firmes(AudretschetDohse,2007 ;Behrens
et Thisse, 2007), insiste sur la concentra-
tion des activités, la dimension des villes
et, enfin, sur les économies d’aggloméra-
tion comme facteurs de performance des
territoires. À l’origine des effets d’agglo-
mération, on trouve principalement la
dimension des marchés, la qualité des
facteurs, notamment du travail ou la cir-
culation de l’information. Les recherches
qui se rattachent au courant de la nouvelle
économie géographique considèrent que
les mécanismes d’agglomération consti-
tuent le moteur essentiel de la perfor-
mance des territoires (Baldwin et Martin,
2004 ; Martin et al., 2011) et qu’ils béné-
ficient également aux territoires alentours
(Bishop,2008 ;SchalteggeretZemp,2003)
à travers des mécanismes de diffusion ou
de spillovers spatiaux. Ces thèses trouvent
une confirmation empirique dans les ana-
lyses de Combes, Duranton, Gobillon
et Roux (2010) ou Combes, Magnac et
Robin (2004) réalisées à partir de données
portant sur les villes, les aires urbaines,
les zones d’emploi ou les départements
français.
Ce lien entre densité et performance n’est
toutefois pas systématique. La nature des
activités, la volonté et la capacité des
acteurs à coopérer ou encore la « culture
locale » introduisent des éléments facili-
tateurs ou au contraire des obstacles à la
création et à la diffusion des économies
d’agglomération. Par exemple, on peut
montrer que l’agglomération de firmes fa-
vorise la croissance locale à condition que
les entreprises en présence entretiennent
des liens techniques ou commerciaux
(Boschma, 2005 ; Boschma et Iammarino,
2009 ; Zimmermann, 2002).
1.3 Le type de firmes et leurs
stratégies
Le troisième ensemble de facteurs
concerne les caractéristiques des entre-
prises, telles que leur âge, leur taille
ou encore leur statut. Par exemple, les
entreprises appartenant à des groupes
peuvent bénéficier d’avantages (accès
aux ressources, au marché, etc.) mais
aussi subir des contraintes (pressions sur
le partage de la valeur ajoutée, choix de
localisation à l’extérieur du territoire,
etc.). Différentes recherches empiriques
(Hecquet et Lainé, 1998), montrent ainsi
que les disparités de croissance entre
zones d’emplois sont corrélées aux moda-
lités dominantes d’organisation des firmes
38 L’étonnante disparité des territoires industriels
industrielles (grands ou petits établisse-
ments) et de leur gouvernance (firmes in-
dépendantes ou groupes, groupes français
ou étrangers).
2. L’influence des territoires
avoisinants
Un territoire ne constitue pas un système
clos : il s’inscrit dans un ensemble spatial
plus large où s’opèrent des transferts de
richesse, de biens, de main-d’œuvre, etc.
Les relations avec les autres territoires
influencent la performance à travers de
multiples phénomènes (Vanier, 2013).
Certains sont liés à la proximité géogra-
phique, comme les effets de diffusion, de
ruissellement, de captation, etc. D’autres
concernent essentiellement les relations
entre les acteurs industriels eux-mêmes
(par exemple au sein d’un groupe d’entre-
prises, d’un réseau, etc.).
Une importante littérature (Glaeser, 2011 ;
Katz et Bradley, 2013) considère ainsi
que les grands territoires métropolitains
agissent tels des moteurs pour les autres
territoires, à travers des mécanismes de
débordement ou de ruissellement. Toute-
fois, certaines analyses montrent que la
capacité d’entraînement des métropoles
sur les territoires avoisinants est loin d’être
systématique (Brunetto et Levratto, 2017).
12. L’indice I de Moran mesure l’autocorrélation spatiale des données. On parle d’autocorrélation spatiale positive lorsque les
zones d’emploi présentant une valeur élevée sont entourées d’autres zones présentant des valeurs élevées et que les zones à valeur
faible sont elles aussi entourées d’autres zones à valeur faible. L’autocorrélation spatiale est dite négative lorsque les zones à valeur
élevée sont entourées de zones à valeur faible et vice versa. L’indicateur de Moran est nul lorsqu’il n’y a aucune autocorrélation.
Si des métropoles comme Lyon, Nantes
ou Bordeaux exercent un effet de diffusion
sur les zones contiguës, il n’en est pas de
même de Montpellier ou Toulouse qui ne
semblent pas partager leur dynamique avec
les territoires alentour. Outre la proximité
géographique, d’autres phénomènes ou
formes de proximité interviennent. Elhorst
(2010) montre que les effets de déborde-
ment d’un territoire sur l’autre peuvent
passer par différents canaux, et il distingue
donc trois types d’interaction spatiale : l’in-
teraction « endogène », lorsque la décision
économique d’un agent ou d’une zone géo-
graphique va dépendre de la décision de ses
voisins, l’interaction « exogène », lorsque
la décision économique d’un agent va dé-
pendre des caractéristiques observables
de ses voisins, et enfin la corrélation spa-
tiale des effets de mêmes caractéristiques
inobservées.
La capacité d’entraînement des
métropoles sur les territoires avoisi-
nants est loin d’être systématique.
Les cartes de la Figure 11 illustrent ces
relations interterritoriales, les nuances de
bleu et de rouge traduisant la coévolution
de l’emploi salarié total et de l’emploi in-
dustriel pour les 304 zones d’emploi mé-
tropolitaines. Cette représentation repose
sur le calcul d’un indice, dit de Moran 12
,
39Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
Non significatif (209)
Haut-Haut (35)
Bas-Bas (49)
Bas-Haut (6)
Haut-Bas (5)
Légende
Emploi salarié total Emploi salarié dans l’industrie
Non significatif (232)
Haut-Haut (25)
Bas-Bas (36)
Bas-Haut (4)
Haut-Bas (7)
Légende
Figure 11 – Effets de débordement de la variation de l’emploi
entre 2009 et 2015
Matrice de contiguïté d’ordre 1. Source : Acoss, 2009 et 2015. Calculs et cartographie : EconomiX.
Note : le nombre de zones d'emploi est indiqué entre parenthèses.
qui détermine si le taux de croissance de
l’emploi mesuré pour chaque territoire
est dépendant de celui de ses voisins et si
cette similitude est le fruit du hasard ou
d’un effet de débordement.
Nous pouvons tirer quatre enseignements
de ces cartes.
Premièrement, le nombre de zones pré-
sentant un effet de débordement significa-
tif tout comme le sens de ces effets sont
quasiment invariants selon que l’on consi-
dère l’emploi salarié total ou industriel. 84
zones d’emploi présentent ainsi des effets
de débordement avec leurs voisines immé-
diates lorsque l’on étudie l’emploi salarié
total. Elles sont 95 dans ce cas quand on
analyse l’emploi salarié dans l’industrie.
Deuxièmement, les effets de débordement
significatifs apparaissent inégalement ré-
partis et plutôt concentrés dans la moitié
nord du pays.
40 L’étonnante disparité des territoires industriels
Troisièmement, les relations significatives
dessinent un paysage économique du type
« qui se ressemble, s’assemble » : les terri-
toires en croissance sont juxtaposés à des
zones également en croissance, tandis que
les territoires en décroissance sont eux
aussi regroupés, en d’autres endroits.Ainsi,
et selon une allure générale qui rappelle
les cartes du premier chapitre, les agglo-
mérats de territoires à dynamique posi-
tive dominent autour des métropoles de
Rennes et de Nantes, en Rhône-Alpes, au-
tour de l’estuaire de la Gironde, autour de
Marseille et en Corse, alors que, du nord-
est au centre, en passant par la Bourgogne
et en aval de Paris, dominent des regroupe-
ments de zones à dynamique négative.
Les territoires en croissance sont
juxtaposés à des zones également en
croissance, tandis que les territoires en
décroissance sont eux aussi regroupés,
en d’autres endroits.
Quatrièmement, ces cartes suggèrent que
l’effet local mis en lumière au chapitre
précédent découle en partie de l’exis-
tence de coopérations ou de dépendances
interterritoriales. En effet, en comparant la
distribution spatiale des effets de déborde-
ment et celle des effets locaux (Figure 6,
Chapitre 1) on constate que les territoires
à dynamique négative de l’emploi et en-
tourés de zones du même type se caracté-
risent également par un effet local négatif.
Au contraire, une partie du succès de la
Bretagne et du nord de la région Rhône-
Alpes au cours de cette période s’explique-
rait par la capacité des espaces à entretenir
des relations vertueuses. Il peut notam-
ment s’agir de coopération entre terri-
toires contigus, par exemple sous la forme
de contrats entre métropole et territoires
avoisinants, de réseaux de villes (Altaber
et Boutet, 2018), ou simplement de dé-
marches partenariales entre acteurs privés.
La coévolution de la performance peut
également refléter la dynamique de filières
qui s’étendraient sur plusieurs territoires.
On peut citer à cet égard les exemples de
la filière automobile de la Mecanic Valley,
qui couvre quatre départements du Sud-
Ouest (le Lot, l’Aveyron, la Corrèze et la
Haute-Vienne) ou le pôle de compétitivité
de la Cosmetic Vallée qui s’étend sur trois
régions et huit départements.
Bien sûr, la méthode statistique utilisée
n’atteste pas à coup sûr l’existence de tels
liens interterritoriaux. Il est possible que
deux territoires contigus se portent bien en
même temps simplement parce qu’ils re-
groupent les mêmes activités et font ainsi
face aux mêmes retournements ou essors
de marchés. Elle suggère cependant que
les zones d’emploi ne sont pas des îles :
les performances de chacune dépendent
souvent des conditions qui prévalent dans
les territoires voisins.
41Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
3. Analyse empirique des
déterminants des variations
de l’emploi
Nous venons de voir que, selon la littéra-
ture, la performance des territoires en ma-
tière d’emploi pouvait être déterminée par
un grand nombre de facteurs, internes et
externes. Nous proposons ici d’en recher-
cher empiriquement les principaux. Le
choix des variables testées, dont nous vou-
lons évaluer l’influence, se fonde sur un
examen minutieux de la littérature (Carré
et Levratto, 2011). Il s’agit des variables
suivantes (voir le descriptif complet en
annexe 1).
Premièrement, des variables décrivant les
économies d’agglomération : il s’agit ici
de la densité en emploi et de la part de
la main-d’œuvre qualifiée dans l’emploi
total, qui permet d’approximer le stock de
connaissances présentes sur le territoire.
Ensuite, des variables reflétant la com-
position du tissu économique : sa spécia-
lisation ou, au contraire, sa diversité, sa
concentration ou sa dispersion, le poids
de l’emploi industriel, le degré d’autono-
mie du territoire mesuré par la part des
emplois dans des établissements faisant
partie de groupes d’entreprises.
13. On utilise une analyse structurelle-résiduelle pour estimer les créations d’établissements imputables aux conditions
économiques locales.
Troisièmement, une variable caractéri-
sant le « climat économique » : le taux de
chômage.
Quatrièmement, une variable précisant le
type d’activité présente sur le territoire :
présentielle ou productive. Les activités
présentielles sont principalement orien-
tées vers la satisfaction d’une demande
locale alors que les biens et services issus
des activités productives sont destinés à
un marché plus large (régional, national
ou international).
Cinquièmement, une variable captant la
dynamique entrepreneuriale des terri-
toires, mesurée par l’effet local de la créa-
tion d’établissements 13
.
Nous tenons également compte des possi-
bilités d’interdépendance spatiale, présen-
tées précédemment.
Les résultats complets des régressions
figurent en annexe 2.
3.1 Les déterminants de la variation
de l’emploi industriel
Conformément à la cartographie des
effets de débordement (voir Figure  11),
nos résultats indiquent qu’une part impor-
tante (27 % selon l’indice de Moran) de la
variation constatée du taux de croissance
de l’emploi industriel dans les territoires
42 L’étonnante disparité des territoires industriels
est expliquée par sa valeur dans les zones
d’emploi voisines. Cela traduit une dépen-
dance spatiale entre les territoires analysés
sur la période 2009-2015 : les zones d’em-
ploi présentant la plus forte croissance de
l’emploi industriel – et respectivement la
plus forte diminution – sont donc spatiale-
ment dépendantes.
En corrigeant l’analyse de ces effets de
débordement, nous montrons que trois
autres indicateurs exercent une influence
significative sur l’emploi industriel local.
L’indice de Hirschman Herfindahl (HHI)
mesure le niveau de concentration de
l’emploi dans quelques établissements (au
contraire d’une répartition uniforme dans
des entreprises de tailles homogènes). Il
est corrélé positivement avec la variation
de l’emploi salarié dans l’industrie. Les
zones d’emploi dans lesquelles l’emploi
se concentre dans quelques établissements
sont donc, toutes choses égales par ail-
leurs, plus dynamiques que les autres.
Les zones d’emploi dans les-
quelles l’emploi se concentre dans
quelques établissements sont donc,
toutes choses égales par ailleurs, plus
dynamiques que les autres.
Un taux de chômage élevé est corrélé
négativement à la croissance de l’emploi
industriel. Il est néanmoins difficile de se
prononcer sur le sens de la causalité : un
taux de chômage initialement élevé peut
naturellement être le résultat d’une fragi-
lité industrielle antérieure.
Des estimations complémentaires sug-
gèrent enfin que la densité en emploi du
territoire (exprimée en nombre d’emplois
par km2
) agit de manière positive sur
l’emploi industriel entre 2009 et 2015.
Ce résultat indique que les effets d’agglo-
mération bénéficient aux activités indus-
trielles, via notamment une meilleure
diffusion des connaissances et des tech-
nologies, et la présence d’une diversité de
fournisseurs et de compétences.
3.2 Les déterminants de la variation
de l’emploi total
Les phénomènes de débordement se ré-
vèlent encore plus marqués pour l’emploi
total que pour l’emploi industriel : ils
expliquent cette fois 38 % de la variance
constatée. Des tests complémentaires
montrent que les interrelations territo-
riales ne passent pas par la valeur spatia-
lement décalée des variations de l’emploi,
mais par d’autres canaux non identifiés.
On corrige ensuite notre estimation pour
écarter l’effet de ces interrelations et dé-
gager des facteurs explicatifs nets de la
variation de l’emploi total.
Premièrement, le taux d’emploi industriel
est corrélé négativement à la variation
43Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
de l’emploi salarié total (Tableau C, An-
nexe 2). Ce résultat n’est pas surprenant
eu égard au recul général de l’emploi in-
dustriel en France et en Europe.
Symétriquement, une dominance des acti-
vités relevant de l’économie présentielle,
c’est-à-dire orientée vers la satisfaction des
besoins locaux, est elle aussi corrélée néga-
tivement à la croissance de l’emploi salarié.
Cela montre que l’ouverture des économies
locales aux échanges est un enjeu impor-
tant pour l’emploi : moins le territoire est
ouvert aux échanges hors zone, moins sa
dynamique d’emploi est favorable.
Moins le territoire est ouvert aux
échanges hors zones, moins sa dyna-
mique d’emploi est favorable.
Troisièmement, le niveau de chômage
exerce un effet négatif sur la croissance
de l’emploi salarié local. Cet effet négatif
peut s’expliquer par une attrition de la de-
mande locale qui pénalise les emplois dits
de proximité. En effet, une dégradation du
marché du travail engendre une baisse de
la consommation locale qui se traduit par
un recul de la production du territoire 14
. On
ne peut cependant pas exclure, ici encore,
qu’un taux de chômage initialement élevé
reflète une fragilité économique antérieure.
14. Nous n’avons pas mentionné ce mécanisme dans la section précédente sur les déterminants de la variation de l’emploi
industriel local. En effet, l’attrition de la demande locale n’a, en théorie, qu’une influence très limitée sur l’emploi industriel qui
dépend davantage d’une demande extra-locale (cf. Chapitre 1).
La dynamique entrepreneuriale
influence positivement la croissance
de l’emploi.
La dynamique entrepreneuriale influence
positivement la croissance de l’emploi
salarié sur la période étudiée. Cet effet a
été largement documenté dans la littéra-
ture empirique (Fritsch, 2008 ; Delfmann
et Koster, 2016). La création d’entreprises
est une alternative au chômage et alimente
deux moteurs de l’emploi à long terme :
l’innovation et le développement de
compétences.
Enfin, des variantes de notre modèle éco-
nométrique de référence révèlent deux
autres résultats intéressants. D’une part,
la densité en emploi du territoire joue
de manière positive sur la croissance de
l’emploi dans les territoires, confirmant
les conclusions de travaux antérieurs sur
six régions françaises (Schmitt et Henry,
2000). D’autre part, la concentration de
l’emploi dans un faible nombre d’établis-
sements influence de manière positive la
variation de l’emploi salarié.
44 L’étonnante disparité des territoires industriels
Tableau 1 – Synthèse des résultats d’estimation :
déterminants de la variation locale de l’emploi
Variable Emploi industriel Emploi total
Densité
n.s. (effet positif
selon variante)
n.s. (effet positif
selon variante)
Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s.
Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s.
Concentration (indice HHI) +
n.s. (effet positif
selon variante)
Part d’établissements appartenant à des groupes n.s. n.s.
Part de l’emploi public n.s. n.s.
Part de l’emploi manufacturier n.s. –
Taux de chômage – –
Zone d’emploi présentielle n.s. –
Dynamique entrepreneuriale n.s. +
Note : ce tableau synthétise les résultats du modèle économétrique de référence (modèle SAR). Comme indiqué
dans ci-dessus, certains résultats complémentaires sont obtenus à partir de variantes et présentés en annexe 2.
Les signes indiquent que la variable à un impact significatif (positif ou négatif) sur la croissance de l’emploi indus-
triel ou de l’emploi total. L’expression « n.s. » indique que le coefficient de la variable n’est pas significativement
différent de 0.
3.3 Les déterminants de la variation
de l’emploi selon le profil productif
du territoire
Rappelons que, selon la littérature anté-
rieure, les déterminants de l’emploi local
dépendent des secteurs d’activité. Par
exemple, les gains liés à la concentration
des activités dans les zones denses
concernent surtout les services à forte in-
tensité en connaissance, tandis que la pré-
sence de grands groupes bénéficie plutôt à
l’industrie « traditionnelle ».
Afin de rendre compte de cette hétéro-
généité possible, nous proposons ici une
45Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
typologie des zones d’emploi reflétant
leurs dominantes productives. Elle est
élaborée à partir des coefficients de loca-
lisation des secteurs d’activité de la « base
compétitive » (voir Encadré 2). Ce coeffi-
cient de localisation est égal à la part d’un
secteur donné dans l’emploi du territoire
rapportée à la place de ce secteur dans
l’emploi total du pays. Un coefficient de
localisation supérieur à 1 signifie qu’un
secteur est surreprésenté dans le territoire.
Une méthode statistique 15
permet alors
d’identifier quatre catégories de zones
d’emploi, dominées par des combinaisons
d’activités différentes (voir Annexe 3).
La catégorie 1 correspond aux territoires
dominés par les activités métropolitaines
(services informatiques, RD, activi-
tés scientifiques et techniques, etc.). Par
construction, cette catégorie regroupe la
plupart des métropoles françaises.
La catégorie 2 correspond aux territoires
dominés par les industries agroalimen-
taires et des secteurs plus traditionnels
comme la fabrication de textiles et l’in-
dustrie du bois. Les zones d’emploi cor-
respondant à cette classe se trouvent
surtout en Bretagne et au centre du pays.
La catégorie 3 rassemble les zones d’em-
ploi dominées par les activités de fabrica-
tion de biens intermédiaires de moyenne
et haute technologie (chimie, pharmacie,
fabrication de produits informatiques,
15. Plus précisément nous réalisons une analyse en composantes principales et une classification ascendante hiérarchique.
électroniques et optiques, etc.). Elles sont
souvent situées dans la partie picarde
des Hauts-de-France et autour de l’étang
de Berre.
La catégorie 4 rassemble des territoires
dominés par la fabrication de matériels
de transport et les industries liées (textile,
métallurgie, fabrication d’équipements
électriques). Relèvent de cette catégorie
nombre de zones d’emploi des Hauts-de-
France, de l’est du pays (dont Metz), de la
Vendée et la région Centre-Val de Loire.
Les déterminants de l’emploi local
dépendent des secteurs d’activité. C'est
pourquoi nous proposons une typolo-
gie des zones d’emplois reflétant leurs
dominantes productives.
46 L’étonnante disparité des territoires industriels
C1 Territoires de services métropolitains C2 Territoires d’industries traditionnelles
C3 Territoires de fabrication de biens
intermédiaires de moyenne et haute technologie
C4 Territoires dominés par la fabrication
de matériel de transport et industries liées
Figure 12 – Typologie des zones d’emploi en fonction
de leur profil productif
Source : Acoss, 2015. Calculs et cartes : EconomiX.
Source : Acoss, calculs des auteurs.
47Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
La base compétitive correspond à une conception élargie de l’industrie et regroupe
les secteurs suivants de la nomenclature d’activités française, révision 2 (NAF Rév. 2) :
- l’ensemble de l’industrie et des services aux entreprises : respectivement les indus-
tries extractives, manufacturières, la production et la distribution d’énergie et d’eau
(sections B, C, D, E) d’une part, et les services d’information et de communication,
les activités scientifiques et techniques, ainsi que les services administratifs et de
soutien (sections J, M, N) d’autre part ;
- le transport et l’entreposage de marchandises (section H) ;
- le commerce de gros (division 46 de la section G).
Ainsi définie, cette industrie « au sens large » représente 36,8 % de l’emploi national
en 2015 (Insee, comptes nationaux) contre 9,9 % pour l’industrie manufacturière
stricto sensu (section C) et 11,1 % si on lui adjoint les secteurs extractifs, la produc-
tion et la distribution d’énergie et d’eau (sections B, D, E).
Encadré 2 – La base compétitive
Cette approche différenciée des terri-
toires et de leur performance (voir les
résultats complets dans le Tableau D de
l’Annexe 2) se révèle plus riche que celle
qui privilégie systématiquement les effets
d’agglomération.
En ce qui concerne l’emploi industriel,
seules les zones d’emploi dominées par
la fabrication de biens intermédiaires de
moyenne et haute technologie (catégorie 3)
réagissent conformément à la théorie se-
lon laquelle les effets d’agglomération gé-
nèrent de la croissance. Mais elles sont par
ailleurs pénalisées par d’autres facteurs :
la variation de l’emploi industriel y est en
effet négativement liée à l’importance de
l’emploi dans le secteur public, à la part de
l’industrie et à celle des cadres et des pro-
fessions intellectuelles supérieures – ces
industries étant davantage en recherche de
techniciens. L’orientation résidentielle de
l’activité constitue également un frein à
la croissance de l’emploi, preuve supplé-
mentaire que, depuis la crise de 2009, le
modèle économique fondé sur les activi-
tés présentielles n’est plus aussi efficace
qu’il a pu l’être au début des années 2000
(Davezies, 2010).
48 L’étonnante disparité des territoires industriels
En d’autres termes, le modèle de dévelop-
pement souvent associé aux métropoles
dans lequel l’agglomération favorise les
externalités de connaissance se révèle ap-
proprié à des activités techniques et tech-
nologiques. Il correspond finalement au
profil type des territoires « qui gagnent »
en combinant des effets externes d’agglo-
mération, des établissements de petite
dimension et une forte proportion d’activi-
tés privées. Il en va différemment des trois
autres types de territoires, dans lesquels
la croissance de l’emploi n’est pas signi-
ficativement liée à cette caractéristique
pourtant privilégiée par la littérature.
D’autres facteurs interviennent, souvent
négativement d’ailleurs, pour expliquer
l’évolution de l’emploi dans l’industrie.
Dans les territoires où dominent la fabrica-
tion de matériels de transport et les indus-
tries liées (catégorie 4), l’emploi industriel
est négativement influencé par le poids
des établissements de groupes (à ne pas
confondre avec les grandes entreprises,
voir note 3), par le taux de chômage et par
le caractère résidentiel des activités pré-
sentes sur le territoire.
Tableau 2 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la
variation de l’emploi industriel local par catégorie de zones d’emploi
Variable C1 C2 C3 C4
Densité n.s. n.s. + n.s.
Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s. – n.s.
Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s. n.s. n.s.
Concentration (indice HHI) n.s. n.s. n.s. n.s.
Part d’établissements appartenant à des groupes – n.s. n.s. –
Part de l’emploi public – n.s. – n.s.
Part de l’emploi manufacturier n.s. n.s. – n.s.
Taux de chômage n.s. n.s. n.s. –
Zone d’emploi résidentielle n.s. n.s. – –
Dynamique entrepreneuriale n.s. n.s. n.s. n.s.
n.s. : coefficient non significatif
Note : ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les
MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation natio-
nale ne tenant pas compte des interactions spatiales.
49Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
S’agissant maintenant des variations de
l’emploi total, nos résultats (Tableau E,
Annexe 2) confirment que la densité n’est ni
le seul ni le principal facteur de croissance.
Seuls deux types de territoires sur quatre
voient leur emploi local dynamisé par la
densité : ceux où dominent les industries
traditionnelles et l’agroalimentaire (caté-
gorie 2) et les activités liées à la fabrication
de matériels de transport (catégorie  4). On
retrouve donc, ici encore, l’hétérogénéité
des modèles de développement local.
Le fait pour un territoire de com-
porter une part élevée d’emploi indus-
triel ne ralentit pas nécessairement la
croissance de son emploi total.
De même, le fait pour un territoire de
comporter une part élevée d’emploi in-
dustriel ne ralentit pas nécessairement la
croissance de son emploi total. On note
sans surprise un tel effet défavorable pour
les territoires de type métropolitain (caté-
gorie 1) et ceux où dominent la fabrication
de biens intermédiaires de moyenne et de
haute technologie (catégorie 3), qui, au
cours de cette période, ont connu de nom-
breuses fermetures de sites. Dans cette
dernière catégorie, l’effet négatif de la
présence industrielle est d’ailleurs la seule
variable qui intervienne significativement
pour déterminer l’évolution de l’emploi.
Dans les deux autres types de territoires,
en revanche, l’industrie n’a pas déprimé
16. Une autre explication possible est que la zone n’a accueilli sur la période que de gros établissements qui mécaniquement
ont eu un fort impact sur l’emploi local.
l’emploi, ce qui prouve une fois de plus
que certains territoires industriels ont pu
tirer leur épingle du jeu dans une période
pourtant défavorable à l’industrie.
L’influence des autres facteurs présente la
même hétérogénéité.
Dans les territoires caractérisés par une
présence importante des services métro-
politains à forte intensité en connaissance
(catégorie 1), la variation de l’emploi est in-
versement liée aux parts initiales d’emploi
industriel et d’emploi public. La concen-
tration de l’emploi au sein de quelques
établissements, définie par l’indice de
Herfindahl-Hirschman, est elle aussi inver-
sement corrélée à la variation de l’emploi.
À cela, il y a deux raisons possibles. D’une
part, les variations de l’emploi dans les
grandes entités sont généralement pro-
cycliques (Duhautois, Levratto, et Petit,
2014) : en période de basse conjoncture,
les plus grandes entreprises ont davantage
tendance à réduire leurs effectifs que les
petites. D’autre part, la concentration de
l’emploi dans les grands établissements
réduit la concurrence dans ces zones et, par
ce biais, entrave l’installation de nouvelles
entreprises, conformément à l’hypothèse
de Porter (1979). Inversement, lorsque
de nouvelles entreprises s’installent ou se
créent, elles dynamisent fortement l’em-
ploi 16
comme l’indique le fort coefficient
positif associé aux créations d’établisse-
ments dans ces territoires.
50 L’étonnante disparité des territoires industriels
Cette influence négative de la concentration
ne se retrouve pas dans les territoires domi-
nés par les industries agroalimentaires et
les secteurs plus traditionnels (catégorie 2)
qui ont, au contraire, tendance à en bénéfi-
cier. La structure très duale du secteur des
IAA permet de comprendre ce résultat.
En effet, les grandes entreprises jouent un
rôle moteur dans la plupart des évolutions
affectant le secteur. Réalisant un effort de
RD supérieur à celui des PME, elles sont
à l’origine de la majeure partie des innova-
tions technologiques importantes. Bénéfi-
ciant de leur extension internationale, elles
jouent un rôle important dans les transferts
internationaux de savoir-faire. Enfin, for-
tement intégrées aux chaînes internatio-
nales de valeur, elles sont caractérisées par
une productivité du travail élevée et une
17. Les difficultés rencontrées par une partie de la filière de la viande en Bretagne (faillites de Doux et Gad) sont deux contre-exemples.
croissance marquée 17
. Indirectement, elles
exercent des effets d’entrainement sur des
secteurs connexes par leur fort recours à la
sous-traitance. Ces territoires ont cependant
pu voir leur trajectoire s’infléchir au cours
de la période étudiée, comme le rappelle
l’influence négative du taux de chômage
sur la variation de l’emploi : la variation de
l’emploi y est d’autant plus élevée que le
taux de chômage initial est faible.
Enfin, le taux de chômage, le caractère
présentiel de l’économie locale, le taux
d’emploi public et le poids des filiales de
groupes sont négativement associés à la
croissance de l’emploi dans les territoires
de la catégorie 4, où prédominent la fabri-
cation de matériels de transport et les in-
dustries liées.
51Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires
Tableau 3 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants
de la variation de l’emploi total local par catégorie de zones d’emploi
Variable C1 C2 C3 C4
Densité n.s. + n.s. +
Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s. n.s. n.s.
Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s. n.s. n.s.
Concentration (indice HHI) – + n.s. n.s.
Part d’établissements appartenant à des groupes n.s. n.s. n.s. –
Part de l’emploi public – n.s. n.s. –
Part de l’emploi manufacturier – n.s. – n.s.
Taux de chômage n.s. – n.s. –
Zone d’emploi résidentielle n.s. n.s. n.s. –
Dynamique entrepreneuriale + n.s. n.s. n.s.
n.s. : coefficient non significatif
Note : ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les
MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation nationale
ne tenant pas compte des interactions spatiales.
L’étonnante disparité des territoires industriels
53
Conclusion
Si l’industrie française a globalement perdu des emplois au cours de la dernière décennie,
certains territoires ont connu un développement industriel florissant. En étudiant les varia-
tions locales de l’emploi industriel sur la période allant de 2009 à 2015 nous avons cherché
à mieux comprendre les ressorts de la performance territoriale.
La diversité des trajectoires montre qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : de nombreux
territoires déjouent les conjonctures régionales en créant nettement plus d’emplois in-
dustriels – ou en perdant davantage – que leurs voisins. Surtout, l’analyse rejette l’hy-
pothèse d’une fatalité sectorielle. Une croissance plus forte de l’emploi industriel dans
un territoire n’est jamais le reflet d’une plus forte concentration des secteurs les plus
dynamiques ; il en va de même pour l’influence des secteurs en déclin.
Les conditions économiques locales s’avèrent donc prépondérantes. Dans certains bas-
sins d’emploi, l’effet « local » explique plus de 70 % des variations de l’emploi industriel.
L’effet local d’un territoire n'est d’ailleurs pas uniforme : il peut être fortement positif
dans un secteur d’activité et assez faible voire négatif dans un autre.
Une analyse économétrique permet d’identifier certains déterminants de l’emploi local. Le
meilleur prédicteur de l’évolution de l’emploi industriel semble être la performance indus-
trielle des territoires alentours. À l’ouest et au sud de la France, dans le nord des Alpes
et en Île-de-France, on observe des agglomérats de territoires à dynamique de l’emploi
industriel positive, alors que le quart nord-est du pays est dominé par des regroupements
de zones à dynamique négative. Un territoire prospère stimulerait donc non seulement la
demande en services de proximité chez ses voisins, mais aussi l’industrie (fournisseurs,
sous-traitants). Nous montrons également que les différents déterminants de l’emploi ont
des effets contrastés selon les combinaisons d'activités présentes dans les territoires. Les
effets d’agglomération par exemple, prévalent surtout dans les territoires spécialisés dans
des industries à forte intensité en connaissance.
Puisque les caractéristiques quantifiables des territoires examinés ne permettent de prédire
leur performance, la suite de nos travaux tentera, à l’aide d’études de terrain de mettre en
lumière des déterminants plus qualitatifs comme l’efficacité des institutions et des coopéra-
tions entre acteurs divers.
54 L’étonnante disparité des territoires industriels
POINT DE VUE
Renforcer l’adéquation entre filières
industrielles, territoires et formation
Par Gabriel Artero, président de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC
et membre du Conseil d’orientation de La Fabrique de l’industrie
Je me félicite que la Fabrique de l’industrie ait pu se saisir de ce sujet pour expliquer
« L’étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin ».
La Fédération de la Métallurgie CFE-CGC que j’ai l’honneur de présider reste attachée
à défendre l’industrie, ses emplois et ses salariés, que ce soit dans les grands groupes, les
PME-PMI ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI). La branche Métallurgie qui pèse
près de la moitié de l’industrie, avec ses 1,5 millions de salariés, est constituée de 42 000
entreprises de toute taille. Parmi celles-ci, 80 % des établissements ont moins de 50 salariés
et 9 % sont des ETI. La France est donc bien essentiellement composée d’un tissu industriel
de PME-PMI.
La mission « Territoires d’industrie » initiée par le gouvernement a pu identifier des terri-
toires qui bénéficient d’une aide au développement déployée en région. L’objectif de cette
mission étant de compléter l’approche par filière et une optique territoriale, dans laquelle
tous les territoires sont concernés, et pas seulement ceux ayant perdu des emplois ces der-
nières décennies ni ceux plus florissants. L’ambition est d’insuffler une dynamique col-
laborative soutenue par un appareil de formation en lien avec l’industrie. Un « panier de
services » comprenant une vingtaine d’actions est mis à la disposition pour répondre aux
besoins identifiés : recruter en renforçant l’offre de formation aux métiers industriels, attirer
en mobilisant les opérateurs de l’Etat pour appuyer des projets des territoires d’industrie,
innover en permettant aux PME d’accéder à la recherche et au développement, simplifier
en facilitant les demandes de dérogation administrative pour mettre en œuvre les projets.
Point de vue 55
Le principal moteur du développement de l’emploi dans un territoire tient bien du dyna-
misme de l’entreprise industrielle à générer de la croissance, qui ne soit pas uniquement
assise sur le territoire dans lequel elle est installée. Par ailleurs, la transformation techno-
logique à l’œuvre, aussi rapide que violente, va voir disparaître certains métiers et en faire
émerger de nombreux autres. La CFE-CGC argue de tout son poids pour mettre en avant
la nécessaire adéquation entre filières industrielles, territoires et formation pour tous. En
ce sens, la constitution d’un OPCO Industrie doit contribuer à cette transformation de nos
territoires d’industrie.
L’étonnante disparité des territoires industriels
57
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proximités », Revue Economique, 53(3), 517–524.
61
L’étonnante disparité des territoires industriels
63
Annexes
1. Approche empirique de l’analyse des déterminants
des variations de l’emploi
L’analyse des déterminants de la variation des différents types d’emplois (emploi salarié
total ou emploi salarié industriel) commence avec un modèle de régression classique
(Moindres Carrés Ordinaires ou Ordinary Least Squares).
Le modèle de régression linéaire classique s’écrit de la façon suivante :
Y = Xβ + ε (1)
Avec, Y la variable dépendante ou à expliquer, ici le taux de variation de l’emploi salarié
total ou industriel. X est le vecteur des variables explicatives répertoriées dans le Tableau
A : la densité de l’emploi local, la part locale de la main-d’œuvre qualifiée, l’indice de
spécialisation de Krugman, l’indice de concentration d’Herfindhal, autonomie de déci-
sion de l’établissement, part de l’emploi public et industriel local, taux de chômage local,
le caractère résidentiel ou productif de la zone d’emploi, et enfin la dynamique entrepre-
neuriale. β est le vecteur de paramètres à estimer et ε un terme d’erreur.
Tableau A – Variables utilisées dans les modèles
Nom de la variable Interprétation Définition Source
Variables à expliquer
(calculées par zone d’emploi)
LnVarEmpInd_0915 Variation du nombre
total d’emplois sala-
riés dans l’industrie
entre 2009 et 2015
Nombre d’emplois salariés dans
l’industrie en 2015 (logarithme) –
Nombre d’emplois salariés dans
l’industrie en 2009 (logarithme)
Insee,
Clap
LnVarEmp_0915 Variation du nombre
total d’emplois
salariés entre 2009
et 2015
Nombre d’emplois salariés en
2015 (logarithme) – Nombre d’em-
plois salariés en 2009 (logarithme)
Insee,
Clap
64 L’étonnante disparité des territoires industriels
Nom de la variable Interprétation Définition Source
Variables explicatives
(calculées par zone d’emploi)
LnDens_09 Densité en emplois
en 2009
Nombre total d’emplois rapporté
à la superficie de la zone
(logarithme)
Insee,
Clap
Qualif_09 Main d’œuvre
qualifiée en 2009
Part de cadres et professions
intellectuelles supérieures dans
l’emploi total
Insee,
Clap
Krugman_09 Indice synthétique
de la spécificité de la
structure industrielle
d’une zone d’emploi
par rapport au reste
du territoire en 2009
avec Xk
i , le nombre d’emplois
du secteur k dans la zone i ; Xi ,
l’emploi total dans la zone i ; Xk ,
le nombre total d’emplois dans le
secteur k
Insee,
Clap
HHI_09 Indice de concentra-
tion d’Herfindahl en
2009
Compris entre 1/N si tous les N
établissements sont de même
taille, et 1 lorsqu’un seul établis-
sement regroupe l’ensemble des
salariés
Insee,
Clap
TxEmplGrpes_09 Approximation
de l’autonomie de
décision des établis-
sements en 2009
Emploi salarié dans des établisse-
ments appartenant à des filiales
de groupes d’entreprises / Emploi
total
Insee,
Clap
TxEmpPubl_09 Part de l’emploi
public en 2009
Nombre d’emplois dans les 3
fonctions publiques rapporté au
nombre total d’emplois
Insee,
Clap
TxIndus_09 Part de l’emploi dans
l’industrie manufac-
turière en 2009
Nombre d’emplois salariés dans
l’industrie manufacturière y.c. IAA
/ Nombre total d’emplois salariés
dans la zone d’emploi
Insee,
Clap
Chom_09 Taux de chômage en
2009
Nombre de chômeurs / population
active
Insee,
bases ad
hoc
ZEPres Unité spatiale à do-
minante résidentielle
ou productive
Codée 1 si la ZE est à dominante
résidentielle et 0 sinon
Insee,
base ad
hoc
EffLocEtab_0915 Dynamique entrepre-
neuriale entre 2009
et 2015
Effet local de la variation du
nombre d’établissements entre
2009 et 2015 (analyse shift-share)
Insee,
Clap
65Annexes
Nom de la variable Interprétation Définition Source
Matrices de poids spatial
W01 Matrice de contiguïté
d’ordre 1
Indique si les zone d’emploi ont
une frontière commune (codée 1)
ou pas (codée 0)
IGN,
calculs
via
Geoda
W03 Matrice de distance
inverse
Indique l’inverse de la distance
entre les centroïdes de chaque
zone d’emploi
IGN
calculs
via
Geoda
Différents tests sont ensuite réalisés pour détecter une éventuelle présence d’autocorréla-
tion spatiale. S’ils concluent à l’existence d’une autocorrélation spatiale significative, des
modèles spatiaux doivent être utilisés, sinon, les MCO s’appliquent. Cette démarche est
proche de ce qu’on appelle communément dans la littérature l’approche ascendante ou
bottom-up (Abreu, De Groot, Florax, 2004 ; Le Gallo, 2004).
Emploi salarié dans l’industrie
La réalisation du test de Moran montre que les 304 ZE étudiées présentent une dépen-
dance spatiale dont la forme 18
est globalement homogène pour les deux matrices de poids
utilisées. Pour l’étude de la variation de l’emploi industriel local, c’est le modèle avec
une variable spatialement décalée qui est le plus approprié. Ce modèle consiste à intégrer
une « variable endogène décalée » Wy dans l’équation (1) pour prendre en compte l’auto-
corrélation spatiale. Le modèle structurel s’écrit comme suit 
Y = ρWy + Xβ + ε (2)
Wy est la variable endogène décalée pour la matrice de poids W, ρ est le paramètre autoré-
gressif indiquant l’intensité des interactions existantes entre les observations de Y.
Dans ce modèle, la valeur de Y observée dans une zone d’emploi donnée est en partie
expliquée par les valeurs prises par Y dans les zones voisines. En effet, Wy s’interprète
18. Le choix de la forme est défini selon une règle de décision introduite par Anselin et Rey (1991) et Anselin et Florax (1995).
Si LMLag est plus significatif que LMError et RLMLag est significatif mais pas RLMErr, alors le modèle adéquat est le modèle
avec une variable endogène décalée. Inversement, si LMError est plus significatif que LMLag et RLMError est significatif mais
pas RLMLag, alors on choisit le modèle avec autocorrélation des erreurs.
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industriels
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L’étonnante disparité des territoires industriels

  • 1. L’étonnante disparité des territoires industriels Comprendre la performance et le déclin Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain Préface d’Olivier Lluansi
  • 2. Observatoire des Territoires d’industrie (OTI) 144 Territoires d’industrie bénéficient d’un engagement spécifique de l’État et des collectivités territoriales pour les aider à recruter, innover, attirer et simplifier, afin de favoriser le développement de leur tissu industriel. Ce nouvel instrument de politique publique soulève des questions de recherche intéressant différentes disciplines (économie, sciences politiques, gestion, géographie, urbanisme et aménagement du territoire). On s’interroge notamment sur les modalités de mise en œuvre et l’adaptation aux spécificités des territoires des politiques favorisant le développement de l’industrie et des services associés. Il est souhaitable que les acteurs impliqués puissent bénéficier d’espaces de dialogue, d’échanges de bonnes pratiques et de retours d’expériences. C’est pourquoi la Banque des territoires et l’Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts, le Commissariat général à l’égalité des territoires, Mines ParisTech, La Fabrique de l’industrie, l’Assemblée des Communautés de France, des chercheurs des universités de Poitiers et de Paris Nanterre s’associent pour étudier la mise en place de ces Territoires d’industrie, confronter les expériences et documenter des pratiques intéressantes. Centre de ressources, l’observatoire des Territoires d’industrie produit des études et organise un cycle de séminaires mensuels afin de mieux connaître ces territoires, leurs problèmes, leurs atouts, leurs projets et plus généralement les ressorts de leur développement industriel. Contact : thierry.weil@mines-paristech.fr L’observatoire des Territoires d’industrie est soutenu par : Avec la participation de Régions de France.
  • 3. L’étonnante disparité des territoires industriels Comprendre la performance et le déclin
  • 4. Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain, L’étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin, Paris, Presses des Mines, 2019. ISBN : 978-2-35671-585-2 ISSN : 2495-1706 © Presses des Mines - Transvalor, 2019 60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France presses@mines-paristech.fr www.pressesdesmines.com © La Fabrique de l’industrie 81, boulevard Saint-Michel -75005 Paris - France info@la-fabrique.fr www.la-fabrique.fr Photo de couverture : Composition, 1944, Kandinsky Vassily (1866-1944) Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka Direction artistique : Franck Blanchet Couverture et mise en page : Cécile Chemel Dépôt légal : 2019 Achevé d’imprimer en 2019 – Imprimerie Chirat Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays.
  • 5. L’étonnante disparité des territoires industriels Comprendre la performance et le déclin Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain
  • 6. 6 L’étonnante disparité des territoires industriels Préface7 Remerciements11 Résumé13 Introduction 17 Chapitre 1 La diversité des territoires industriels 19 1. Les territoires créent et détruisent des emplois de manière contrastée 19 2. L’industrie exerce un effet d’entraînement sur l’économie locale 21 3. La performance des territoires échappe aux prédictions macroscropiques intuitives 23 4. L’effet local est déterminant pour les territoires fortement industriels 28 Chapitre 2 Comprendre les ressorts de la performance des territoires 35 1. Les créations d’emplois sur un territoire dépendent de trois catégories de facteurs 36 2. L’influence des territoires avoisinants 38 3. Analyse empirique des déterminants des variations de l’emploi 41
  • 7. Sommaire 7 Conclusion53 Point de vue Renforcer l’adéquation entre filières industrielles, territoires et formation – GABRIEL ARTERO 54 Bibliographie57 Annexes 1. Approche empirique de l’analyse des déterminants des variations de l’emploi 63 2. Tableaux de régressions 67 3. Secteurs dominants dans les quatre catégories de zones d’emploi 72 4. Variation de l’emploi observée, effet structurel, effet local, pour les 304 zones d’emploi de France métropolitaine, en pourcentage 73
  • 9. 7 Préface Après la chute du mur de Berlin s’est construite en Europe une réflexion globale très struc- turée de la mondialisation et de la tertiarisation des économies. Les métropoles, lieux de concentration des savoirs et de l’information, y étaient données gagnantes. Cela s’avère en partie vrai. Mais cette évolution a aussi laissé derrière elle, en France notamment, le goût amer de la désindustrialisation, de territoires désertifiés et de populations pénalisées. Cette étude que j’ai l’honneur de préfacer revient sur ce schéma opposant métropoles et périphéries. Il y a des territoires qui vont bien ! Discrets, parfois ignorés, comme les PME ou les ETI championnes qu’ils accueillent, ils sont plus nombreux qu’on ne le croit. Ce travail permet aussi d’interroger leurs facteurs de succès et de souligner ceux qui pa- raissent fondamentaux : la dynamique économique territoriale dépend pour moitié envi- ron de la santé de l’économie nationale, mais aussi pour près de 40 % de facteurs locaux. « Les caractéristiques structurelles des territoires, écrivent les auteurs de l’étude, n’ex- pliquent pas si simplement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi total ». Cet énoncé est une frappante confirmation économétrique, en même temps qu’une leçon d’humilité. En effet, pendant des décennies nous avons agi, investi, décidé comme si ces caractéristiques structurelles étaient déterminantes. Ainsi il n’y aurait ni fatalité, ni recette au développement des territoires. Il est de plus en plus évident que le capital humain des territoires, si peu quantifiable, en est la clef de voûte. Leur dynamisme repose sur des femmes et des hommes porteurs d’un projet par- tagé, sur une culture d’échange et de solidarité territoriale, etc. Le constat pragmatique des premiers mois de Territoires d’industrie confirme pleinement cette réflexion. Comment aller plus loin ? On peut catégoriser les territoires, multiplier les échantillons en espérant mettre en évidence les facteurs communs de sous-ensembles. C’est la logique analytique et cette étude nous permet d’en mesurer l’utilité. Mais en même temps, il faudra sans doute aussi réinterroger fondamentalement les cri- tères qui définissent les territoires qui se portent bien, observer leur dynamisme local lié à des leaders qui savent animer et inspirer, à ces cultures « invisibles » et particulières qui
  • 10. 8 L’étonnante disparité des territoires industriels leur permettent de développer leurs talents. Comment ont-ils émergé ? Pourquoi ont-ils été acceptés ? Quand leurs convictions ont-elles commencé à être partagées ? Sur quels moyens se sont-ils appuyés ? Ne sont-ils pas le témoignage d’une nécessaire « ré-incarna- tion » du développement économique ? Mon expérience à la tête de Territoires d’industrie m’en a convaincu, même si cette ap- proche est encore l’objet de nombreuses résistances. Osons citer à ce sujet les contribu- tions d’Erwan Coateana, Audrey Régnier, Marc Damien, Christophe Cathelain, pour ne nommer que des chefs d’entreprise. N’hésitons plus à « exemplariser » ces leaders ! Olivier Lluansi Délégué aux Territoires d’industrie
  • 11. 9
  • 13. 11 Remerciements Cette note présente les résultats d’un projet de recherche conduit dans le cadre de l’Ob- servatoire des territoires d’industrie. Nous remercions en particulier : François Blouvac (Banque des Territoires), Annabelle Boutet (Commissariat général à l'égalité des territoires), Vincent Charlet (La Fabrique de l’industrie), Aurore Colnel (Commissariat général à l'égalité des territoires), Isabelle Laudier (Institut CDC pour la Recherche), Françoise Morsel (Banque des Territoires), Nicolas Portier (Assemblée des Communau- tés de France), Lucie Renou (Institut CDC pour la Recherche), Mickaël Vaillant (Régions de France), Ludovic Valadier (Banque des Territoires), et Thierry Weil (Mines ParisTech) pour leur aide précieuse.
  • 15. 13 Résumé Depuis la fin des années 1990, l’écart se creuse entre les territoires dynamiques, qui créent des emplois, et ceux en difficulté, qui en perdent. Ce constat alimente souvent une représentation simpliste, dite des deux France, qui oppose les espaces métropolitains supposés « gagnants de la mondialisation » et les territoires périphériques que l’on perçoit comme pénalisés par une désindustrialisation inéluctable. Cette grille de lecture, très reprise durant le mouvement des « gilets jaunes », ne résiste cependant pas à l’analyse : les fractures économiques et sociales ne se confondent pas simplement avec celles de la géographie. Vitré, Figeac, Issoire, Cholet, Saint-Nazaire et tant d’autres zones d’emploi nous rappellent que des territoires de taille ou de population moyennes peuvent afficher une santé insolente, notamment dans les secteurs industriels. Or, cette hétérogénéité est encore assez mal expliquée par la littérature économique. La présente note étudie donc les ressorts de la performance de nos territoires, en particulier des plus industriels d’entre eux, sur la période d’après-crise allant de 2009 à 2015. Elle confirme tout d’abord que l’industrie a en général – mais pas systématiquement – un fort effet d’entraînement sur l’emploi dans les autres secteurs du territoire, alors que le phénomène inverse ne s’observe pas. C’est pourquoi il est important de se préoccuper tout particulièrement du dynamisme territorial du secteur industriel. Ensuite, l’analyse met en lumière la grande diversité des trajectoires territoriales. Cer- taines zones d’emploi ont ainsi bénéficié d’une croissance de leur base industrielle, alors que l’on sait que l’industrie française a globalement perdu des emplois. Par ailleurs, les variations positives ou négatives constatées dans les zones d’emploi apparaissent comme étant indépendantes de la taille de leur base industrielle : il n’y a pas de fatalité frappant les « grands bassins industriels », pas plus qu’il n’y a de prime automatique aux grands clusters et autres métropoles. Enfin et surtout, nos calculs montrent que la spécialisa- tion des territoires dans des secteurs plus ou moins porteurs est un « prédicteur » assez médiocre – et même de plus en plus médiocre – de leur performance. Autrement dit, c’est « l’effet local », c’est-à-dire la part résiduelle de la performance qui ne s’explique pas par leur portefeuille d’activités, qui permet de comprendre la trajectoire des territoires. L’effet local d’un territoire peut d’ailleurs être fortement positif dans un secteur d’activité et assez faible voire négatif dans un autre…
  • 16. 14 L’étonnante disparité des territoires industriels Après avoir constaté cette grande hétérogénéité, la note présente une analyse écono- métrique qui identifie certains déterminants de cet effet local et en écarte d’autres. De manière très significative, l’emploi industriel d’un territoire est favorisé ou entraîné à la baisse par l'emploi des territoires alentour. Ainsi, sur les deux arcs littoraux de l’ouest et du sud de la France, dans le nord des Alpes et au cœur de l’Île-de-France, on observe de vastes agglomérats de territoires à dynamique positive ; a contrario, le quart nord-est du pays ainsi qu’une large diagonale le traversant jusqu’au sud-ouest sont dominés par des regroupements de zones à dynamique négative. Ces agglomérats à dynamique commune rappellent que les territoires ne sont pas des îles. Bien au contraire, un territoire prospère peut stimuler les services de proximité mais aussi l’industrie (fournisseurs, sous-traitants) chez ses voisins, notamment quand des méca- nismes partenariaux tels que les pôles de compétitivité y aident. Ces situations de syner- gie se révèlent bien plus nombreuses que des cas d’éviction ou de rivalité, dans lesquels le développement d’un territoire se ferait au détriment de ses voisins. On observe également que la concentration de l’emploi dans quelques grands établisse- ments industriels, même si elle est parfois facteur de vulnérabilité (par exemple quand ils relèvent majoritairement d’une même filière traversant une mauvaise conjoncture), a généralement une influence positive sur la croissance de l’emploi. Enfin, la note relève que tous les secteurs d’activité ne réagissent pas de la même manière aux différents déterminants de l’emploi : les effets d’agglomération par exemple, parfois hâtivement présentés comme un paramètre universel de la performance des territoires, prévalent surtout pour les industries à forte densité de connaissance. En conséquence, selon les combinaisons spécifiques de leurs activités dominantes, les territoires répondent différemment aux paramètres étudiés : certains pâtissent de leur forte concentration ini- tiale en emplois industriels, ou au contraire d’une économie trop exclusivement tournée vers les activités résidentielles, et d’autres pas. La note présente ainsi une typologie des territoires en quatre catégories. En conclusion, si les caractéristiques structurelles des territoires n’expliquent pas si sim- plement leur performance en matière d’emploi industriel et d’emploi total, c’est proba- blement parce que ces phénomènes sont de plus en plus multiparamétriques, plus encore parce que leur « capital social » et, notamment, l’efficacité des institutions et des coopé- rations entre acteurs divers jouent un rôle primordial. C’est enfin et surtout parce que le
  • 17. Résumé 15 dynamisme des entreprises et leur capacité à générer de la croissance, qui ne dépendent pas exclusivement du territoire, restent le principal moteur du développement local. Tous les acteurs du territoire peuvent contribuer à la création d’un environnement attrac- tif et bienveillant, en particulier les entreprises elles-mêmes. Pour mieux comprendre comment on peut encourager les entreprises les plus dynamiques et transformer les suc- cès individuels en performance collective, il paraît donc désormais opportun de multi- plier les études de cas qualitatives.
  • 19. 17 INTRODUCTION 1. Données de l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) sur les effectifs salariés dans les zones d’emploi en France. Les usines, les chantiers, les arsenaux, les centres de RD… et bien d’autres lieux en- core de production industrielle sont indissociables des territoires qui les accueillent, dont ils façonnent la singularité. Ils parviennent encore à ancrer des emplois et des revenus, partout dans l’Hexagone, même si la désindustrialisation à l’œuvre pendant plusieurs décennies les a clairsemés. En particulier, ces sites de production jouent souvent un rôle prépondérant dans les espaces de taille modeste ou intermédiaire : les territoires comptant moins de 100 000 emplois regroupent pas moins de 57 % des emplois industriels, contre 40 % seulement du total des emplois 1 . Dans ces territoires, nous le verrons, l’activité industrielle est florissante ou s’érode. Dans le quart nord-est de la France, la part des emplois industriels a été divisée par deux en quarante ans (CGET, 2018). L’ouest et le sud du pays ont mieux résisté et semblent être aujourd’hui les espaces privilégiés de la création d’emplois industriels. Dans le même temps, l’analyse montre surtout qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : partout en France l’on trouve des territoires qui déjouent les conjonctures régionales et créent nettement plus d’emplois – ou en perdent davantage – que leurs voisins. L’évolution locale de l’emploi industriel n’est pas non plus la projection spatiale des évolutions sectorielles nationales. Or, cette diversité des trajectoires industrielles et plus encore les marges de manœuvre dont les territoires disposent pour construire leur stratégie de développement échappent souvent aux commentateurs, qui raisonnent plus volontiers selon des « grandes ten- dances » : la « puissance des métropoles », le « déclin des grands bassins industriels », la « révolution des nouvelles technologies », le « naufrage des espaces ruraux »… Rien de tout cela n’est strictement vrai, après examen. Cette note cherche précisément à mieux comprendre les ressorts du succès ou du déclin des territoires, en particulier des plus industriels.
  • 21. 19 CHAPITRE 1 La diversité des territoires industriels 1. Les territoires créent et détruisent des emplois de manière contrastée Dans les secteurs d’activité industriels aussi bien que dans le reste de l’économie, les créations et destructions d’emplois se répartissent très inégalement sur le terri- toire français. La Figure 1 illustre cette diversité : parmi les 304 zones d’emploi de France métro- politaine, 125 ont connu une variation positive de l’emploi salarié total entre 2009 et 2015, et 179 un repli, dépassant les 10 % pour une quinzaine d’entre eux. Les territoires dont la croissance de l’emploi est la plus forte se situent majo- ritairement sur les façades atlantique et méditerranéenne de l’Hexagone ainsi que dans la région Auvergne Rhône Alpes et le cœur du Bassin parisien. Les plus fortes baisses de l’emploi sont concentrées dans une large partie du nord et de l’est ainsi que sur un axe allant du nord-est au sud-ouest, parfois appelé la « diagonale aride ». À ces territoires viennent s’ajouter d’autres zones d’emploi en repli, en Nor- mandie, en Bretagne et dans l’extrême est méditerranéen. On observe une disparité analogue concer- nant les emplois industriels, comme le montre la Figure 2. Pas moins de 80 % des zones d’emploi ont connu un repli de l’emploi industriel depuis la fin de la crise de 2009. Seule une cinquantaine de zones, principalement localisées dans l’ouest et le sud, ont vu le volume de leur emploi industriel progresser. A contrario, le quart nord-est du pays enregistre les plus fortes réductions d’emplois industriels.
  • 22. L’étonnante disparité des territoires industriels20 supérieure à 8% de 0% à +8% de 0% à –7% de –7% à –12% de –12% à –20% inférieure à –20% Figure 2 – Variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015 Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto. supérieure à 8% de 2% à 8% de 0% à 2% de 0% à –4% de –4% à –9% inférieure à –9% Figure 1 – Variation de l’emploi salarié total entre 2009 et 2015 Source : Insee, Clap. Calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
  • 23. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 21 2. L’industrie exerce un effet d’entraînement sur l’économie locale En superposant les Figures 1 et 2 on remarque que la variation de l’emploi industriel présente une structure spatiale relativement semblable à celle de l’emploi salarié total. Ce constat est cohérent avec les nombreuses études ayant mis en lu- mière un effet d’entraînement de l’emploi industriel sur le reste de l’emploi local (Moretti, 2010 ; Malgouyres, 2017 ; Fro- crain et Giraud, 2018). Le développement industriel offre en effet des débouchés pour les services de proximité (restaurants, ser- vices de gardiennage, aide à la personne, etc.) ainsi que pour les services à l’indus- trie du territoire (RD, conseil, services informatiques, logistique, ingénierie, etc.). Symétriquement, une érosion du tissu industriel a une influence négative sur le développement de l’emploi local. Plus généralement, toutes les activités pou- vant capter les revenus de consommateurs extérieurs au territoire exercent un effet multiplicateur sur l’emploi local. C’est le cas de l’industrie, bien sûr, mais aussi de certains services et d’activités agricoles. Selon les auteurs, on parlera d’activités « échangeables », « exposées », « produc- tives » ou encore de la « base compétitive » 2 . Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud (2018) estiment par exemple que la création 2. Notons que ces concepts et les nomenclatures qui leurs sont associées sont certes proches mais pas strictement équivalents. 3. Pour en savoir plus sur la Manufacture Bohin, téléchargez le compte rendu du séminaireAventures industrielles, « L’étonnante résurrection de l’entreprise Bohin » (www.la-fabrique.fr). de 100 emplois exposés à la concurrence internationale dans une zone d’emploi de France métropolitaine génère environ 80 emplois abrités supplémentaires dans la même zone. Toutes les activités pouvant cap- ter les revenus de consommateurs ex- térieurs au territoire exercent un effet multiplicateur sur l’emploi local. C’est le cas de l’industrie, bien sûr, mais aussi de certains services et d’activités agricoles. Dans le sens contraire en revanche, on n’observe pas de phénomène d’entraîne- ment analogue. Les activités liées à l’éco- nomie de proximité, généralement appelées « présentielles » ou « abritées », comptent trop peu dans le volume d’affaires ou les achats des entreprises exposées pour en infléchir les revenus et la compétitivité. Illustrons cette idée à partir de l’exemple de l’entreprise Bohin, dernier fabricant d’aiguilles et d’épingles en France. La Manufacture Bohin 3 , qui exporte 25 % de sa production et accueille dans son musée quelque 15 000 visiteurs par an, génère assurément des retombées importantes pour la ville de Saint-Sulpice-sur-Risle où se trouve l’entreprise. Par contre, les couturiers de cette petite commune nor- mande (1 700 habitants) occupent une place marginale dans le carnet de commande de Bohin.
  • 24. L’étonnante disparité des territoires industriels22 Bien sûr, l’emploi industriel n’est pas le seul moteur de l’emploi non-indus- triel. Certains territoires développent leur industrie en même temps qu’ils perdent des emplois dans le reste de l’économie locale, comme le montre la Figure 3. In- versement, les nombreuses observations dans le quadrant nord-ouest de celle-ci révèlent qu’il existe des territoires dans lesquels les pertes d’emplois industriels s’accompagnent de créations dans le secteur tertiaire. Par exemple, le vieillis- sement de la population ou le tourisme peuvent favoriser les créations d’emplois de proximité dans les espaces côtiers tout en pénalisant les entreprises industrielles qui peinent à recruter ou à maintenir leur compétitivité-coût. En outre, cet effet d’impulsion peut varier selon les périodes et le type d’emplois créés. De nombreux travaux ont notamment mis en évidence que l’effet multiplicateur des industries de haute-technologie est plus fort (Moretti, 2010 ; Moretti et Thulin, 2013 ; Wang et Chanda, 2018), parce que les en- treprises concernées versent des salaires en moyenne plus élevés que celles de basse- technologie. L’étude la plus récente à ce su- jet, centrée sur les États-Unis, indique que cet effet multiplicateur y est deux fois plus élevé que dans les autres secteurs (Bartik et Sotherland, 2019). Cet effet varie également en fonction des caractéristiques des bassins d’emploi (Moretti, 2011). En particulier, un territoire y = 0,1342x + 2,9454 R² = 0,0788 –15 –10 –5 5 10 15 20 –40 –30 –20 –10 10 20 30 40 Variationdel’emploinon-industriel Variation de l’emploi industriel Vitry le F. Figeac Rambouillet Longwy St Quentin en Y. Figure 3 – Comparaison des variations de l’emploi salarié industriel et non-industriel entre 2009 et 2015 (en %) Source : Acoss.
  • 25. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 23 enclavé, au plein emploi ou proposant une faible offre de logements aura des difficul- tés à convertir son dynamisme industriel en créations d’emplois. L’étude précitée de Bartik et Sotherland montre en revanche, toujours dans le cas des États-Unis, que l’effet d’entraînement n’augmente pas avec la taille du bassin d’emploi (hormis pour les industries de haute-technologie). Quoi qu’il en soit, l’industrie et, plus géné- ralement, le continuum des activités indus- trialo-servicielles exposées à la compétition mondiale jouent un rôle important dans l’évolution de l’emploi local. Ce constat justifie l’intérêt des travaux visant à mesu- rer, à comprendre, et à anticiper les évolu- tions de ces activités dans les territoires. 3. La performance des territoires échappe aux prédictions macroscropiques intuitives L’observation des créations et destructions d’emplois industriels vient démentir plu- sieurs intuitions que l’on pourrait nourrir à ce sujet. Premièrement, comme le montre la Figure 4, aucune corrélation claire ne peut être dégagée entre le nombre initial d’em- plois industriels sur un territoire et sa va- riation. On peut donc renvoyer dos à dos deux thèses couramment entendues dans le débat public : d’une part, les grands –40 –30 –20 –10 0 10 20 30 40 100 1 000 10 000 100 000 1 000 000 Tauxdevariationdel'emploidansl'industrie Nombre d'emplois dans l'industrie (échelle logarithmique) y = 1E-0,5x - 6,3277 R² = 0,0008 Figure 4 – Base industrielle et variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015 Source : Acoss.
  • 26. L’étonnante disparité des territoires industriels24 bassins d’emploi industriels ne sont pas particulièrement condamnés au déclin et, d’autre part, on n’observe pas non plus de prime à la grandeur sous l’effet des écono- mies d’agglomération. Les grands bassins d’emploi in- dustriels ne sont pas particulièrement condamnés au déclin. Ensuite, on observe que la spécialisation sectorielle des territoires n’a souvent, à son tour, qu’un effet limité sur leur trajec- toire. Pour le montrer, on peut mener une analyse structurelle-résiduelle (Encadré 1) qui distingue les trois composantes de l’évolution de l’emploi local : la compo- sante nationale qui relève d’évolutions supralocales (taux de change, santé éco- nomique de nos partenaires commerciaux, évolution du salaire minimum, change- ment dans les habitudes de consomma- tion, etc.), la composante structurelle qui procède d’effets de spécialisation, et la composante résiduelle ou géographique reflétant la dynamique propre de chaque territoire sous l’effet des conditions éco- nomiques locales. Ces dernières sont de natures très diverses, depuis le prix du fon- cier et la disponibilité de la main-d’œuvre, en passant par le climat et la géographie, jusqu’aux infrastructures de transport, l’accès à la recherche et à l’enseignement, 4. Il est important de ne pas confondre les groupes et les très grandes entreprises. Depuis l’application de la consolidation des résultats aux entreprises de moins de 250 salariés, la structuration en groupe n’est plus synonyme de très grosse entité ; les microgroupes peuvent avoir un effectif total de 250 salariés. Dans les analyses qui suivent, le critère de la taille de l’établissement ou de l’entreprise traduit des économies d’échelle, tandis que la structure juridique reflète un mode de gouvernance et de management. la qualité de la gouvernance et des rela- tions clients-fournisseurs, etc. La présence d’un pôle de compétitivité, d’un maillage dense de petites entreprises, d’établis- sements de groupes 4 ou bien encore de leaders incarnant le territoire peut consti- tuer un avantage comparatif renforçant le poids de cet effet local. L’analyse structurelle-résiduelle révèle que l’évolution de l’emploi industriel dans les territoires est d’abord déterminée par les conditions macroéconomiques : la composante nationale explique en moyenne 52 % de sa variation locale. Ces déterminants macroéconomiques corres- pondent, par exemple, à la dynamique de la productivité dans l’industrie, à l’évo- lution de la structure des dépenses des consommateurs ou encore à la concur- rence internationale. L’évolution de l’emploi indus- triel dans les territoires est d’abord déterminée par les conditions macro- économiques. La spécialisation sectorielle, quant à elle, n’explique en moyenne que 10 % des va- riations de l’emploi industriel local et ne domine dans aucune zone d’emploi. Au- trement dit, une croissance plus forte de l’emploi industriel dans un territoire n’est
  • 27. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 25 jamais le reflet d’une plus forte concentra- tion des secteurs les plus dynamiques ; tout comme des destructions d’emplois parti- culièrement marquées au niveau local ne découlent pas nécessairement d’une forte présence des secteurs identifiés comme étant en déclin sur le plan national. 5. L’effet local joue un rôle plus important (55 % de la variation de l’emploi local) lorsque l’on regarde l’emploi total, en raison du poids important des secteurs abrités de la concurrence internationale, moins dépendants des conditions macroéconomiques. À l’inverse, l’effet local explique 38 % des variations de l’emploi dans les terri- toires 5 et domine dans 122 zones d’emploi (soit 40 % de l’échantillon). Ce pourcen- tage peut s’élever à plus de 70 % pour des zones d’emploi comme Figeac, Longwy, Lunéville, Houdan ou Issoire. L’analyse structurelle-résiduelle ou shift-share est une méthode d’analyse régionale standard. Elle détermine la part de la variation de l’emploi, dans une unité spatiale au cours d’une période donnée, attribuable aux tendances nationales macroscopiques et sectorielles, et permet donc d’isoler la part résiduelle de cette évolution. Soit ETsz la variation de l’emploi dans le secteur s de la zone d’emploi z. Elle est égale à la somme de la tendance générale de l’économie, de la composante sectorielle nationale et de l’effet local sectoriel : ETs,z = EN + ESs + ELs,z ELs,z est l’effet local du secteur s dans la zone d’emploi z. ELz = ∑s Ps,z ELs,z , oùPs,z est le poids du secteur s dans la zone d’emploi z (∑s Ps,z = 1), est l’effet local de la zone d’emploi z. Notons que l’effet peut être positif même si l’emploi local diminue ; cela indique alors que le déclin local est inférieur au déclin national. Les résultats de l’analyse shift-share sont sensibles à la période et au découpage sec- toriel retenus. Dans notre cas, il est probable qu’une partie de l’« effet local » mesure en réalité des dynamiques infra-sectorielles, en particulier dans l’industrie. Par exemple, notre découpage sectoriel ne nous permet pas de tenir compte du fait que dans le textile, alors que la fabrication de vêtements connaît des difficultés, celle de fibres techniques se porte bien. Pour aller plus loin : Levratto N. et Carré D. (2013), « La croissance des établissements industriels : une question de localisation », Région et Développement, n° 38, pp. 93-120. Encadré 1 – Mesurer l’effet local à partir d’une analyse structurelle-résiduelle
  • 28. L’étonnante disparité des territoires industriels26 Effet local Tendance nationale Figure 5 – Principal déterminant de l’évolution de l’emploi industriel local sur la période 2009-2015 Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto. La Figure 6 représente la variation de l’emploi attribuée à l’effet local pour chaque zone d’emploi. En premier lieu, on remarque la similitude générale de cette carte avec celles présentées aux figures 1 et 2. On constate à nouveau que des groupes de territoires contigus par- tagent des dynamiques similaires. Les territoires à effet local positif (en vert) se retrouvent le plus souvent à l’ouest, dans le sud et en Rhône-Alpes, tandis que ceux qui présentent un effet local négatif sont majoritairement localisés dans le nord et le centre de la France. On ne peut néan- moins pas parler de déterminisme régio- nal : des territoires, comme Dunkerque ou Valenciennes, ont un effet local positif dans des régions où les effets locaux sont plutôt négatifs, tandis que d’autres (Corte, Fontenay-le-Comte, etc.), implantés dans de vastes zones à effet local positif, pré- sentent un taux négatif.
  • 29. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 27 Cette importance du rôle joué par l’effet local dans la variation de l’emploi va dans le sens des observations réalisées depuis une vingtaine d’années sur les systèmes productifs territoriaux. Rétrospectivement, ces études montrent même que ce poids de l’effet local s’accroît 6 , en parallèle d’un effacement de la composante structurelle (Bonnet, 1997 ; Gaigné et al., 2005). 6. La contribution moyenne de l’effet local à la variation de l’emploi total était de 40 % sur la période 2000-2009 et de 55 % sur la période 2009-2015. Pour une analyse de la première décennie des années 2000, voir Levratto, Carré et Lievaut (2013). Une croissance plus forte de l’emploi industriel dans un territoire n’est jamais le reflet d’une plus forte concentration des secteurs les plus dynamiques. supérieure à 14% de 5% à 14% de 0% à 5% de –5% à 0% de –13% à –5% inférieure à –13% Figure 6 – Variation de l’emploi industriel due à l’effet local par zone d’emploi (2009-2015) Source : Acoss, calculs des auteurs. Réalisé avec Philcarto.
  • 30. L’étonnante disparité des territoires industriels28 4. L’effet local est déterminant pour les territoires fortement industriels Nous cherchons maintenant à mieux com- prendre cet effet local en examinant un échantillon de zones d’emploi, sélection- nées pour l’importance de leur industrie. Parmi les 141 zones d’emploi dont les noms correspondent aux « Territoires d’in- dustrie » labellisés par le Gouvernement, nous retenons les 30 zones qui comptent au moins 28 % d’emplois industriels ou qui totalisent plus de 10 000 emplois in- dustriels. Comme le montre la Figure 7, les territoires les plus petits sont aussi les plus spécialisés alors que les plus grands, 7. L’effet national n’est pas représenté sur le graphique car sa valeur est identique pour toutes les ZE. plus diversifiés, comprennent une part d’emploi industriel un peu plus faible. La Figure 8 présente la décomposition de la croissance de l’emploi industriel 7 dans ces trente zones. L’effet structurel y est presque systématiquement négatif puisque, sur la France entière, la plupart des secteurs industriels, à la maille sectorielle retenue, ont perdu des emplois sur la période étu- diée. C’est l’ampleur de l’effet local qui distingue surtout ces territoires les uns des autres. Certaines zones d’emploi comme Figeac, Issoire, Vitré et Ancenis bénéficient ainsi d’un fort effet local positif. D’autres telles que la Pithiviers, Béthune-Bruay ou Charleville-Mézières sont à l’inverse péna- lisées par leurs spécificités locales. 0% 10% 20% 30% 40% 50% 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 Nombre d'emplois industriels Partdel’industriedansl’emploitotal St Omer Laval Valenciennes Belford-Montbéliard Cholet La Ferté Bernard V. Bresle Vimieu Nombre et part des emplois industriels dans l’emploi local en 2012 Figure 7 – Échantillon de trente zones d’emploi, territoires d’industrie Source : Acoss.
  • 31. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 29 –30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% 40% 50% Vitré Vienne - Roussillon Vallée de l'Arve Vallée de la Bresle - Vimeu Valenciennes Thiers Segré Saverne Sarreguemines Saint-Omer Saint-Claude Sablé-sur-Sarthe Pithiviers Oyonnax Nogent-le-Rotrou Montbard Molsheim - Obernai Laval La Ferté-Bernard Issoudun Issoire Haguenau Flers Figeac Cholet Châtellerault Charleville-Mézières Béthune - Bruay Belfort - Montbéliard - Héricourt Ancenis Effet local Effet structurel Effet observé Figure 8 – Décomposition de la variation de l’emploi industriel entre 2009 et 2015 Source : Acoss, calculs des auteurs.
  • 32. L’étonnante disparité des territoires industriels30 –30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac Fabrication de textiles, industries de l'habillement, industrie du cuir et de la chaussure Travail du bois, industries du papier et imprimerie Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques Métallurgie et fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements Fabrication de machines et équipements n.c.a. Fabrication de matériels de transport Autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d'équipements Nogent-le-Retrou (Eure-et-Loir) Fabrication de machines et équipements n.c.a. Fabrication de matériels de transport Autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d'équipements Molsheim-Obernai (Bas-Rhin) Figure 9 – « Effets locaux sectoriels » ou variations locales de l’emploi corrigées des moyennes nationales par secteur, entre 2009 et 2015 Parvenus à ce stade de l’analyse, on pour- rait penser que ces territoires bénéficient chacun d’une vitalité propre, profitant uni- formément à toute leur économie locale. Ce serait erroné. En effet, comme le montre la Figure 9, les effets locaux propres aux différents secteurs d’activité – ou, plus pré- cisément, les variations locales de l’emploi corrigées des moyennes nationales pour chaque secteur – sont très variables au sein d’une même zone d’emploi, ici sur la base des exemples de Nogent-le-Rotrou et Molsheim-Obernai. Dans le premier cas, l’effet local est positif tous secteurs confon- dus, à l’image de la métallurgie ou de la plasturgie par exemple, mais la réparation de machines et les industries agroalimen- taires (IAA) présentent des effets locaux négatifs. Dans le second, l’effet local est négatif en dépit d’effets locaux positifs pour la métallurgie, la plasturgie ou le textile. Cela peut découler des stratégies d’entreprises, des spécialisations produc- tives, ou encore d’un positionnement plus ou moins avantageux au sein de la chaîne de valeur.
  • 33. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 31 –30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac Fabrication de textiles, industries de l'habillement, industrie du cuir et de la chaussure Travail du bois, industries du papier et imprimerie Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac Fabrication de textiles, industries de l'habillement, industrie du cuir et de la chaussure Travail du bois, industries du papier et imprimerie Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques Métallurgie et fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements Fabrication de machines et équipements n.c.a. Fabrication de matériels de transport Autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d'équipements –30% –20% –10% 0% 10% 20% 30% 40%–40%–50% Molsheim-Obernai (Bas-Rhin) Source : Acoss. On peut compléter l’illustration de ce phé- nomène en comparant, cette fois, tous les territoires de l’échantillon pour deux sec- teurs spécifiques (voir Figure  10). Pour la fabrication de matériels de transport, les divergences sont particulièrement marquées : plus de 100 points de pourcen- tage séparent les effets sectoriels locaux de Molsheim-Obernai et de Charleville- Mézières. La diversité des trajectoires locales est également frappante dans le cas des industries agroalimentaires, par exemple entre Segré et Issoudun d’un côté, et La Ferté-Bernard ou Nogent-le- Rotrou de l’autre. Les effets locaux propres aux dif- férents secteurs d’activité – ou, plus précisément, les variations locales de l’emploi corrigées des moyennes nationales pour chaque secteur – sont très variables au sein d’une même zone d’emploi.
  • 34. L’étonnante disparité des territoires industriels32 – 30 % – 20 %– 10 % 0 % 10 % 20 % 30 % Vitré Vienne - Roussillon Vallée de l'Arve Vallée de la Bresle - Vimeu Valenciennes Thiers Segré Saverne Sarreguemines Saint-Omer Saint-Claude Sablé-sur-Sarthe Pithiviers Oyonnax Nogent-le-Rotrou Montbard Molsheim - Obernai Laval La Ferté-Bernard Issoudun Issoire Haguenau Flers Figeac Cholet Châtellerault Charleville-Mézières Béthune - Bruay Belfort - Montbéliard - Héricourt Ancenis Industries alimentaires et boissons –80% –60% –40% –20% 0% 20% 40% Fabrication de matériels de transport (CL) Figure 10 – Effets locaux sectoriels pour la fabrication de matériels de transport et les industries agroalimentaires, entre 2009 et 2015 Source : Acoss.
  • 35. Chapitre 1. La diversité des territoires industriels 33 En conclusion de ce chapitre, retenons que l’hétérogénéité des territoires face à la création d’emplois nous conduit à en chercher les moteurs les plus efficaces, notamment pour ce qui concerne l’emploi industriel. Il apparaît que ni la taille des zones d’emploi ni les spécialisations sec- torielles, qu’elles soient favorables ou dé- favorables à l’échelle du pays, ne sont de nature à expliquer ces variations de ma- nière convaincante. On est donc conduits à examiner le contenu et les déterminants des effets locaux, qui s’avèrent prépondé- rants. C’est l’objet du chapitre suivant. Ni la taille des zones d’emploi ni les spécialisations sectorielles ne sont de nature à expliquer les varia- tions de l'emploi industriel de manière convaincante.
  • 37. 35 CHAPITRE 2 Comprendre les ressorts de la performance des territoires 8. Levratto, Carré et Lievaut (2013) avaient déjà mis en évidence de tels écarts sur la période 2000-2009. Marjolaine Gros-Balthazard (2018) montre, en cartographiant l’évolution de l’emploi industriel au niveau des bassins de vie entre 1975 et 2012, que la diversité des trajectoires industrielles se vérifie également sur une longue période. 9. Cette expression est attribuée à Emmanuel de Martonne, qui l’a utilisée pour désigner une bande aride traversant la cordillère des Andes depuis le désert d’Atacama jusqu’à la Patagonie. Elle aurait été transposée à la France par Roger Béteille, géographe spécialiste du monde rural. Les géographes du groupe Reclus l'ont reprise pour désigner les régions rurales dépeuplées allant de la Lorraine à l’Aquitaine. 10. Les travaux de l’école de la proximité (Bouba-Olga et Grossetti, 2015 ; Colletis et Pecqueur, 1995) et les approches institutionnalistes (voir l'introduction générale de Carré et Levratto, 2011) ont contribué à la remettre en cause. Le chapitre précédent a montré la grande diversité des dynamiques territoriales de création et destruction d’emplois au cours de la période 2009-2015. Il confirme, à une maille territoriale plus fine et sur la période récente, des analyses plus anciennes 8 qui mettaient déjà l’accent sur l’existence d’une « diagonale aride » 9 et sur la dyna- mique des zones côtières, le long de la Mé- diterranée et de l’arc atlantique notamment. Une vaste littérature, dite de la nouvelle économie géographique, cherche surtout à expliquer ces écarts de performance par les gains d’agglomération, conduisant les firmes à s’implanter dans les zones denses. Ce primat des effets externes d’agglomé- ration est cependant régulièrement remis en cause par des recherches mettant en relief des facteurs explicatifs alternatifs ou complémentaires 10 . C’est pourquoi nous pensons que cette lecture est incomplète et qu’une part significative de la dyna- mique d’un territoire résulte également de la combinaison de ressources matérielles, immatérielles et des pratiques stratégiques des individus et des organisations. Ainsi adoptons-nous, dans ce chapitre dédié à la recherche des facteurs explicatifs de l’ef- fet local, une approche globale.
  • 38. 36 L’étonnante disparité des territoires industriels 1. Les créations d’emplois sur un territoire dépendent de trois catégories de facteurs Cette section présente les déterminants de l’emploi le plus souvent mis en évidence par les travaux d’économie géographique. Ces travaux sont nombreux, qu’il s’agisse de vérifications empiriques d’hypothèses formulées dans les modèles théoriques (théorie de la base, effets d’agglomération, traction par la demande, etc.) ou des ap- proches d’emblée empiriques. Les régions, les groupes de pays, les périodes et les mailles spatiales sur lesquels ils portent va- rient sensiblement ; surtout, ils débouchent sur des résultats différents, parfois contra- dictoires, qui nourrissent d’intenses débats. Sont ici répertoriés les facteurs le plus sou- vent analysés et dont nous chercherons à évaluer l’influence dans la section suivante. 1.1 Les dotations matérielles et immatérielles La première catégorie de facteurs expli- catifs des trajectoires territoriales de développement correspond aux dotations matérielles (géographie, infrastructures, technologies) et immatérielles du terri- toire. En ce qui concerne les éléments plus immatériels, plus « invisibles » (Doeringer, Terkla et Topakian, 1987), on peut citer l’histoire des territoires 11. Callois (2006) le définit comme l’ensemble des institutions formelles ou informelles qui facilitent la coopération entre acteurs. (Séri, 2003), la qualité des liens socio- économiques ou du capital social 11 . Ils sont résumés par le concept de « capital territorial » (voir, parmi de nombreuses références, Camagni et Capello, 2013 ; Perucca, 2014). L’écart de performance entre ter- ritoires tient en partie à la capacité, variable, des acteurs locaux à gérer les conflits, créer des espaces de dialogue, dégager des solutions gagnant-gagnant, trouver des compromis, etc. En particulier, la qualité des échanges entre acteurs constitue un facteur important de performance des territoires. Comme l’ont montré les recherches sur l’économie de proximité (Colletis et Pecqueur, 1995 ; Zimmermann, 2002), il ne suffit pas que les acteurs soient proches pour qu’ils coopèrent. Autrement dit, l’écart de per- formance entre territoires tient en partie à la capacité, variable, des acteurs locaux à gérer les conflits, créer des espaces de dialogue, dégager des solutions gagnant- gagnant, trouver des compromis, etc.
  • 39. 37Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires 1.2 Les caractéristiques du tissu économique local Le deuxième ensemble de déterminants concerne les caractéristiques de l’appareil productif local – qui dépassent la ques- tion de la composition sectorielle étudiée au chapitre précédent – et plus spécifi- quement la nature des activités écono- miques, leur degré de concentration et de spécialisation. Une partie de la littérature, qui fait de l’es- pace un déterminant de la croissance des firmes(AudretschetDohse,2007 ;Behrens et Thisse, 2007), insiste sur la concentra- tion des activités, la dimension des villes et, enfin, sur les économies d’aggloméra- tion comme facteurs de performance des territoires. À l’origine des effets d’agglo- mération, on trouve principalement la dimension des marchés, la qualité des facteurs, notamment du travail ou la cir- culation de l’information. Les recherches qui se rattachent au courant de la nouvelle économie géographique considèrent que les mécanismes d’agglomération consti- tuent le moteur essentiel de la perfor- mance des territoires (Baldwin et Martin, 2004 ; Martin et al., 2011) et qu’ils béné- ficient également aux territoires alentours (Bishop,2008 ;SchalteggeretZemp,2003) à travers des mécanismes de diffusion ou de spillovers spatiaux. Ces thèses trouvent une confirmation empirique dans les ana- lyses de Combes, Duranton, Gobillon et Roux (2010) ou Combes, Magnac et Robin (2004) réalisées à partir de données portant sur les villes, les aires urbaines, les zones d’emploi ou les départements français. Ce lien entre densité et performance n’est toutefois pas systématique. La nature des activités, la volonté et la capacité des acteurs à coopérer ou encore la « culture locale » introduisent des éléments facili- tateurs ou au contraire des obstacles à la création et à la diffusion des économies d’agglomération. Par exemple, on peut montrer que l’agglomération de firmes fa- vorise la croissance locale à condition que les entreprises en présence entretiennent des liens techniques ou commerciaux (Boschma, 2005 ; Boschma et Iammarino, 2009 ; Zimmermann, 2002). 1.3 Le type de firmes et leurs stratégies Le troisième ensemble de facteurs concerne les caractéristiques des entre- prises, telles que leur âge, leur taille ou encore leur statut. Par exemple, les entreprises appartenant à des groupes peuvent bénéficier d’avantages (accès aux ressources, au marché, etc.) mais aussi subir des contraintes (pressions sur le partage de la valeur ajoutée, choix de localisation à l’extérieur du territoire, etc.). Différentes recherches empiriques (Hecquet et Lainé, 1998), montrent ainsi que les disparités de croissance entre zones d’emplois sont corrélées aux moda- lités dominantes d’organisation des firmes
  • 40. 38 L’étonnante disparité des territoires industriels industrielles (grands ou petits établisse- ments) et de leur gouvernance (firmes in- dépendantes ou groupes, groupes français ou étrangers). 2. L’influence des territoires avoisinants Un territoire ne constitue pas un système clos : il s’inscrit dans un ensemble spatial plus large où s’opèrent des transferts de richesse, de biens, de main-d’œuvre, etc. Les relations avec les autres territoires influencent la performance à travers de multiples phénomènes (Vanier, 2013). Certains sont liés à la proximité géogra- phique, comme les effets de diffusion, de ruissellement, de captation, etc. D’autres concernent essentiellement les relations entre les acteurs industriels eux-mêmes (par exemple au sein d’un groupe d’entre- prises, d’un réseau, etc.). Une importante littérature (Glaeser, 2011 ; Katz et Bradley, 2013) considère ainsi que les grands territoires métropolitains agissent tels des moteurs pour les autres territoires, à travers des mécanismes de débordement ou de ruissellement. Toute- fois, certaines analyses montrent que la capacité d’entraînement des métropoles sur les territoires avoisinants est loin d’être systématique (Brunetto et Levratto, 2017). 12. L’indice I de Moran mesure l’autocorrélation spatiale des données. On parle d’autocorrélation spatiale positive lorsque les zones d’emploi présentant une valeur élevée sont entourées d’autres zones présentant des valeurs élevées et que les zones à valeur faible sont elles aussi entourées d’autres zones à valeur faible. L’autocorrélation spatiale est dite négative lorsque les zones à valeur élevée sont entourées de zones à valeur faible et vice versa. L’indicateur de Moran est nul lorsqu’il n’y a aucune autocorrélation. Si des métropoles comme Lyon, Nantes ou Bordeaux exercent un effet de diffusion sur les zones contiguës, il n’en est pas de même de Montpellier ou Toulouse qui ne semblent pas partager leur dynamique avec les territoires alentour. Outre la proximité géographique, d’autres phénomènes ou formes de proximité interviennent. Elhorst (2010) montre que les effets de déborde- ment d’un territoire sur l’autre peuvent passer par différents canaux, et il distingue donc trois types d’interaction spatiale : l’in- teraction « endogène », lorsque la décision économique d’un agent ou d’une zone géo- graphique va dépendre de la décision de ses voisins, l’interaction « exogène », lorsque la décision économique d’un agent va dé- pendre des caractéristiques observables de ses voisins, et enfin la corrélation spa- tiale des effets de mêmes caractéristiques inobservées. La capacité d’entraînement des métropoles sur les territoires avoisi- nants est loin d’être systématique. Les cartes de la Figure 11 illustrent ces relations interterritoriales, les nuances de bleu et de rouge traduisant la coévolution de l’emploi salarié total et de l’emploi in- dustriel pour les 304 zones d’emploi mé- tropolitaines. Cette représentation repose sur le calcul d’un indice, dit de Moran 12 ,
  • 41. 39Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires Non significatif (209) Haut-Haut (35) Bas-Bas (49) Bas-Haut (6) Haut-Bas (5) Légende Emploi salarié total Emploi salarié dans l’industrie Non significatif (232) Haut-Haut (25) Bas-Bas (36) Bas-Haut (4) Haut-Bas (7) Légende Figure 11 – Effets de débordement de la variation de l’emploi entre 2009 et 2015 Matrice de contiguïté d’ordre 1. Source : Acoss, 2009 et 2015. Calculs et cartographie : EconomiX. Note : le nombre de zones d'emploi est indiqué entre parenthèses. qui détermine si le taux de croissance de l’emploi mesuré pour chaque territoire est dépendant de celui de ses voisins et si cette similitude est le fruit du hasard ou d’un effet de débordement. Nous pouvons tirer quatre enseignements de ces cartes. Premièrement, le nombre de zones pré- sentant un effet de débordement significa- tif tout comme le sens de ces effets sont quasiment invariants selon que l’on consi- dère l’emploi salarié total ou industriel. 84 zones d’emploi présentent ainsi des effets de débordement avec leurs voisines immé- diates lorsque l’on étudie l’emploi salarié total. Elles sont 95 dans ce cas quand on analyse l’emploi salarié dans l’industrie. Deuxièmement, les effets de débordement significatifs apparaissent inégalement ré- partis et plutôt concentrés dans la moitié nord du pays.
  • 42. 40 L’étonnante disparité des territoires industriels Troisièmement, les relations significatives dessinent un paysage économique du type « qui se ressemble, s’assemble » : les terri- toires en croissance sont juxtaposés à des zones également en croissance, tandis que les territoires en décroissance sont eux aussi regroupés, en d’autres endroits.Ainsi, et selon une allure générale qui rappelle les cartes du premier chapitre, les agglo- mérats de territoires à dynamique posi- tive dominent autour des métropoles de Rennes et de Nantes, en Rhône-Alpes, au- tour de l’estuaire de la Gironde, autour de Marseille et en Corse, alors que, du nord- est au centre, en passant par la Bourgogne et en aval de Paris, dominent des regroupe- ments de zones à dynamique négative. Les territoires en croissance sont juxtaposés à des zones également en croissance, tandis que les territoires en décroissance sont eux aussi regroupés, en d’autres endroits. Quatrièmement, ces cartes suggèrent que l’effet local mis en lumière au chapitre précédent découle en partie de l’exis- tence de coopérations ou de dépendances interterritoriales. En effet, en comparant la distribution spatiale des effets de déborde- ment et celle des effets locaux (Figure 6, Chapitre 1) on constate que les territoires à dynamique négative de l’emploi et en- tourés de zones du même type se caracté- risent également par un effet local négatif. Au contraire, une partie du succès de la Bretagne et du nord de la région Rhône- Alpes au cours de cette période s’explique- rait par la capacité des espaces à entretenir des relations vertueuses. Il peut notam- ment s’agir de coopération entre terri- toires contigus, par exemple sous la forme de contrats entre métropole et territoires avoisinants, de réseaux de villes (Altaber et Boutet, 2018), ou simplement de dé- marches partenariales entre acteurs privés. La coévolution de la performance peut également refléter la dynamique de filières qui s’étendraient sur plusieurs territoires. On peut citer à cet égard les exemples de la filière automobile de la Mecanic Valley, qui couvre quatre départements du Sud- Ouest (le Lot, l’Aveyron, la Corrèze et la Haute-Vienne) ou le pôle de compétitivité de la Cosmetic Vallée qui s’étend sur trois régions et huit départements. Bien sûr, la méthode statistique utilisée n’atteste pas à coup sûr l’existence de tels liens interterritoriaux. Il est possible que deux territoires contigus se portent bien en même temps simplement parce qu’ils re- groupent les mêmes activités et font ainsi face aux mêmes retournements ou essors de marchés. Elle suggère cependant que les zones d’emploi ne sont pas des îles : les performances de chacune dépendent souvent des conditions qui prévalent dans les territoires voisins.
  • 43. 41Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires 3. Analyse empirique des déterminants des variations de l’emploi Nous venons de voir que, selon la littéra- ture, la performance des territoires en ma- tière d’emploi pouvait être déterminée par un grand nombre de facteurs, internes et externes. Nous proposons ici d’en recher- cher empiriquement les principaux. Le choix des variables testées, dont nous vou- lons évaluer l’influence, se fonde sur un examen minutieux de la littérature (Carré et Levratto, 2011). Il s’agit des variables suivantes (voir le descriptif complet en annexe 1). Premièrement, des variables décrivant les économies d’agglomération : il s’agit ici de la densité en emploi et de la part de la main-d’œuvre qualifiée dans l’emploi total, qui permet d’approximer le stock de connaissances présentes sur le territoire. Ensuite, des variables reflétant la com- position du tissu économique : sa spécia- lisation ou, au contraire, sa diversité, sa concentration ou sa dispersion, le poids de l’emploi industriel, le degré d’autono- mie du territoire mesuré par la part des emplois dans des établissements faisant partie de groupes d’entreprises. 13. On utilise une analyse structurelle-résiduelle pour estimer les créations d’établissements imputables aux conditions économiques locales. Troisièmement, une variable caractéri- sant le « climat économique » : le taux de chômage. Quatrièmement, une variable précisant le type d’activité présente sur le territoire : présentielle ou productive. Les activités présentielles sont principalement orien- tées vers la satisfaction d’une demande locale alors que les biens et services issus des activités productives sont destinés à un marché plus large (régional, national ou international). Cinquièmement, une variable captant la dynamique entrepreneuriale des terri- toires, mesurée par l’effet local de la créa- tion d’établissements 13 . Nous tenons également compte des possi- bilités d’interdépendance spatiale, présen- tées précédemment. Les résultats complets des régressions figurent en annexe 2. 3.1 Les déterminants de la variation de l’emploi industriel Conformément à la cartographie des effets de débordement (voir Figure  11), nos résultats indiquent qu’une part impor- tante (27 % selon l’indice de Moran) de la variation constatée du taux de croissance de l’emploi industriel dans les territoires
  • 44. 42 L’étonnante disparité des territoires industriels est expliquée par sa valeur dans les zones d’emploi voisines. Cela traduit une dépen- dance spatiale entre les territoires analysés sur la période 2009-2015 : les zones d’em- ploi présentant la plus forte croissance de l’emploi industriel – et respectivement la plus forte diminution – sont donc spatiale- ment dépendantes. En corrigeant l’analyse de ces effets de débordement, nous montrons que trois autres indicateurs exercent une influence significative sur l’emploi industriel local. L’indice de Hirschman Herfindahl (HHI) mesure le niveau de concentration de l’emploi dans quelques établissements (au contraire d’une répartition uniforme dans des entreprises de tailles homogènes). Il est corrélé positivement avec la variation de l’emploi salarié dans l’industrie. Les zones d’emploi dans lesquelles l’emploi se concentre dans quelques établissements sont donc, toutes choses égales par ail- leurs, plus dynamiques que les autres. Les zones d’emploi dans les- quelles l’emploi se concentre dans quelques établissements sont donc, toutes choses égales par ailleurs, plus dynamiques que les autres. Un taux de chômage élevé est corrélé négativement à la croissance de l’emploi industriel. Il est néanmoins difficile de se prononcer sur le sens de la causalité : un taux de chômage initialement élevé peut naturellement être le résultat d’une fragi- lité industrielle antérieure. Des estimations complémentaires sug- gèrent enfin que la densité en emploi du territoire (exprimée en nombre d’emplois par km2 ) agit de manière positive sur l’emploi industriel entre 2009 et 2015. Ce résultat indique que les effets d’agglo- mération bénéficient aux activités indus- trielles, via notamment une meilleure diffusion des connaissances et des tech- nologies, et la présence d’une diversité de fournisseurs et de compétences. 3.2 Les déterminants de la variation de l’emploi total Les phénomènes de débordement se ré- vèlent encore plus marqués pour l’emploi total que pour l’emploi industriel : ils expliquent cette fois 38 % de la variance constatée. Des tests complémentaires montrent que les interrelations territo- riales ne passent pas par la valeur spatia- lement décalée des variations de l’emploi, mais par d’autres canaux non identifiés. On corrige ensuite notre estimation pour écarter l’effet de ces interrelations et dé- gager des facteurs explicatifs nets de la variation de l’emploi total. Premièrement, le taux d’emploi industriel est corrélé négativement à la variation
  • 45. 43Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires de l’emploi salarié total (Tableau C, An- nexe 2). Ce résultat n’est pas surprenant eu égard au recul général de l’emploi in- dustriel en France et en Europe. Symétriquement, une dominance des acti- vités relevant de l’économie présentielle, c’est-à-dire orientée vers la satisfaction des besoins locaux, est elle aussi corrélée néga- tivement à la croissance de l’emploi salarié. Cela montre que l’ouverture des économies locales aux échanges est un enjeu impor- tant pour l’emploi : moins le territoire est ouvert aux échanges hors zone, moins sa dynamique d’emploi est favorable. Moins le territoire est ouvert aux échanges hors zones, moins sa dyna- mique d’emploi est favorable. Troisièmement, le niveau de chômage exerce un effet négatif sur la croissance de l’emploi salarié local. Cet effet négatif peut s’expliquer par une attrition de la de- mande locale qui pénalise les emplois dits de proximité. En effet, une dégradation du marché du travail engendre une baisse de la consommation locale qui se traduit par un recul de la production du territoire 14 . On ne peut cependant pas exclure, ici encore, qu’un taux de chômage initialement élevé reflète une fragilité économique antérieure. 14. Nous n’avons pas mentionné ce mécanisme dans la section précédente sur les déterminants de la variation de l’emploi industriel local. En effet, l’attrition de la demande locale n’a, en théorie, qu’une influence très limitée sur l’emploi industriel qui dépend davantage d’une demande extra-locale (cf. Chapitre 1). La dynamique entrepreneuriale influence positivement la croissance de l’emploi. La dynamique entrepreneuriale influence positivement la croissance de l’emploi salarié sur la période étudiée. Cet effet a été largement documenté dans la littéra- ture empirique (Fritsch, 2008 ; Delfmann et Koster, 2016). La création d’entreprises est une alternative au chômage et alimente deux moteurs de l’emploi à long terme : l’innovation et le développement de compétences. Enfin, des variantes de notre modèle éco- nométrique de référence révèlent deux autres résultats intéressants. D’une part, la densité en emploi du territoire joue de manière positive sur la croissance de l’emploi dans les territoires, confirmant les conclusions de travaux antérieurs sur six régions françaises (Schmitt et Henry, 2000). D’autre part, la concentration de l’emploi dans un faible nombre d’établis- sements influence de manière positive la variation de l’emploi salarié.
  • 46. 44 L’étonnante disparité des territoires industriels Tableau 1 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation locale de l’emploi Variable Emploi industriel Emploi total Densité n.s. (effet positif selon variante) n.s. (effet positif selon variante) Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s. Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s. Concentration (indice HHI) + n.s. (effet positif selon variante) Part d’établissements appartenant à des groupes n.s. n.s. Part de l’emploi public n.s. n.s. Part de l’emploi manufacturier n.s. – Taux de chômage – – Zone d’emploi présentielle n.s. – Dynamique entrepreneuriale n.s. + Note : ce tableau synthétise les résultats du modèle économétrique de référence (modèle SAR). Comme indiqué dans ci-dessus, certains résultats complémentaires sont obtenus à partir de variantes et présentés en annexe 2. Les signes indiquent que la variable à un impact significatif (positif ou négatif) sur la croissance de l’emploi indus- triel ou de l’emploi total. L’expression « n.s. » indique que le coefficient de la variable n’est pas significativement différent de 0. 3.3 Les déterminants de la variation de l’emploi selon le profil productif du territoire Rappelons que, selon la littérature anté- rieure, les déterminants de l’emploi local dépendent des secteurs d’activité. Par exemple, les gains liés à la concentration des activités dans les zones denses concernent surtout les services à forte in- tensité en connaissance, tandis que la pré- sence de grands groupes bénéficie plutôt à l’industrie « traditionnelle ». Afin de rendre compte de cette hétéro- généité possible, nous proposons ici une
  • 47. 45Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires typologie des zones d’emploi reflétant leurs dominantes productives. Elle est élaborée à partir des coefficients de loca- lisation des secteurs d’activité de la « base compétitive » (voir Encadré 2). Ce coeffi- cient de localisation est égal à la part d’un secteur donné dans l’emploi du territoire rapportée à la place de ce secteur dans l’emploi total du pays. Un coefficient de localisation supérieur à 1 signifie qu’un secteur est surreprésenté dans le territoire. Une méthode statistique 15 permet alors d’identifier quatre catégories de zones d’emploi, dominées par des combinaisons d’activités différentes (voir Annexe 3). La catégorie 1 correspond aux territoires dominés par les activités métropolitaines (services informatiques, RD, activi- tés scientifiques et techniques, etc.). Par construction, cette catégorie regroupe la plupart des métropoles françaises. La catégorie 2 correspond aux territoires dominés par les industries agroalimen- taires et des secteurs plus traditionnels comme la fabrication de textiles et l’in- dustrie du bois. Les zones d’emploi cor- respondant à cette classe se trouvent surtout en Bretagne et au centre du pays. La catégorie 3 rassemble les zones d’em- ploi dominées par les activités de fabrica- tion de biens intermédiaires de moyenne et haute technologie (chimie, pharmacie, fabrication de produits informatiques, 15. Plus précisément nous réalisons une analyse en composantes principales et une classification ascendante hiérarchique. électroniques et optiques, etc.). Elles sont souvent situées dans la partie picarde des Hauts-de-France et autour de l’étang de Berre. La catégorie 4 rassemble des territoires dominés par la fabrication de matériels de transport et les industries liées (textile, métallurgie, fabrication d’équipements électriques). Relèvent de cette catégorie nombre de zones d’emploi des Hauts-de- France, de l’est du pays (dont Metz), de la Vendée et la région Centre-Val de Loire. Les déterminants de l’emploi local dépendent des secteurs d’activité. C'est pourquoi nous proposons une typolo- gie des zones d’emplois reflétant leurs dominantes productives.
  • 48. 46 L’étonnante disparité des territoires industriels C1 Territoires de services métropolitains C2 Territoires d’industries traditionnelles C3 Territoires de fabrication de biens intermédiaires de moyenne et haute technologie C4 Territoires dominés par la fabrication de matériel de transport et industries liées Figure 12 – Typologie des zones d’emploi en fonction de leur profil productif Source : Acoss, 2015. Calculs et cartes : EconomiX. Source : Acoss, calculs des auteurs.
  • 49. 47Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires La base compétitive correspond à une conception élargie de l’industrie et regroupe les secteurs suivants de la nomenclature d’activités française, révision 2 (NAF Rév. 2) : - l’ensemble de l’industrie et des services aux entreprises : respectivement les indus- tries extractives, manufacturières, la production et la distribution d’énergie et d’eau (sections B, C, D, E) d’une part, et les services d’information et de communication, les activités scientifiques et techniques, ainsi que les services administratifs et de soutien (sections J, M, N) d’autre part ; - le transport et l’entreposage de marchandises (section H) ; - le commerce de gros (division 46 de la section G). Ainsi définie, cette industrie « au sens large » représente 36,8 % de l’emploi national en 2015 (Insee, comptes nationaux) contre 9,9 % pour l’industrie manufacturière stricto sensu (section C) et 11,1 % si on lui adjoint les secteurs extractifs, la produc- tion et la distribution d’énergie et d’eau (sections B, D, E). Encadré 2 – La base compétitive Cette approche différenciée des terri- toires et de leur performance (voir les résultats complets dans le Tableau D de l’Annexe 2) se révèle plus riche que celle qui privilégie systématiquement les effets d’agglomération. En ce qui concerne l’emploi industriel, seules les zones d’emploi dominées par la fabrication de biens intermédiaires de moyenne et haute technologie (catégorie 3) réagissent conformément à la théorie se- lon laquelle les effets d’agglomération gé- nèrent de la croissance. Mais elles sont par ailleurs pénalisées par d’autres facteurs : la variation de l’emploi industriel y est en effet négativement liée à l’importance de l’emploi dans le secteur public, à la part de l’industrie et à celle des cadres et des pro- fessions intellectuelles supérieures – ces industries étant davantage en recherche de techniciens. L’orientation résidentielle de l’activité constitue également un frein à la croissance de l’emploi, preuve supplé- mentaire que, depuis la crise de 2009, le modèle économique fondé sur les activi- tés présentielles n’est plus aussi efficace qu’il a pu l’être au début des années 2000 (Davezies, 2010).
  • 50. 48 L’étonnante disparité des territoires industriels En d’autres termes, le modèle de dévelop- pement souvent associé aux métropoles dans lequel l’agglomération favorise les externalités de connaissance se révèle ap- proprié à des activités techniques et tech- nologiques. Il correspond finalement au profil type des territoires « qui gagnent » en combinant des effets externes d’agglo- mération, des établissements de petite dimension et une forte proportion d’activi- tés privées. Il en va différemment des trois autres types de territoires, dans lesquels la croissance de l’emploi n’est pas signi- ficativement liée à cette caractéristique pourtant privilégiée par la littérature. D’autres facteurs interviennent, souvent négativement d’ailleurs, pour expliquer l’évolution de l’emploi dans l’industrie. Dans les territoires où dominent la fabrica- tion de matériels de transport et les indus- tries liées (catégorie 4), l’emploi industriel est négativement influencé par le poids des établissements de groupes (à ne pas confondre avec les grandes entreprises, voir note 3), par le taux de chômage et par le caractère résidentiel des activités pré- sentes sur le territoire. Tableau 2 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation de l’emploi industriel local par catégorie de zones d’emploi Variable C1 C2 C3 C4 Densité n.s. n.s. + n.s. Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s. – n.s. Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s. n.s. n.s. Concentration (indice HHI) n.s. n.s. n.s. n.s. Part d’établissements appartenant à des groupes – n.s. n.s. – Part de l’emploi public – n.s. – n.s. Part de l’emploi manufacturier n.s. n.s. – n.s. Taux de chômage n.s. n.s. n.s. – Zone d’emploi résidentielle n.s. n.s. – – Dynamique entrepreneuriale n.s. n.s. n.s. n.s. n.s. : coefficient non significatif Note : ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation natio- nale ne tenant pas compte des interactions spatiales.
  • 51. 49Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires S’agissant maintenant des variations de l’emploi total, nos résultats (Tableau E, Annexe 2) confirment que la densité n’est ni le seul ni le principal facteur de croissance. Seuls deux types de territoires sur quatre voient leur emploi local dynamisé par la densité : ceux où dominent les industries traditionnelles et l’agroalimentaire (caté- gorie 2) et les activités liées à la fabrication de matériels de transport (catégorie  4). On retrouve donc, ici encore, l’hétérogénéité des modèles de développement local. Le fait pour un territoire de com- porter une part élevée d’emploi indus- triel ne ralentit pas nécessairement la croissance de son emploi total. De même, le fait pour un territoire de comporter une part élevée d’emploi in- dustriel ne ralentit pas nécessairement la croissance de son emploi total. On note sans surprise un tel effet défavorable pour les territoires de type métropolitain (caté- gorie 1) et ceux où dominent la fabrication de biens intermédiaires de moyenne et de haute technologie (catégorie 3), qui, au cours de cette période, ont connu de nom- breuses fermetures de sites. Dans cette dernière catégorie, l’effet négatif de la présence industrielle est d’ailleurs la seule variable qui intervienne significativement pour déterminer l’évolution de l’emploi. Dans les deux autres types de territoires, en revanche, l’industrie n’a pas déprimé 16. Une autre explication possible est que la zone n’a accueilli sur la période que de gros établissements qui mécaniquement ont eu un fort impact sur l’emploi local. l’emploi, ce qui prouve une fois de plus que certains territoires industriels ont pu tirer leur épingle du jeu dans une période pourtant défavorable à l’industrie. L’influence des autres facteurs présente la même hétérogénéité. Dans les territoires caractérisés par une présence importante des services métro- politains à forte intensité en connaissance (catégorie 1), la variation de l’emploi est in- versement liée aux parts initiales d’emploi industriel et d’emploi public. La concen- tration de l’emploi au sein de quelques établissements, définie par l’indice de Herfindahl-Hirschman, est elle aussi inver- sement corrélée à la variation de l’emploi. À cela, il y a deux raisons possibles. D’une part, les variations de l’emploi dans les grandes entités sont généralement pro- cycliques (Duhautois, Levratto, et Petit, 2014) : en période de basse conjoncture, les plus grandes entreprises ont davantage tendance à réduire leurs effectifs que les petites. D’autre part, la concentration de l’emploi dans les grands établissements réduit la concurrence dans ces zones et, par ce biais, entrave l’installation de nouvelles entreprises, conformément à l’hypothèse de Porter (1979). Inversement, lorsque de nouvelles entreprises s’installent ou se créent, elles dynamisent fortement l’em- ploi 16 comme l’indique le fort coefficient positif associé aux créations d’établisse- ments dans ces territoires.
  • 52. 50 L’étonnante disparité des territoires industriels Cette influence négative de la concentration ne se retrouve pas dans les territoires domi- nés par les industries agroalimentaires et les secteurs plus traditionnels (catégorie 2) qui ont, au contraire, tendance à en bénéfi- cier. La structure très duale du secteur des IAA permet de comprendre ce résultat. En effet, les grandes entreprises jouent un rôle moteur dans la plupart des évolutions affectant le secteur. Réalisant un effort de RD supérieur à celui des PME, elles sont à l’origine de la majeure partie des innova- tions technologiques importantes. Bénéfi- ciant de leur extension internationale, elles jouent un rôle important dans les transferts internationaux de savoir-faire. Enfin, for- tement intégrées aux chaînes internatio- nales de valeur, elles sont caractérisées par une productivité du travail élevée et une 17. Les difficultés rencontrées par une partie de la filière de la viande en Bretagne (faillites de Doux et Gad) sont deux contre-exemples. croissance marquée 17 . Indirectement, elles exercent des effets d’entrainement sur des secteurs connexes par leur fort recours à la sous-traitance. Ces territoires ont cependant pu voir leur trajectoire s’infléchir au cours de la période étudiée, comme le rappelle l’influence négative du taux de chômage sur la variation de l’emploi : la variation de l’emploi y est d’autant plus élevée que le taux de chômage initial est faible. Enfin, le taux de chômage, le caractère présentiel de l’économie locale, le taux d’emploi public et le poids des filiales de groupes sont négativement associés à la croissance de l’emploi dans les territoires de la catégorie 4, où prédominent la fabri- cation de matériels de transport et les in- dustries liées.
  • 53. 51Chapitre 2. Comprendre les ressorts de la performance des territoires Tableau 3 – Synthèse des résultats d’estimation : déterminants de la variation de l’emploi total local par catégorie de zones d’emploi Variable C1 C2 C3 C4 Densité n.s. + n.s. + Part de la main-d’œuvre qualifiée n.s. n.s. n.s. n.s. Spécificité (indice de Krugman) n.s. n.s. n.s. n.s. Concentration (indice HHI) – + n.s. n.s. Part d’établissements appartenant à des groupes n.s. n.s. n.s. – Part de l’emploi public – n.s. n.s. – Part de l’emploi manufacturier – n.s. – n.s. Taux de chômage n.s. – n.s. – Zone d’emploi résidentielle n.s. n.s. n.s. – Dynamique entrepreneuriale + n.s. n.s. n.s. n.s. : coefficient non significatif Note : ce tableau de signes présente les variables significativement différentes de 0 selon une estimation par les MCO. Les zones d’emploi des différentes catégories étant disjointes, elles sont comparées à une estimation nationale ne tenant pas compte des interactions spatiales.
  • 55. 53 Conclusion Si l’industrie française a globalement perdu des emplois au cours de la dernière décennie, certains territoires ont connu un développement industriel florissant. En étudiant les varia- tions locales de l’emploi industriel sur la période allant de 2009 à 2015 nous avons cherché à mieux comprendre les ressorts de la performance territoriale. La diversité des trajectoires montre qu’il n’y a pas de fatalité territoriale : de nombreux territoires déjouent les conjonctures régionales en créant nettement plus d’emplois in- dustriels – ou en perdant davantage – que leurs voisins. Surtout, l’analyse rejette l’hy- pothèse d’une fatalité sectorielle. Une croissance plus forte de l’emploi industriel dans un territoire n’est jamais le reflet d’une plus forte concentration des secteurs les plus dynamiques ; il en va de même pour l’influence des secteurs en déclin. Les conditions économiques locales s’avèrent donc prépondérantes. Dans certains bas- sins d’emploi, l’effet « local » explique plus de 70 % des variations de l’emploi industriel. L’effet local d’un territoire n'est d’ailleurs pas uniforme : il peut être fortement positif dans un secteur d’activité et assez faible voire négatif dans un autre. Une analyse économétrique permet d’identifier certains déterminants de l’emploi local. Le meilleur prédicteur de l’évolution de l’emploi industriel semble être la performance indus- trielle des territoires alentours. À l’ouest et au sud de la France, dans le nord des Alpes et en Île-de-France, on observe des agglomérats de territoires à dynamique de l’emploi industriel positive, alors que le quart nord-est du pays est dominé par des regroupements de zones à dynamique négative. Un territoire prospère stimulerait donc non seulement la demande en services de proximité chez ses voisins, mais aussi l’industrie (fournisseurs, sous-traitants). Nous montrons également que les différents déterminants de l’emploi ont des effets contrastés selon les combinaisons d'activités présentes dans les territoires. Les effets d’agglomération par exemple, prévalent surtout dans les territoires spécialisés dans des industries à forte intensité en connaissance. Puisque les caractéristiques quantifiables des territoires examinés ne permettent de prédire leur performance, la suite de nos travaux tentera, à l’aide d’études de terrain de mettre en lumière des déterminants plus qualitatifs comme l’efficacité des institutions et des coopéra- tions entre acteurs divers.
  • 56. 54 L’étonnante disparité des territoires industriels POINT DE VUE Renforcer l’adéquation entre filières industrielles, territoires et formation Par Gabriel Artero, président de la Fédération de la métallurgie CFE-CGC et membre du Conseil d’orientation de La Fabrique de l’industrie Je me félicite que la Fabrique de l’industrie ait pu se saisir de ce sujet pour expliquer « L’étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin ». La Fédération de la Métallurgie CFE-CGC que j’ai l’honneur de présider reste attachée à défendre l’industrie, ses emplois et ses salariés, que ce soit dans les grands groupes, les PME-PMI ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI). La branche Métallurgie qui pèse près de la moitié de l’industrie, avec ses 1,5 millions de salariés, est constituée de 42 000 entreprises de toute taille. Parmi celles-ci, 80 % des établissements ont moins de 50 salariés et 9 % sont des ETI. La France est donc bien essentiellement composée d’un tissu industriel de PME-PMI. La mission « Territoires d’industrie » initiée par le gouvernement a pu identifier des terri- toires qui bénéficient d’une aide au développement déployée en région. L’objectif de cette mission étant de compléter l’approche par filière et une optique territoriale, dans laquelle tous les territoires sont concernés, et pas seulement ceux ayant perdu des emplois ces der- nières décennies ni ceux plus florissants. L’ambition est d’insuffler une dynamique col- laborative soutenue par un appareil de formation en lien avec l’industrie. Un « panier de services » comprenant une vingtaine d’actions est mis à la disposition pour répondre aux besoins identifiés : recruter en renforçant l’offre de formation aux métiers industriels, attirer en mobilisant les opérateurs de l’Etat pour appuyer des projets des territoires d’industrie, innover en permettant aux PME d’accéder à la recherche et au développement, simplifier en facilitant les demandes de dérogation administrative pour mettre en œuvre les projets.
  • 57. Point de vue 55 Le principal moteur du développement de l’emploi dans un territoire tient bien du dyna- misme de l’entreprise industrielle à générer de la croissance, qui ne soit pas uniquement assise sur le territoire dans lequel elle est installée. Par ailleurs, la transformation techno- logique à l’œuvre, aussi rapide que violente, va voir disparaître certains métiers et en faire émerger de nombreux autres. La CFE-CGC argue de tout son poids pour mettre en avant la nécessaire adéquation entre filières industrielles, territoires et formation pour tous. En ce sens, la constitution d’un OPCO Industrie doit contribuer à cette transformation de nos territoires d’industrie.
  • 59. 57 Bibliographie Abreu, M., De Groot, H. L., Florax, R. J. (2004), « Space and growth: a survey of empi- rical evidence and methods ». Altaber, C., Boutet, A. (2018), « Territoires industriels : faire dialoguer fonction écono- mique, capital social et héritage matériel », Commissariat général à l’égalité des terri- toires (CGET). Audretsch, D. B., Feldman, M. P. (2004), « Knowledge spillovers and the geography of innovation », In J. F. T. J. V. Henderson (Ed.), Handbook of Regional and Urban Econo- mics (Vol. 4, pp. 2713–2739). Elsevier. Baldwin, R. E., Martin, P. (2004), « Agglomeration and regional growth », Handbook of Regional and Urban Economics, 4, 2671–2711. Bartik, T. J., Sotherland, N. (2019), « Local Job Multipliers in the United States: Variation with Local Characteristics and with High-Tech Shocks », Upjohn Institute working paper 19-301. Behrens, K., Thisse, J.-F. (2007), « Regional economics: A new economic geography perspective », Regional Science and Urban Economics, 37(4), 457–465. Bishop, P. (2008), « Spatial spillovers and the growth », Tijdschrift Voor Economische En Sociale Geografie, 99(3), 281–292. Bonnet, J. (1997), « Le développement territorial, approche méthodologique par l’analyse structurelle-résiduelle : une application du concept de district industriel aux territoires bas-normands de Vire et de Flers », Cahiers de la MRSH, PUC, décembre, 13, 47-67. Boschma, R. (2005), « Proximity and Innovation: A Critical Assessment », Regional Stu- dies, 39(1), 61–74. https://doi.org/10.1080/0034340052000320887
  • 60. 58 L’étonnante disparité des territoires industriels Boschma, R., Iammarino, S. (2009), « Related variety,trade linkages, and regio- nal growth in Italy », Economic Geography, 85(3), 289–311. https://doi.org/ 10.1111/j.1944-8287.2009.01034.x Bouba-Olga, O., Grossetti, M. (2015), « La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ? », Revue de l’OFCE, 4(143), 117–144. Brunetto, M., Levratto, N. (2017), Analysis of the job creation process in metropolitan areas: a spatial perspective (Working Papers No. 2017–36). Nanterre. Callois, J-M. (2006), « Capital social et performance économique, Revue d’Économie Régionale et Urbaine », 2: 227-243. Camagni, R., Capello, R. (2013), « Regional Competitiveness and Territorial Capital: A Conceptual Approach and Empirical Evidence from the European Union », Regional Studies, 47(9), 1383–1402. Carré, D., Levratto, N. (2011), Les Performances des Territoires. Les Politiques Locales, Remèdes au Déclin Industriel. Paris: Le {M}anuscrit. CGET (2018), « L’industrie dans les territoires français : après l’érosion, quel rebond ? », Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires. Colletis, G., Pecqueur, B. (1995), « Economie Industrielle et Economie Spatiale », In A. Rallet A. et Torre (Ed.) (pp. 445–463). Paris: Economica. Combes, P.-P., Duranton, G., Gobillon, L., Roux, S. (2010), « Estimating agglomeration economies with history, geology, and worker effects », Agglomeration Economics (Vol. I). Combes, P. P., Magnac, T., Robin, J. M. (2004), « The dynamics of local employment in France », Journal of Urban Economics, 56(2), 217-243. Davezies, L. (2010), « La crise et nos territoires : premiers impacts », AdCF/Institut Caisse des Dépôts pour la Recherche. Doeringer, P. B., Terkla, D. G., Topakian, G. C. (1987), Invisible Factors in Local Economic Development. Oxford University Press.
  • 61. 59Bibliographie Duhautois, R., Levratto, N., Petit, H. (2014), Au-delà de la tertiarisation : 30 ans de modifications du tissu productif (Document de Travail No. 173). Noisy-le-Grand. Elhorst, J. P. (2010), « Applied spatial econometrics: raising the bar », Spatial Economic AnalysisAnalysis, 5(1), 9–28. Frocrain, P., Giraud, P.‑N. (2018), « The Evolution of Tradable and Non-Tradable Employment: Evidence from France. Economie et Statistique / Economics and Statistics », 503‑504, 87–107. Gaigné, C., Piguet, V., Schmitt, B. (2005), « Évolution récente de l'emploi industriel dans les territoires ruraux et urbains: une analyse structurelle-géographique sur données françaises », Revue d’économie régionale et urbaine, (1), 3-30. Glaeser, E. (2011), « Cities, productivity, and quality of life », Science, 333(6042), 592-594. Gros-Balthazard, M. (2018), « L'avenir productif des territoires industriels. Analyse de la diversité des trajectoires économiques locales », Thèse de doctorat. Hecquet, V., Lainé, F. (1998), « Structures productives locales et formes d’organisation économique : une analyse typologique », Insee, E9811/H9804. Katz, B., Bradley, J. (2013), « The metropolitan revolution: How cities and metros are fixing our broken politics and fragile economy », Brookings Institution Press. Le Gallo, J., Dall’Erba, S. (2005), « Croissance, convergence et interactions régionales : les outils récents de l’analyse spatiale quantitative », Région et Développement, 21, 5–12. Levratto, N., Carré, D., Lievaut, J. (2013), « La croissance des entreprises dépend-elle de leur localisation ? Analyse longitudinale à partir d’un panel d’établissements français », Paris. Malgouyres, C. (2017), « The impact of chinese import competition on the local structure of employment and wages: Evidence from France », Journal of Regional Science, 57(3), 411-441. Martin, P., Mayer, T., Mayneris, F. (2011), « Spatial concentration and plant-level productivity in France », Journal of Urban Economics, 69(2), 182–195.
  • 62. 60 L’étonnante disparité des territoires industriels Moretti, E. (2010), « Local multipliers », American Economic Review, 100(2), 373-77. Moretti, E. (2011), « Local labor markets », In Handbook of labor economics (Vol. 4, pp. 1237-1313). Elsevier. Moretti, E., Thulin, P. (2013), « Local multipliers and human capital in the United States and Sweden », Industrial and Corporate Change, 22(1), 339-362. Perucca, G. (2014), « The Role of Territorial Capital in Local Economic Growth: Evi- dence from Italy », European Planning Studies, 22(3), 537–562. Porter, M. E. (1979), « The Structure within Industries and Companies’ Performance », The Review of Economics and Statistics, 61(2), 214–227. Séri, P. (2003), « Learning pathologies in losing areas: towards a definition of the cogni- tive obstacles to local development », in Brenner et Fornalh (Eds.) Networks and institu- tions in regional innovation systems, Cheltenham, Edward Elgar. Schaltegger, C., Zemp, S. (2003), « Spatial spillovers in metropolitan areas: Evidence from swiss communes », CREMA Working Paper. Wang, T., Chanda, A. (2018), « Manufacturing growth and local employment multipliers in China », Journal of Comparative Economics, 46(2), 515-543. Zimmermann, J.-B. (2002), « Grappes d’entreprises et petits mondes. Une affaire de proximités », Revue Economique, 53(3), 517–524.
  • 63. 61
  • 65. 63 Annexes 1. Approche empirique de l’analyse des déterminants des variations de l’emploi L’analyse des déterminants de la variation des différents types d’emplois (emploi salarié total ou emploi salarié industriel) commence avec un modèle de régression classique (Moindres Carrés Ordinaires ou Ordinary Least Squares). Le modèle de régression linéaire classique s’écrit de la façon suivante : Y = Xβ + ε (1) Avec, Y la variable dépendante ou à expliquer, ici le taux de variation de l’emploi salarié total ou industriel. X est le vecteur des variables explicatives répertoriées dans le Tableau A : la densité de l’emploi local, la part locale de la main-d’œuvre qualifiée, l’indice de spécialisation de Krugman, l’indice de concentration d’Herfindhal, autonomie de déci- sion de l’établissement, part de l’emploi public et industriel local, taux de chômage local, le caractère résidentiel ou productif de la zone d’emploi, et enfin la dynamique entrepre- neuriale. β est le vecteur de paramètres à estimer et ε un terme d’erreur. Tableau A – Variables utilisées dans les modèles Nom de la variable Interprétation Définition Source Variables à expliquer (calculées par zone d’emploi) LnVarEmpInd_0915 Variation du nombre total d’emplois sala- riés dans l’industrie entre 2009 et 2015 Nombre d’emplois salariés dans l’industrie en 2015 (logarithme) – Nombre d’emplois salariés dans l’industrie en 2009 (logarithme) Insee, Clap LnVarEmp_0915 Variation du nombre total d’emplois salariés entre 2009 et 2015 Nombre d’emplois salariés en 2015 (logarithme) – Nombre d’em- plois salariés en 2009 (logarithme) Insee, Clap
  • 66. 64 L’étonnante disparité des territoires industriels Nom de la variable Interprétation Définition Source Variables explicatives (calculées par zone d’emploi) LnDens_09 Densité en emplois en 2009 Nombre total d’emplois rapporté à la superficie de la zone (logarithme) Insee, Clap Qualif_09 Main d’œuvre qualifiée en 2009 Part de cadres et professions intellectuelles supérieures dans l’emploi total Insee, Clap Krugman_09 Indice synthétique de la spécificité de la structure industrielle d’une zone d’emploi par rapport au reste du territoire en 2009 avec Xk i , le nombre d’emplois du secteur k dans la zone i ; Xi , l’emploi total dans la zone i ; Xk , le nombre total d’emplois dans le secteur k Insee, Clap HHI_09 Indice de concentra- tion d’Herfindahl en 2009 Compris entre 1/N si tous les N établissements sont de même taille, et 1 lorsqu’un seul établis- sement regroupe l’ensemble des salariés Insee, Clap TxEmplGrpes_09 Approximation de l’autonomie de décision des établis- sements en 2009 Emploi salarié dans des établisse- ments appartenant à des filiales de groupes d’entreprises / Emploi total Insee, Clap TxEmpPubl_09 Part de l’emploi public en 2009 Nombre d’emplois dans les 3 fonctions publiques rapporté au nombre total d’emplois Insee, Clap TxIndus_09 Part de l’emploi dans l’industrie manufac- turière en 2009 Nombre d’emplois salariés dans l’industrie manufacturière y.c. IAA / Nombre total d’emplois salariés dans la zone d’emploi Insee, Clap Chom_09 Taux de chômage en 2009 Nombre de chômeurs / population active Insee, bases ad hoc ZEPres Unité spatiale à do- minante résidentielle ou productive Codée 1 si la ZE est à dominante résidentielle et 0 sinon Insee, base ad hoc EffLocEtab_0915 Dynamique entrepre- neuriale entre 2009 et 2015 Effet local de la variation du nombre d’établissements entre 2009 et 2015 (analyse shift-share) Insee, Clap
  • 67. 65Annexes Nom de la variable Interprétation Définition Source Matrices de poids spatial W01 Matrice de contiguïté d’ordre 1 Indique si les zone d’emploi ont une frontière commune (codée 1) ou pas (codée 0) IGN, calculs via Geoda W03 Matrice de distance inverse Indique l’inverse de la distance entre les centroïdes de chaque zone d’emploi IGN calculs via Geoda Différents tests sont ensuite réalisés pour détecter une éventuelle présence d’autocorréla- tion spatiale. S’ils concluent à l’existence d’une autocorrélation spatiale significative, des modèles spatiaux doivent être utilisés, sinon, les MCO s’appliquent. Cette démarche est proche de ce qu’on appelle communément dans la littérature l’approche ascendante ou bottom-up (Abreu, De Groot, Florax, 2004 ; Le Gallo, 2004). Emploi salarié dans l’industrie La réalisation du test de Moran montre que les 304 ZE étudiées présentent une dépen- dance spatiale dont la forme 18 est globalement homogène pour les deux matrices de poids utilisées. Pour l’étude de la variation de l’emploi industriel local, c’est le modèle avec une variable spatialement décalée qui est le plus approprié. Ce modèle consiste à intégrer une « variable endogène décalée » Wy dans l’équation (1) pour prendre en compte l’auto- corrélation spatiale. Le modèle structurel s’écrit comme suit  Y = ρWy + Xβ + ε (2) Wy est la variable endogène décalée pour la matrice de poids W, ρ est le paramètre autoré- gressif indiquant l’intensité des interactions existantes entre les observations de Y. Dans ce modèle, la valeur de Y observée dans une zone d’emploi donnée est en partie expliquée par les valeurs prises par Y dans les zones voisines. En effet, Wy s’interprète 18. Le choix de la forme est défini selon une règle de décision introduite par Anselin et Rey (1991) et Anselin et Florax (1995). Si LMLag est plus significatif que LMError et RLMLag est significatif mais pas RLMErr, alors le modèle adéquat est le modèle avec une variable endogène décalée. Inversement, si LMError est plus significatif que LMLag et RLMError est significatif mais pas RLMLag, alors on choisit le modèle avec autocorrélation des erreurs.