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"Después de Lucia" : les frustrations de la société mexicaine

On sort du film avec l'impression d'avoir reçu un coup de marteau sur la tête, et une question : ce spectacle est-il bien nécessaire ? Peut-être faut-il vivre au Mexique pour y répondre.

Par Isabelle Regnier

Publié le 02 octobre 2012 à 15h42, modifié le 02 octobre 2012 à 15h42

Temps de Lecture 2 min.

Tessa Ía González Norvind dans le film franco-mexicain de Michel Franco,

Dans son premier long-métrage, Daniel & Ana, Michel Franco scrutait l'évolution d'un frère et d'une sœur après qu'ils eurent été enlevés à Mexico et forcés par leurs ravisseurs à coucher ensemble devant une caméra. Después de Lucia ne traite pas d'inceste, mais le réalisateur reste sur le même terrain. Il remet en scène un petit théâtre de la cruauté dans lequel une violence perverse et sans limite s'abat sur une adolescente, en s'appuyant autant sur des vidéos à caractère sexuel que sur les tabous de la société mexicaine.

Le film s'ouvre avec un accident de voiture. Une femme est morte, laissant derrière elle un mari et Alejandra, leur fille, une adolescente de 17 ans. Pour tourner la page, le père et la fille partent s'installer à Mexico. En douceur, sur un mode naturaliste, on les suit tous les deux, solidaires, tendrement unis, dans ce début de film dont le sujet semble être le deuil. Lui cherchant ses marques comme chef cuisinier dans un restaurant, elle se faisant de nouveaux amis, dans un nouveau lycée, fréquenté par les enfants de la haute bourgeoisie mexicaine.

Des deux, c'est le père qui a l'air le plus instable. A son visage lumineux, à l'aisance avec laquelle elle va vers les autres, à la maturité sereine dont elle fait preuve dans son discours, on jurerait qu'Alejandra a pris le dessus. A ceci près qu'elle ment sur la mort de sa mère. Et puis le film bascule.

Invitée à passer le week-end dans la résidence secondaire d'une de ses nouvelles amies, week-end copieusement arrosé d'alcool comme il se doit à cet âge, la jeune fille termine la première soirée dans la salle de bain avec un garçon qui enregistre leurs ébats sur son téléphone. Le lundi, la vidéo a été postée sur Internet et vue par tout le lycée. La descente aux enfers commence.

Alejandra ne peut plus faire un pas sans être traitée de traînée. Les garçons ont ouvert les hostilités, les filles leur emboîtent le pas. Sous couvert d'amitié, elles lui font la leçon, lui reprochent sa légèreté de mœurs. Et rapidement, sans crier gare, se transforment en bourreaux. Unissant leur cruauté à celle de leurs camarades mâles, elles font subir à la jeune fille un crescendo de violences et d'humiliations qui culmine dans une scène où plane le parfum de Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini.

Alejandra vient d'un milieu éclairé. Avec son père, elle peut parler raisonnablement de drogue. Mais pas de cette vidéo qui a transformé sa vie en cauchemar. Elle préfère se constituer esclave, victime expiatoire de toutes les frustrations de cette communauté.

Ces frustrations sont celles de la société tout entière, envisagée ici comme une cocotte minute au bord de l'explosion, tiraillée entre une modernité imposée par la mondialisation et les nouveaux moyens de communication, et la prégnance dans ce pays catholique des structures patriarcales et autoritaires.

On sort du film avec l'impression d'avoir reçu un coup de marteau sur la tête et une question : ce spectacle était-il bien nécessaire ? Peut-être faut-il vivre au Mexique pour pouvoir y répondre.

LA BANDE-ANNONCE


Film franco-mexicain de Michel Franco avec Tessa Ía (González Norvind), Hernan Mendoza, Gonzalo Vega Sisto (1 h 33).

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 Sur le Web : www.bacfilms.com.

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