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Les élections dans le nord du Kosovo suscitent des critiques en Serbie

Avant même l’ouverture des bureaux de vote, le président serbe Aleksandar Vučić a vivement condamné le scrutin. [EPA-EFE/ANDREJ CUKIC]

Les élections tenues dans quatre municipalités à majorité serbe du nord du Kosovo ont enregistré le taux de participation le plus bas de l’histoire du territoire : seulement 3,47 %. Le président serbe Aleksandar Vučić a tenu des propos très durs à l’encontre de ces élections, tandis que sa Première ministre, Ana Brnabić, a critiqué de manière cinglante l’UE et les États-Unis.

Au total, 19 bureaux de vote ont été ouverts à Mitrovica Nord, Zubin Potok, Zvecan et Leposavić et 45 000 citoyens du Kosovo étaient habilités à voter. Pourtant, seulement 1567 personnes ont participé au scrutin, selon la Commission électorale centrale (CEC).

Les résultats préliminaires montrent que le parti Autodétermination (Vetëvendosje, VV) au pouvoir a remporté les municipalités de Mitrovica Nord et Leposavić, tandis que le Parti démocratique du Kosovo (Partia Demokratike e Kosovës, PDK) a remporté Zvecan et Zubin Potok.

Le vote a eu lieu après la démission, en novembre 2022, d’une série de fonctionnaires serbes et de responsables politiques locaux à la suite de la décision de Pristina d’exiger que toutes les voitures kosovares portent des plaques d’immatriculation du Kosovo. Il s’agit d’une demande problématique dans la mesure où de nombreux Serbes du Kosovo ne reconnaissent pas l’indépendance du pays à l’égard de la Serbie.

Les tensions entre le Kosovo et la Serbie se sont aggravées ce week-end

Les tensions entre le Kosovo et la Serbie se sont ravivées ce week-end après l’arrestation d’un Serbe du Kosovo qui avait mis le feu à des voitures appartenant à des personnes d’origine serbe ayant opté pour des plaques d’immatriculation kosovares.

Les élections devaient initialement avoir lieu le 18 décembre 2022. Cependant, en raison des blocages de routes et de postes-frontières par des Serbes ethniques, alimentant les craintes d’un retour au conflit entre les deux pays, la communauté internationale a demandé qu’elles soient reportées.

La Liste serbe pour le Kosovo (Srpska Lista za Kosovo), le plus grand parti serbe du Kosovo, a choisi de boycotter les élections et les institutions serbes ont appelé à plusieurs reprises les Serbes du Kosovo à faire de même. Mardi dernier (18 avril), le Premier ministre élu du Kosovo, Albin Kurti (VV), a déclaré que Belgrade intimidait les Serbes du nord pour qu’ils ne participent pas aux élections.

Malgré cela, le chef de la CEC, Kreshnik Radoniqi, a déclaré que le scrutin s’était déroulé sans incident.

Les États-Unis ont regretté la faible participation des Serbes du Kosovo, mais ont déclaré qu’ils reconnaîtraient les résultats du vote.

« Nous soutenons une démocratie diversifiée, inclusive et multiethnique au Kosovo ainsi que des élections qui la sous-tendent. Malheureusement, toutes les parties n’ont pas exercé leur droit démocratique de participer aux élections d’aujourd’hui. La participation électorale contribue à veiller à ce que les dirigeants représentent la population qu’ils gouvernent », a déclaré l’ambassade américaine à Pristina.

L’ambassadeur de France, Olivier Guerot, a déclaré qu’un taux de participation aussi faible ne contribuait pas à apporter des solutions politiques à la région, marquée par de récentes tensions.

« Ces élections réunissant si peu d’électeurs n’apportent pas de solutions politiques. Nous regrettons le manque de participation de certaines parties. Point positif : le professionnalisme de la police du Kosovo, de la mission “État de droit” menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) et de la force de maintien de la paix au Kosovo (KFOR) », a-t-il écrit sur Twitter.

Avant le vote, l’UE a exprimé sa déception face au boycott des élections par la Liste serbe, qui bénéficie du soutien officiel de Belgrade, et a déclaré que les Serbes devaient réintégrer les institutions du Kosovo.

« L’UE, avec ses partenaires, s’est engagée auprès des deux parties à réduire les tensions et à faire en sorte que les Serbes du Kosovo remplissent leurs obligations issues du dialogue [facilité par l’UE] et retournent dans les institutions et que le Kosovo permette à ce retour de se concrétiser. Jusqu’à présent, peu de progrès ont été accomplis sur ce point. Il est impératif que nous revenions à une situation dans laquelle les Serbes du Kosovo participent activement à l’administration locale, à la police et au système judiciaire dans le nord du Kosovo », a déclaré le porte-parole de l’UE, Peter Stano.

Critiques provenant de Serbie

Avant même l’ouverture des bureaux de vote, le président serbe Aleksandar Vučić a vivement condamné le scrutin. Il a annoncé, samedi dernier (22 avril), que les Serbes boycotteraient les élections et a déclaré que le vote entraînerait une « invasion complète » par les responsables politiques albanais du nord.

« Demain, notre peuple regardera avec calme, responsabilité et dédain ceux qui viennent de Mitrovica Sud pour voter afin d’élire de nouveaux dirigeants à Mitrovica Nord, Leposavić, Zvecan et Zubin Potok. Ce qu’il se passera ensuite sera une invasion complète à laquelle les citoyens sont déjà prêts ; ils y sont habitués », a-t-il déclaré au portail serbe Beta.

Il a également critiqué la position de l’UE, déclarant qu’aucun vote ne devrait avoir lieu avant la création de l’Association des municipalités serbes, un point de désaccord majeur dans le dialogue actuel entre le Kosovo et la Serbie facilité par l’UE.

La Première ministre serbe, Ana Brnabić s’est montrée encore plus critique, qualifiant les élections de « simulacre » facilité par l’Occident.

« Souvenez-vous de ce jour. C’est le jour de la légalisation et de la légitimation du dernier ghetto européen. Ces images dépeignent vraiment l’“État de droit” et la véritable signification des “élections démocratiques” au Kosovo et en Metohija [nom serbe de la Métochie], telles qu’elles sont soutenues par l’UE et le Quint [qui associe les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie] », a tweeté Mme Brnabić en réaction aux élections.

Elle a ajouté que ces élections ne pouvaient pas être considérées comme libres et équitables puisqu’elles se sont déroulées « dans des conteneurs temporaires sous la supervision directe des forces armées. »

« Des élections, libres et équitables, avec des forces armées et des véhicules blindés ! C’est cela l’Europe du 21e siècle », a-t-elle déploré.

Mme Brnabić a ajouté que les élections étaient l’œuvre des « créateurs de la République du Kosovo » et les a qualifiés d’« hypocrites ».

« Soyez fiers ! Célébrez aujourd’hui vos réalisations. Savourez la gloire de ce que vous avez créé », a-t-elle ajouté sur un ton sarcastique.

Dimanche (23 avril), le représentant spécial de l’UE pour le dialogue Kosovo-Serbie, Miroslav Lajčák, a déclaré que le 2 mai prochain, la question de l’Association des municipalités serbes serait abordée, de même que les obligations de la Serbie à l’égard des personnes disparues à la suite de la guerre de 1998-1999.

Il a précisé que cet entretien constituerait « une réunion importante pour la mise en œuvre de l’Accord et de son annexe. L’ordre du jour comprendra l’approbation officielle de la déclaration sur les personnes disparues et la présentation du premier projet de statut de l’Association/communauté de municipalités à majorité serbe au Kosovo par l’équipe de gestion ainsi que les affaires courantes ».

M. Lajčák a déclaré que les deux parties devaient être prêtes et s’engager pleinement à mettre en œuvre l’accord de normalisation des relations.

Un accord Serbie-Kosovo possible d’ici la fin de l’année, selon le Premier ministre kosovar

Le Kosovo et la Serbie ont pour objectif de conclure un accord sur la normalisation de leurs relations « cette année », a déclaré le Premier ministre kosovar Albin Kurti lors d’un entretien exclusif accordé à EURACTIV.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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