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Commande anticipatrice multivariable pour procédés « batch ». Application au compactage isostatique à chaud de l’alumine H.-F. Raynaud, C. Rizkallah, A. Vignes L2TI/LIMHP, Université Paris-Nord, Villetaneuse ■ INTRODUCTION Les procédés d’élaboration ou de transformation discontinus (« batch ») traitent des produits initiaux (matières premières, pièces) par lots. Les caractéristiques du produit initial varient d’un lot à l’autre, ce qui entraîne des variations de la cinétique du processus de transformation. Si ces variations sont suffisamment importantes et que l’on ne corrige pas le cycle opératoire, le traitement peut conduire à un produit final défectueux. On montre qu’une commande par rétroaction est en règle générale insuffisante pour rétablir la qualité désirée du produit final. Si l’on dispose d’un modèle du procédé réidentifiable en cours d’opération, celui-ci peut être utilisé pour déterminer une correction des variables opératoires permettant d’amener les variables d’état du produit à une valeur finale satisfaisante. Cet article propose, pour calculer cette correction, une commande de type anticipatrice (« feedforward ») fondée sur une approximation linéaire du modèle du procédé, et de ce fait considérablement plus simple et moins gourmande en temps de calcul que les méthodes classiques d’optimisation non linéaire, en particulier dans le cas multivariable. À titre d’illustration, cette technique est appliquée, en simulation, à la conduite d’un procédé multivariable d’élaboration des matériaux, le compactage isostatique à chaud de la poudre d’alumine. Les procédés industriels continus sont conçus pour fonctionner pendant de longues périodes autour d’un point de fonctionnement fixe, correspondant à un état d’équilibre du système et à une qualité satisfaisante du produit final. Une fois atteint ce régime de fonctionnement stationnaire, la conduite du procédé consiste à agir sur les variables opératoires pour compenser l’effet des perturbations et maintenir le système à cet état d’équilibre. Au contraire, dans un procédé discontinu (procédé « batch »), où un produit initial est transformé en produit final à l’issue d’un traitement de durée fixée, l’état du système évolue en cours d’opération. La conduite classique, qui est le mode opératoire généralement mis en œuvre pour de tels systèmes, consiste à faire suivre aux variables opératoires une trajectoire prédéterminée – le cycle opératoire nominal – qui doit permettre d’obtenir la qualité désirée du produit final. Ceci suppose évidemment que le procédé soit équipé d’actionneurs permettant de contrôler avec la précision requise les variables opératoires1. Ce cycle opératoire nominal peut être déterminé soit empiriquement, soit à partir d’un modèle de référence, c’est-à-dire d’un modèle du procédé préalablement validé expérimentalement2. Si l’on dispose, en plus d’un modèle du procédé, de mesures en ligne d’une ou plusieurs variables d’état du produit, il est possible de substituer à la conduite classique une conduite dite avancée. On utilise alors tout d’abord le modèle pour calculer des trajectoires dites « de référence » des différentes variables d’état du produit à partir des caractéristiques du produit initial. La trajectoire de référence, dans la mesure où elle est engendrée à partir d’un modèle expérimentalement validé, représente des variations réalistes 1 Nous supposerons ici que ce premier problème de commande a été préalablement résolu. 2 Manuscrit reçu le 20 juillet 2001, bon à publier le 5 octobre 2002. © La Revue de Métallurgie 2002. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 On se limitera ici au cas où le modèle du système se présente sous la forme d’un système dynamique, c’est-à-dire d’un système (plus ou moins complexe) d’équations différentielles ordinaires reliant les différentes variables d’état du produit, et dépendant d’un certain nombre de paramètres. Des modèles de ce type ont été construits et validés pour un grand nombre de procédés d’intérêt industriel ; ils présentent le double avantage de se prêter à un certain nombre de manipulations mathématiques formelles et de pouvoir être très facilement simulés par ordinateur en utlisant des logiciels standard de calcul scientifique. 1081 Multivariable feedforward control for batch processes. Application to hot isostatic pressing of alumina H.-F. Raynaud, C. Rizkallah, A. Vignes L2TI/LIMHP, Université Paris-Nord, Villetaneuse Batch processes transform batches of raw material whose properties differ, leading to variations in the dynamics of the transformation process. If those variations are important enough and the operating cycle is not modified, this may lead to defective final products. It is shown that a feedback control, as a general rule, would fail to restore the desired quality of the final product. If a process model which can be reidentified on-line is available, it can be used to determine a correction of the process variables enabling to drive the product state variables to a suitable final value. In order to compute the correction, this article proposes a feedforward control based on a linear approximation of the process model, and therefore significantly simpler and less computation-intensive than classical non-linear optimization methods, especially in the multivariable case. As an illustrative example, this method is used to simulate a control action for hot isostatic pressing of alumina powder, which is a multivariable elaboration process. Continuous industrial processes are designed to operate for long periods of time at a fixed set point associated to an equilibrium point and an adequate quality of the final product. Once this stationary regime is reached, the manipulated inputs are used to compensate the effect of disturbances and to keep the system at the required equilibrium point. In contrast, in the case of a batch process where some initial product is transformed into a final product through an operation of fixed duration, the state of the system evolves during processing. Conventional control, which is the usual operating mode for such systems, the manipulated follows a prespecified trajectory, the recipe, which is assumed to lead to the desired quality of the final product. This obviously requires that the process should be equipped with actuators enabling to control the manipulated input with the requested accuracy. The recipe can be determined either empirically, or through a reference model, i.e. a process model which has been previously validated. If, in addition to a process model, on-line measurements of some or all product state variables are available, one can replace conventional control with so-called advanced control. In a first step, the model is used to compute reference trajectories for the product state variables, based on the properties of the initial product. Being generated from an experimentally validated model, the reference trajectory represents realistic variations of the product state variables. One will act on the manipulated 1082 variables when occurs a tracking error between the measured and reference trajectories. The simplest advanced control is feedback control, aiming at cancelling the tracking error before the end of the operation. However, such a control, as a general rule, would fail to cancel a tracking error resulting from a variation of the parameters governing the dynamics of the transformation process. This is because such a variation can be shown to be equivalent to a non-zero external disturbance acting on the differential equation governing the closed-loop dynamics of the tracking error, the effect of which could only be cancelled by using (generally unacceptably) high feedback gain. In such cases, a successful advanced control requires to re-identify the process model from on-line measurements obtained during an initial stage of conventional control ; the adjusted model is then used to determine an appropriate correction of the manipulated inputs. These two steps define respectively an identification and a control problem. Identification of a parametric model of dynamical system from input-output data is a difficult problem for which there exists no universal solution, but rather a whole range of methods adapted to special situations. We refer the interested reader to the tutorial work by E. Walter and L. Pronzato (18). For the application considered in this article, the identification of the model parameters has been performed by minimizing the least-squares error between experimental and simulated trajectories of the one product variable for which on-line measurements were available ; this crude method turned out to be quite effective in this particular case. Once the model has been re-identified, one needs to determine a new trajectory of the manipulated inputs which enables to drive the tracking error to zero before the end of the operation. This is a standard non-linear control problem, which can be dealt within the framework of optimal control theory (see, e.g. (5)). Unfortunately, in order to compute the solution of such optimization problems, even in simple cases, one need to use computation-intensive iterative algorithms, which may be unsuitable for real-time implementation. Furthermore, in the multivariable case, the complexity of the problem increases at combinational speed with the number of manipulated inputs and product state variable (on the application of optimal control methods to batch processes, see, e.g., (9, 16)). La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 It is sometimes possible to greatly reduce the complexity of the optimization problem by imposing a particular form to the manipulated input trajectories, such as plateaux or ramps. This kind of optimization with constraints has been applied to hot isostatic pressing (HIP) of a metal powder (Astroloy) (13-15). This process features only one manipulated input, the temperature, and one product state variable, the relative density of the compact. In this case, one can without inconvenience consider only new plateaux, thereby reducing the optimal control problem to the optimization of a function of one variable, which can be solved using a standard iterative minimization algorithm compatible with real-time constraints. However, this approach cannot be extended to the general multivariable case where no a priori form can be imposed on the manipulated inputs’ trajectories. An alternative method, which can be applied to a large class of multivariable processes, is to drive the tracking error towards zero using a feedforward control derived from a time-varying linear approximation of the dynamics of the system. This technique has been proposed in (12) and applied to HIP of Astroloy ; it relies on linear control engineering methods, which are far simpler than non-linear optimization both from the mathematical standpoint and in terms of implementation. The purpose of this article is to illustrate how this method can easily be used to control multivariable batch processes, especially in the field of materials where variations in the properties of the initial product lead to important variations in the process dynamics. For this purpose, it is applied here to the control (in simulation) of HIP of alumina powder. des variables d’état du produit. On agit sur les variables opératoires quand apparaît une erreur de poursuite, c’est-à-dire un écart entre les trajectoires mesurées et les trajectoires de référence des différentes variables d’état du produit. La conduite avancée la plus facile à mettre en œuvre est la commande par rétroaction (« feedback control »), avec comme objectif d’annuler l’erreur de poursuite avant la fin du cycle opératoire. Cependant, une telle commande, pour des raisons qui seront expliquées en détail au paragraphe « Principe de la commande anticipatrice multivariable », ne permet généralement pas de réduire une erreur de poursuite résultant d’une variation des paramètres gouvernant la cinétique des processus de transformation. Pour mettre en œuvre une conduite avancée dans de telles situations, il sera nécessaire de réidentifier le modèle du procédé à partir des mesures en ligne (obtenues pendant une phase initiale où le processus est conduit de manière classique), puis d’utiliser le modèle ainsi réajusté pour déterminer une correction appropriée des variables opératoires. Ces deux étapes successives correspondent donc respectivement à un problème d’identification et à un problème de commande. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 HIP enables to elaborate metal or ceramic components out of powder canisters filled under vacuum, which are then submitted under isostatic pressure to conditions of high temperature and pressure, in order to obtain a final product of a given shape and density close to or equal with the theoretical density of compact solid, and to controlled microstructure (grain size). The densification of alumina powder during HIP involves grain growth, which can be detrimental to the mechanical properties of the final product. Thus, two product state variables, density and grain size, characterize the product state during densification. The two manipulated inputs are the temperature and pressure applied to the canister. This defines a multivariable system with two inputs and two outputs. Two different batches of alumina powder can result in very different densification and grain growth dynamics. Also, a model made of two coupled non linear differential equations, is available for this system ; while simple, it allows very accurate prediction of the system’s behaviour. This multivariable HIP model, while relatively simple, is highly non-linear, and features an important dissymmetry in the respective influences of the two manipulated inputs and a discontinuity in the densification equations. It is therefore representative of several difficulties which can be encountered with more complex processes. Nevertheless, the feedforward control method is able to coordinate in a coherent fashion the actions of the two manipulated inputs in order to compensate the effect of a significant variation of the powder’s properties. Also, due to a low-pass filter imbedded into the control algorithm, the resulting trajectories of the manipulated inputs feature neither hectic variations nor oscillations. L’identification d’un modèle paramétrique de système dynamique à partir de données d’entrée-sortie est un problème difficile, pour lequel il n’existe pas de solution générale, mais toute une gamme de techniques ayant chacune leurs indications et contre-indications spécifiques. Une présentation argumentée de ces techniques dans le cadre très général des modèles de procédés « batch » déborderait nécessairement du cadre de cette introduction (nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de synthèse de E. Walter et L. Pronzato (18)). Pour l’application présentée ici, l’identification des paramètres du modèle a été réalisée en minimisant l’écart (au sens des moindres carrés) entre les trajectoires expérimentale et simulée de la variable d’état du produit pour laquelle on disposait de mesures en ligne ; cette méthode simple s’est révélée dans ce cas particulier parfaitement efficace. Une fois le modèle réidentifié, il reste à déterminer une nouvelle trajectoire des variables opératoires qui permettra de réduire à zéro l’erreur de poursuite à la fin du cycle opératoire. Il s’agit là d’un problème standard d’automatique non linéaire, qui peut être traité dans le cadre de la théorie de la commande optimale (voir par exemple (5)). Malheureusement, la résolution effective de tels problèmes d’optimisa1083 compactage isostatique tion, même dans des cas simples, requiert des algorithmes itératifs extrêmement gourmands en temps de calcul, ce qui peut rendre leur utilisation problématique dans un contexte « temps réel ». En outre, dans le cas des procédés multivariables, la complexité de la tâche augmente à vitesse combinatoire avec le nombre de variables opératoires et de variables d’état du produit (sur l’application de méthodes de commande optimale à la conduite de procédés « batch », voir par exemple (9, 16)). Il est cependant parfois possible de réduire considérablement la complexité du problème d’optimisation en se restreignant à une forme particulière des trajectoires des variables opératoires, comme des paliers ou des rampes. Ce type d’optimisation avec contraintes sur la forme de la trajectoire de commande a été étudiée et mise en œuvre dans le cadre du compactage isostatique à chaud (CIC) d’une poudre métallique (Astroloy) (13-15). Ce procédé comporte une seule variable opératoire, la température, et une seule variable d’état du produit, la densité relative de la poudre. En outre, on peut simplifier sans inconvénient la replanification en se limitant à la recherche d’un nouveau palier de température. Le problème d’optimisation correspondant se réduit alors à la minimisation d’une fonction d’une seule variable, et peut être résolu en utilisant une procédure itérative classique de recherche du minimum d’une fonction non linéaire, pour un coût en temps de calcul compatible avec les contraintes du temps réel. Toutefois, cette approche n’est pas transposable au cas général d’un procédé multivariable, pour lequel on ne saurait pas imposer, a priori, une forme particulière adéquate des trajectoires des variables opératoires. Une technique alternative, applicable au contraire à une large classe de procédés multivariables, consiste à faire tendre vers zéro l’erreur de poursuite en utilisant une commande dite anticipatrice (« feedforward control ») obtenue à partir d’une approximation linéaire variable dans le temps de la dynamique du système. Cette procédure, proposée dans (12) et appliquée également à la conduite du CIC de l’Astroloy, repose sur des techniques d’automatique linéaire, beaucoup plus simples que les techniques d’optimisation non linéaire à la fois du point de vue mathématique et pour ce qui est de leur mise en œuvre pratique. L’objectif de cet article est de montrer comment cette procédure peut être facilement utilisée pour la conduite de procédés discontinus multivariables, notamment dans le domaine de l’élaboration des matériaux où des variations des caractéristiques du produit de départ induisent des variations importantes des cinétiques de transformation. Pour ce faire, nous l’avons appliquée, en simulation, à la conduite d’une opération de CIC d’un matériau céramique, en l’occurrence une poudre d’alumine. Le CIC permet d’élaborer des pièces métalliques ou céramiques à partir de poudres. Le procédé consiste à soumettre une capsule remplie sous vide de poudre à un traitement thermique à haute température, sous pression isostatique, de manière à obtenir un matériau de forme donnée, de densité proche de ou égale à la densité théorique du matériau compact et de microstructure contrôlée (taille de grains). La densification d’une poudre d’alumine micronique au cours d’un cycle de CIC s’accompagne d’une croissance granulaire qui 1084 peut être préjudiciable pour les caractéristiques mécaniques du produit final. Deux variables d’état du produit, la densité et la taille de grains, caractérisent donc l’état du produit en cours de densification. Les deux variables opératoires sont la température et la pression appliquées à l’intérieur du réacteur. On est ainsi en présence d’un système multivariable à deux entrées et deux sorties. Par ailleurs, d’un lot de poudre à l’autre, la cinétique de densification et de croissance des grains peut varier considérablement. Elle dépend notamment de la présence d’impuretés ségrégeant à la surface des particules ou des joints de grains. Inversement, on ajoute des additifs en très faible quantité pour modifier ces cinétiques. Enfin, on dispose pour ce procédé d’un modèle relativement simple, car constitué de deux équations différentielles non linéaires couplées, mais néanmoins d’une grande efficacité prédictive. Ce modèle et sa validation expérimentale seront décrits en détails au paragraphe « Identification des modèles de densification …… du CIC de l’alumine ». ■ PRINCIPE DE LA COMMANDE ANTICIPATRICE MULTIVARIABLE Nous présentons dans ce paragraphe le principe de la commande anticipatrice multivariable, en utilisant comme exemple le CIC de l’alumine. (Nous renvoyons le lecteur à (12) pour le traitement détaillé des cas plus généraux.) Le problème de commande Dans le cas du CIC, les deux variables d’état du produit sont la densité relative D et le rayon moyen des grains R, et les deux variables opératoires la température T et la pression P appliquées à l’intérieur du réacteur. Considéré comme un système dynamique multivariable, ce procédé aura donc comme entrée de commande le vecteur : [1] et comme sortie à commander le vecteur : [2] Le modèle du CIC de l’alumine, qui sera décrit et justifié en détails dans le paragraphe « Identification des modèles de densification …. du CIC de l’alumine » du présent article, est constitué de deux équations différentielles non linéaires donnant les vitesses d’évolution de D et de R, et peut donc être mis sous la forme : [3] Les fonctions ƒ1 et ƒ2 définissent entre les variables opératoires P,T et les vitesse d’évolution des variables d’état du produit D,R, des relations dépendant des mécanismes mis en jeu au cours du compactage, et dans lesquelles figurent des grandeurs (paramètres) caractéristiques de la poudre utilisée, comme par exemple les énergies d’activation des processus mis en jeu. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 compactage isostatique On désignera par ƒr la fonction ƒ correspondant aux caractéristiques d’un lot antérieur du produit, et par ƒi celle obtenue par identification pour le lot de produit à transformer. Comme cela a été indiqué plus haut, l’identification avec une précision suffisante des paramètres caractéristiques de ƒi est un préalable absolument primordial pour la mise en œuvre de la conduite avancée proposée ici. On désigne par ur le cycle opératoire nominal, constitué par un cycle de pression et un cycle de température spécifiés pour un temps de traitement 0 ≤ t ≤ tF : [4] l’équation qui gouverne l’évolution de l’erreur de poursuite. Plus précisément, d’après la définition de d et [8], on a : [10] ~ ~ À condition que les écarts y et u restent suffisamment petits tout au long du cycle opératoire, on peut remplacer cette équation par l’approximation linéaire : [11] où ∂ƒi/∂u et ∂ƒi/∂y ont les matrices jacobiennes qui mesurent la sensibilité des cinétiques d’évolution des variables d’état du produit à des incréments soit des variables opératoires, soit des variables d’état elles-mêmes : En appliquant ce cycle opératoire au modèle de référence, et pour les conditions initiales D r (0) = D (0) et R r (0) = R (0) supposées connues, on obtient une trajectoire de référence yr, solution à chaque instant du cycle de l’équation : [5] Dans le cas où l’évolution du système n’est pas gouvernée par le modèle de référence, autrement dit où ƒi ≠ ƒr, l’application du cycle opératoire nominal se traduit par l’apparition d’une erreur de poursuite, c’est-à-dire un écart entre y et y r. Le problème de commande consiste alors à déterminer une correction à apporter au cycle opératoire nominal qui ramènera l’erreur de poursuite à zéro avant la fin du traitement. Afin de formaliser plus commodément ce problème, on note ~ ~ respectivement y et u l’erreur de poursuite et la correction à apporter au cycle opératoire nominal, soit : [12] [13] C’est l’équation [11] qui va être maintenant utilisée pour ~ construire une commande u permettant de ramener l’erreur ~ de poursuite y vers zéro. Commande par rétroaction La technique de commande avancée la plus simple consiste en un retour d’état linéaire de la forme : [14] où K est une matrice de gains de rétroaction. En reportant ~ ~ le retour d’état u = - Ky dans [11], on obtient alors : [15] [6] [7] Avec ces notations, l’équation d’évolution de l’erreur de poursuite devient : [8] Introduisons maintenant un nouveau vecteur, noté d, qui représente la différence entre les vitesses d’évolution de y prédites par les fonctions ƒi et ƒr, évaluées toutes les deux le long de la trajectoire de référence : [9] Puisque ur et yr ont connus à l’avance, le vecteur de vitesses ƒi (ur, y r), et donc d, peuvent être calculés dès que les paramètres de la fonction ƒi ont été identifiés. Bien que d n’ait pas de sens physique directement évident, on peut traiter cette variable comme une perturbation (connue) agissant sur La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 Une conséquence immédiate de cette équation est que ~ l’erreur de poursuite y ne peut converger vers zéro qu’à condition que d soit nul. Cela signifie, a contrario, qu’une ~ commande par retour d’état ne réussira pas à faire tendre y vers zéro quand d est non nul, c’est-à-dire quand le modèle de référence ƒr le modèle identifié ƒi correspondent à des cinétiques différentes. On peut évidemment objecter qu’il sera alors toujours possible sinon d’annuler l’erreur de poursuite, du moins de la rendre arbitrairement petite en choisissant un gain de rétroaction K suffisamment grand. Cependant, une commande à grand gain risque fort d’entraîner une sensibilité inacceptable de la commande aux bruits de mesure et aux dynamiques négligées par la modélisation. Commande anticipatrice Une commande par rétroaction étant inadéquate quand d ≠ 0, c’est-à-dire quand ƒi ≠ ƒr, une manière simple de ~ ramener y à zéro est alors d’appliquer la commande : [16] 1085 compactage isostatique ~ En insérant cette valeur de u dans [11], on obtient une équation d’évolution de l’erreur de poursuite indépendante de d, en l’occurrence : [17] La question est évidemment de savoir à quelles conditions cette commande permettra de ramener l’erreur de poursuite à zéro avant la fin du cycle opératoire. L’équation différentielle autonome [17] définit un système linéaire variable dans ~ le temps, qui admet comme solution particulière y = 0. La solution générale de cette équation (6) s’écrit : [18] où la matrice de transition ϕ est définie (6) comme la solution unique de l’équation différentielle matricielle : [19] L’objectif de commande sera atteint à condition que la matrice de transition ϕ tende vers zéro. On dit alors que ~ y = 0 est une solution stable de [17]. Si l’on veut obtenir une garantie mathématique de bon fonctionnement de la com~ mande anticipatrice, il faudra donc vérifier que y = 0 est une solution stable de [17] en calculant ϕ soit analytiquement, soit par intégration numérique. On peut toutefois affirmer que cette propriété de stabilité a de fortes chances d’être vérifiée dans le cas où la trajectoire de référence yr est une solution stable de l’équation [5], ce qui est une condition sine qua non pour pouvoir utiliser une conduite classique. En effet, dans ce cas, la matrice de transition ϕr, solution de : [20] augmente de manière combinatoire avec le nombre de variables opératoires disponibles, et qui constitue la principale difficulté intrinsèque des procédés multivariables. Cette solution a cependant l’inconvénient de reposer sur une approximation linéaire locale qui peut très bien se révéler ~ ~ trop grossière si y , u et d sont grands. En pratique, cela signifie que cette procédure de conduite avancée ne pourra être appliquée que dans le cas où l’écart entre les cinétiques correspondant à ƒr et à ƒi n’est pas trop important, de sorte qu’on puisse ramener le procédé sur la trajectoire de référence sans modifier de façon qualitative le cycle opératoire. Commande anticipatrice avec filtre de robustesse La commande anticipatrice définie par [16] provoquera à l’instant où elle sera appliquée une variation brutale, et qui peut être importante, de l’entrée u. En outre, elle sera fortement sensible aux inévitables erreurs de calcul qu’impliquent l’évaluation et l’inversion de la matrice jacobienne ∂ƒi/∂u, notamment au passage de points où ƒi n’est pas différentiable. Une manière simple de palier ces inconvénients est de ~ contraindre les différentes coordonnées de u à se comporter comme les sorties de filtres de type passe-bas. Ceci aura pour effet, en moyennant les erreurs et les accidents de calcul, de faire suivre aux variables opératoires des trajectoires « lissées », et d’éviter ainsi d’importunes sollicitations hautes fréquences des actionneurs du procédé. On utilisera ici les filtres passe-bas les plus simples, à savoir des filtres linéaires du premier ordre de gain statique unitaire et de constante de temps τ > 0. Ceci revient à prendre comme entrée de commande un nouveau vecteur e, dont ~ les coordonnées gouverneront celles de u à travers les équations : converge vers zéro. Il est alors raisonnable de supposer que les matrices de transition ϕ et ϕr ont un comportement semblable quand les modèles ƒi et ƒr correspondent à des cinétiques qualitativement similaires3. [21] [22] L’équation [16] définit une commande dite anticipatrice, en anglais « feedforward control » (par opposition au « feedback control », la commande par rétroaction). Comme il a été indiqué plus haut, la matrice jacobienne ∂ƒi/∂u(ur, yr) qui apparaît dans cette expression mesure la sensibilité de la cinétique d’évolution des variables d’état du produit à des incréments positifs ou négatifs des variables opératoires. La commande anticipatrice utilise cette information pour coordonner le plus efficacement possible l’action des différentes variables opératoires. L’introduction de ces filtres aura en règle générale pour autre conséquence de ralentir la convergence de l’erreur de pour~ suite y vers zéro, et ce d’autant plus que la constante de temps τ sera grande. L’intérêt de cette méthode est qu’elle fournit une solution très simple de ce problème de coordination, dont la complexité [23] 3 Dans le cas où la matrice de transition ϕ ne convergerait pas suffisamment vite vers zéro, on peut accélérer la convergence de l’erreur de poursuite vers zéro en ajoutant à la commande anticipatrice un terme de rétroaction convenablement choisi (12). 1086 Le problème de commande anticipatrice se trouve maintenant transformé : il s’agit de déterminer non plus directe~ ment u , mais le vecteur e des entrées des filtres passe-bas ~ de manière à faire tendre l’erreur de poursuite y vers zéro. Cette commande s’avère être de la forme : où G est une matrice de gain variable dans le temps qui est obtenue en résolvant un système explicite d’équations différentielles matricielles dépendant de d et de la matrice de sensibilité ∂ƒi/∂u(ur, yr) (voir l’Annexe pour le détail des calculs). La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 compactage isostatique Contrairement à une commande par rétroaction du type [14], la commande anticipatrice ne dépend pas de la sortie mesurée y. Comme le cycle opératoire nominal ur et la trajectoire de référence yr sont connues à l’avance, les valeurs ~ futures de u peuvent être calculées dès que le modèle ƒi a été identifié. La modification du cycle opératoire correspondant à l’action anticipatrice peut par conséquent être calculée à l’avance puis stockée telle quelle dans le calculateur du procédé. On peut donc appliquer ce type de commande en utilisant le même interface de commande et de mesure du procédé que celui nécessaire à la conduite classique, ce qui constitue un avantage pratique appréciable dans certaines applications. En outre, à la différence d’un certain nombre d’algorithmes de commande non linéaire, cette procédure ne requiert aucune manipulation algébrique de ƒi et ƒr. En pratique, il suffit de disposer de la trajectoire du couple (ur, yr) et d’un code informatique qui permette d’évaluer ƒi(u, y) pour différentes valeurs de u et y. Tous les calculs nécessaires peuvent être facilement programmés et réalisés en temps réel en utilisant des logiciels de calcul standard. Les simulations présentées dans cet article ont ainsi été réalisées avec Matlab/Simulink. Comme il a été indiqué plus haut, la procédure de conduite anticipatrice décrite ici ne peut être appliquée qu’à partir du moment où le modèle du procédé a été correctement réidentifié. En pratique, on doit donc continuer à appliquer le cycle opératoire nominal jusqu’au moment où l’on aura récolté une quantité suffisante de mesures. Il est clair qu’une telle procédure implique de négocier un compromis qui peut être difficile : plus la commande anticipatrice sera appliquée tôt, moins les variables d’état du produit se seront écartées de la trajectoire de référence, et plus on aura de chances d’obtenir un produit final satisfaisant ; d’un autre côté, ménager un trop court délai pour l’identification risque de se traduire par des paramètres mal estimés, et donc une conduite anticipatrice défectueuse. ■ IDENTIFICATION DES MODÈLES DE DENSIFICATION ET DE CROISSANCE GRANULAIRE DU CIC DE L’ALUMINE Une étude exhaustive du CIC de l’alumine a été réalisée par C. Rizkallah, en utilisant l’installation du Laboratoire des propriétés mécaniques et thermodynamiques des matériaux (LPMTM) à Villetaneuse (14, 15). Celle-ci est équipée d’un capteur dilatométrique qui fournit une mesure en ligne de la variation d’une dimension (hauteur) de la capsule. L’isotropie de la contraction des capsules a été vérifiée expérimentalement. Connaissant la densité initiale préalablement mesurée de la capsule, on peut donc déduire de cette mesure la variation de la densité au cours du compactage. L’analyse détaillée de la procédure de traitement de l’information du capteur est présentée dans (15). On ne dispose par contre d’aucune mesure en ligne de la taille des particules élémentaires, caractérisée par leur rayon R. Un cycle de CIC, tel que celui utilisé dans cette étude, comporte cinq étapes (fig. 1) : 1) le remplissage d’une capsule, avec un premier tassement par compression axiale, puis fermeture de la capsule sous vide ; 2) une compression isostatique à froid ;` 3) une rampe de montée en température et pression ; 4) un palier de température et de pression ; 5) une rampe de retour à froid et à la pression atmosphérique. Figure 1 – Cycle opératoire typique de CIC. Figure 1 – Typical HIP operating cycle. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 1087 compactage isostatique La poudre d’alumine utilisée, fournie gracieusement par la société Baïkowski Chimie, est constituée de phase α. Elle est fine et peu agglomérée : selon la distribution granulométrique déterminée par le fournisseur, le rayon moyen des agglomérats est de l’ordre de 0,58 µm, le rayon d’une particule élémentaire, déduit de la surface spécifique du lot de poudre (BET), est quant à lui égal à 0,215 µm ((14), page 108). du joint de grain δ par le coefficient de diffusion aux joints de grains Djg. Le coefficient δDjg est donné par la loi d’Arrhénius : La densité relative Di atteinte après remplissage, pour nos capsules, est de l’ordre de 0,55. La densité Dcf atteinte après la compression à froid, à des pressions de l’ordre de 90 MPa, est de 0,6. Dans cette deuxième étape, la densification se produit par destruction des agglomérats et réarrangement par glissement des particules les unes sur les autres. Au cours de l’étape suivante, la rampe de température et de pression, la densification se poursuit par le même processus jusqu’à T = 850°C, par suite de l’augmentation de pression correspondante (de 140 à 200 bars suivant les essais), pour atteindre une densité de l’ordre de 0,65. Au-delà de 850°C, la densification se poursuit par un des processus classiques décrits plus loin. La distinction nette de deux étapes de densification avec des équations différentes est une commodité pour la modélisation, et la valeur de densité de transition, 0,92, est relativement arbitraire. Dans la réalité, le passage entre la porosité ouverte (stade 1) et la porosité fermée (stade 2) est progressif. Certains auteurs ont d’ailleurs proposé une formule pour décrire une transition douce entre les deux équations (1, 3). Toutefois, nous avons constaté dans toutes nos simulations que les vitesses de densification prédites par ces deux expressions étaient quasi identiques au voisinage de la densité de transition 0,92 ((14), p. 126-127). En conséquence de quoi, il nous est apparu inutile de compliquer le modèle en ménageant une transition douce entre les deux stades, d’autant plus que, comme il a été indiqué plus haut, une des caractéristiques spécifiques de l’algorithme de commande anticipatrice proposé dans cet article est précisément une bonne tolérance de telles transitions. De nombreuses études (4, 7, 11, 17) ont été effectuées sur le CIC de l’alumine. Les résultats relatifs à la cinétique de densification sont interprétés à l’aide de modèles faisant appel à différents processus de densification : fluage, fluage contrôlé par réaction d’interface, diffusion aux joints de grains. Les cartes de densification de Artz, Ashby et Easterling (1) et Helle, Ashby (2), Ashby et Easterling (10), pour une poudre d’alumine de haute pureté (> 99,5 %) et de rayon moyen de particule R = 1,25 µm indiquent le domaine de température et de pression dans lequel la diffusion aux joints de grains et le fluage sont prépondérants. Uematsu et al (17) ont quant à eux étudié la densification par CIC de quatre poudres d’alumine de tailles de particule différentes (de R = 0,25 µm pour une poudre présentant des agglomérats jusqu’à R = 2,14 µm pour une poudre sans agglomérats) dans des intervalles de température et de pression allant de T = 1 100°C à T = 1 400°C et de P = 5 MPa à P = 200 MPa. Ils ont montré que la diffusion aux joints de grains était le processus prépondérant dans ce domaine de température et de pression. Modèle de densification et de croissance granulaire Le modèle de densification proposé par Ashby et al., où la diffusion aux joints de grains est le processus prédominant pendant le palier, combine deux expressions distinctes pour D < 0,92 (stade 1) et D > 0,92 (stade 2) : [26] où Qjg est une énergie d’activation de la diffusion et δDojg un facteur pré-exponentiel. On remarque que la cinétique de densification par diffusion dépend fortement de la taille de grain R. Il est donc nécessaire de tenir compte de la croissance granulaire si l’on veut prédire correctement la variation de la densité. Ce phénomène de grossissement de grain se manifeste à partir d’une densité relative d’environ D = 0,8 et devient important durant le stade 2 (2). Différents modèles de croissance granulaire ont été proposés dans la littérature. Ce phénomène très complexe est influencé par plusieurs facteurs, dont la température, la pression, la porosité et les impuretés qui altèrent la mobilité des joints de grains. Nous avons établi un modèle simple qui prend en compte uniquement le phénomène d’ancrage des joints de grain par les pores, en admettant que ceux-ci ont une distribution volumique uniforme. Celle formule a été validée expérimentalement, les tailles des grains étant déterminées par microscopie électronique à balayage ((14), pages 116-118). On obtient alors : [27] Dans cette expression, Γjg est l’énergie du joint de grains et Mjg sa mobilité, donnée par : [24] [25] Dans ces expressions, Ω est le volume molaire du matériau (soit pour l’alumine Ω = 1,42.10-29 m3/atome), k la constante des gaz parfaits et δDjg le produit de l’épaisseur 1088 [28] où Mojg est un facteur pré-exponentiel et Q*jg une énergie d’activation de la mobilité des joints de grain. En combinant les équations [24] à [28], on obtient bien un • modèle de la forme y = ƒ(u, y), avec : La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 compactage isostatique TABLEAU I – Densités mesurées lors des deux essais utilisés pour l’identification. TABLE I – Densities measured during the two tests used to calibrate the model. [29] [30] Pression de palier (MPa) 1000 1100 Température de palier (°C) 210 160 Temps de palier (min) 840 360 0,689 0,568 Densité initiale [31] Identification des paramètres gouvernant les cinétiques Pour l’identification, quatre paramètres doivent être déterminés : Qjg, Q*jg, δDojg et ΓjgMojg. Sachant que l’énergie d’activation de croissance des grains Q*jg est du même ordre que celle de la diffusion aux joints de grain (8, 19), on prend Q*jg = Qig. On peut réduire encore le nombre de coefficients à identifier en utilisant la valeur de Qjg déterminée dans (17), soit Qjg = 390 kJ/mole – valeur comparable à celle utilisée par Ashby, à savoir Qig = 419 kJ/mole. Restent alors à déterminer les deux coefficients pré-exponentiels δDojg et ΓjgMojg, qui dépendent de la nature de la poudre et des impuretés présentes (4). Afin de formaliser plus commodément ce problème, on désigne par θ le vecteur des paramètres à identifier, soit : [32] L’identification de ces paramètres a été réalisée à partir de deux courbes expérimentales de densification correspondant à deux paliers de température et de pression, soit T = Densité au palier (dilatomètre) 0,872 0,77 Densité finale (dilatomètre) 0,9335 0,973 Densité finale (Archimède) 0,93 0,977 1 000°C - P = 210 MPa et T = 1 100°C - P = 160 MPa. On dispose des mesures en ligne, et donc des courbes d’évolution, de la densité D (obtenues par dilatométrie) tout au long de ces deux paliers, ainsi que des mesures de la densité finale par pesée d’Archimède (tabl. I). Par contre, comme indiqué précédemment, on ne dispose pas de mesures en continu de la variation de la taille des grains. L’identification du paramètre caractéristique ΓjgMojg de la cinétique de densification est néanmoins possible, car la vitesse de densification dépend fortement de la taille de grains, et donc de ce paramètre. La détermination de θ a été réalisée en minimisant l’écart, au sens des moindres carrés, entre les deux courbes de densification expérimentales et les courbes obtenues par intégration numérique des équations différentielles du modèle, en prenant comme condition initiale la densité atteinte en début de palier. Comme la taille de grains au début du palier n’est pas connue, on choisit, pour l’identification, de ne faire démarrer le mécanisme de croissance granulaire qu’à partir de D = 0,83. L’écart quadratique à ex ex minimiser, en notant D 1 et D 2 les deux courbes expérimen- Figure 2 – Courbes de densification expérimentale (trait plein) et du modèle identifié (trait pointillé) pour un palier à P = 160 MPa et T = 1 100°C. Figure 2 – Experimental densification trajectory (solid line) and densification trajectory generated by the identified model (dashed line) for a plateau at P = 160 MPa and T = 1 100°C. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 1089 compactage isostatique tales, D1θ et D2θ les courbes simulées correspondant à une valeur donnée de θ, est alors : [33] où les ti,k sont les instants de mesure disponibles pour l’essai i. En utilisant un algorithme itératif de minimisation d’une fonction multivariable (en l’occurrence la fonction standard fmins de Matlab), on détermine la valeur des paramètres qui minimise J. On obtient ainsi comme valeur optimale : [34] On constate que la valeur identifiée de δDojg est très proche de celle obtenue dans (17), à savoir δDojg = 3,3.10–11 m3/s. On ne dispose par contre d’aucun élément de référence pour ΓjgMojg. La figure 2 présente une des courbes expérimentales et la courbe de densification calculée par le modèle avec θ = θ*. L’accord entre le modèle et l’expérience s’avère tout à fait satisfaisant, compte tenu des incertitudes liées à la procédure de mesure dilatométrique. En ce qui concerne le modèle de grossissement de grains, la taille de grain prédite par le modèle a été comparée aux tailles de grain mesurées par examen au microscope4 de la microstructure de l’échantillon à la fin de plusieurs essais correspondants à différents paliers de température et de pression. Les résultats sont présentés dans le tableau II, et montrent un accord satisfaisant entre les données expérimentales et les prévisions. On verra plus loin que l’identification de θ peut être effectuée à partir des mesures en ligne effectuées pendant un seul essai. TABLEAU II – Tailles de grain mesurées et calculées par le modèle estimé lors des deux essais utlisés pour l’identification. TABLE II – Calculated and measured grain sizes in the case of the two tests used to calibrate the model. Pression de palier (MPa) 1 000 1 100 Température de palier (°C) 210 160 Rayon final calculé (µm) 0,25 0,43 Rayon final mesuré (µm) 0,29 0,42 ■ CONDUITE AVANCÉE DU CIC DE L’ALUMINE La procédure de conduite avancée décrite au paragraphe « Principe de la commande anticipatrice multivariable » de cet article a été mise en œuvre et validée sur une installation de CIC, équipée d’un dispositif de mesure en ligne de la 4 et plus précisément par comptage des joints de grains sur une grille le long de lignes parallèles. 1090 densité, et sur une poudre d’Astroloy. Dans cette application, après avoir procédé à l’identification en ligne du paramètre δDoig du modèle de densification, on utilisait une seule variable opératoire, la température, pour obtenir une densification complète en fin de cycle. En effet, dans le cas de l’Astroloy, le processus dominant de densification est le fluage, qui ne dépend pas de la taille de grains. De plus, la taille de grains n’est pas une grandeur que l’on cherche à contrôler pour ce matériau. Dans le cas du compactage de l’alumine, comme on l’a vu plus haut, la taille de grains influence fortement la densification. De plus, on cherche à contrôler (en l’occurrence à minimiser) la croissance granulaire de façon à garantir les caractéristiques mécaniques du produit densifié. Le contrôle simultané des deux variables d’état du produit que sont la densité D et la taille de grains R nécessite une conduite en température et en pression. Comme l’installation de CIC dont nous disposons ne permet, en l’état actuel, qu’une conduite en température, il n’a pas été possible de mettre en œuvre réellement la procédure de conduite avancée. Seules des simulations ont été effectuées et sont présentées ci-dessous. Du point de vue de la conduite avancée, une caractéristique très importante du modèle décrit au paragraphe précédent est que les mêmes paramètres, à savoir les coefficients préexponentiels δDojg et ΓjgMojg, gouvernent la cinétique du procédé au cours des deux stades D ≥ 0,92, alors même que les lois de densification correspondantes diffèrent. Ceci a comme conséquence que les valeurs des paramètres identifiées au début du palier, donc pendant le stade 1, pourront être utilisées pour prédire l’évolution de la densité et de la taille de grains pendant le stade 2. D’autre part, le modèle indique que les influences des deux variables opératoires, la pression et la température, sont très différentes. L’effet de la pression est qualitativement simple : une augmentation de P accroît la vitesse de densification, mais n’accélère pas la croissance granulaire. Une augmentation de T se traduit initialement par une accélération à la fois de la densification et de la croissance granulaire, mais ce grossissement accéléré des grains va ensuite ralentir la densification. Enfin, on constate que la sensibilité de la cinétique de densification aux variations de température est beaucoup plus importante que sa sensibilité à des variations de pression. En pratique, cela signifie que la pression constitue une variable de commande beaucoup plus simple à mettre en œuvre que la température, parce que son effet est plus facile à prévoir ; d’un autre côté, la température a une action beaucoup plus prononcée, mais également beaucoup plus délicate à doser en raison de ses effets contradictoires sur la densification et la croissance granulaire. Le modèle du CIC, avec les valeurs des paramètres validés expérimentalement et décrits au paragraphe précédent, est tout d’abord utilisé comme modèle de référence afin de déterminer un cycle opératoire nominal adapté. Pour ce faire, on prend donc pour ƒr l’expression de ƒ correspondant à θr = θ*, soit δDojg = 2,64.10-11 m3/s et ΓjgMojg = 7.10-3 m2/s, La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 compactage isostatique Figure 3 – Cycle opératoire nominal. Figure 3 – Nominal operating cycle. Figure 4 – Trajectoires de référence D r et R r pour le cycle opératoire nominal). Figure 4 – Reference trajectories D r et R r (nominal operating cycle). et comme conditions initiales D(0) = 0,65 et R(0) = 0,215 µm. Le cycle opératoire recherché doit permettre d’obtenir une densité finale proche de l’unité, sans pour autant conduire à un grossissement exagéré du grain. Le cycle opératoire nominal sélectionné est représenté sur la figure 3. D’une durée totale de 600 min, il est constitué d’une rampe de 140 min suivie d’un palier à Pr = Pp = 260 MPa et Tr = Tp = 1 100°C. En appliquant ce cycle nominal au modèle de référence, on obtient les trajectoires de référence D r et R r représentées sur la figure 4, avec pour valeurs finales D r (600) = 0,997 et Rr (600) = 0,762 µm. La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 Comme on l’a vu, une variation des caractéristiques de la poudre d’alumine, imputable essentiellement à des conditions d’élaboration différentes d’un lot à l’autre, se traduit par une variation des paramètres δDojg et ΓjgMojg, et donc de la fonction ƒ. On va considérer ici le cas particulier d’une valeur plus faible des coefficients pré-exponentiels δDojg et ΓjgMojg. Ceci constitue une situation physiquement réaliste dans la mesure où des mécanismes similaires de diffusion aux joints de grains contrôlent densification et grossissement. On prend comme modèle identifié : [35] 1091 compactage isostatique Figure 5 – Trajectoires obtenues en appliquant le cycle opératoire nominal quand δDojg = 1,2.10-11 m3/s and Mojg = 0,35.10-2 m2/s (trait pointillé = trajectoires de référence). Figure 5 – Trajectories obtained by applying the nominal operating cycle when δDojg = 1.2 x 10-11 m3/s and Mojg = 0.35 x 10-2 m2/s. La figure 5 présente les résultats qui seraient obtenus si l’on appliquait la totalité du cycle opératoire de référence à ce modèle. On constate que la densité finale obtenue dans ce cas ne serait plus que de D(600) = 0,98, le grossissement étant nettement moins important que pour le modèle de référence, avec R(600) = 0,543 µm. Comme cela a été indiqué plus haut, il est impérativement nécessaire d’avoir réidentifié en ligne les paramètres du modèle avant de pouvoir appliquer l’algorithme de commande anticipatrice décrit au paragraphe « Principe de la commande anticipatrice multivariable ». Dans l’exemple considéré ici, la réidentification des paramètres δDojg et ΓjgMojg eut être réalisée en utilisant la technique de minimi- sation de l’écart quadratique entre trajectoire mesurée et trajectoire calculée décrite au paragraphe « Identification des modèles de densification ... du CIC de l’alumine ». Plus précisément, on retrouve exactement arg min J (θ) = θi en appliquant cette procédure d’identification à la portion de trajectoire de densification de la figure 5 correspondant à l’intervalle de temps 0 ≤ t ≤ 300 min. Le temps de calcul nécessaire étant de l’ordre de quelques minutes sur un ordinateur de type PC, cette procédure d’identification pourrait être mise en œuvre sans aucune difficulté au cours d’une opération de CIC réelle. La commande anticipatrice correspondant au modèle de référence θr = θ* et au modèle identifié θi a été calculée à partir Figure 6 – Schéma-bloc Simulink pour le calcul de la commande anticipatrice. Figure 6 – Simulink block-diagram of the feedforward control. 1092 La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 compactage isostatique Figure 7 – Commande anticipatrice. Figure 7 – Feedforward control. Figure 8 – Action de la commande anticipatrice (trait pointillé = trajectoires de référence). Figure 8 – Effect of the feedforward control (dashed lines = reference trajectories). des formules du paragraphe « Principe de la commande anticipatrice multivariable » et de l’annexe. Le calcul a été effectué avec le logiciel Matlab/Simulink en utilisant le schéma-bloc de la figure 6 et les « S-fonctions » qui ne sont pas détaillées ici, mais que les auteurs* peuvent communiquer aux lecteurs intéressés. La figure 7 présente les cycles de pression et de tem* Adresse e-mail : raynaud@l2ti.univ-paris13.fr La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 pérature calculés par ce programme en faisant démarrer la commande anticipatrice au temps t1 = 300 min, soit donc après une heure et quarante minutes de palier, et avec pour constante de temps du filtre passe-bas τ = 30 min. L’action de ce cycle corrigé est présentée sur la figure 8. On constate que la commande anticipatrice permet d’atteindre des valeurs finales des variables d’état du produit très proches des valeurs de référence, à savoir D (600) = 0,998 et R (600) = 0,8 µm. 1093 compactage isostatique ■ CONCLUSION En utilisant l’exemple du compactage isostatique à chaud de l’alumine, on a montré qu’une conduite avancée de type anticipatrice peut être utilisée pour compenser les effets de variation des caractéristiques du produit initial pour un procédé « batch » d’élaboration des matériaux multivariable. Le CIC de l’alumine constitue un exemple relativement simple de procédé d’élaboration multivariable, dans la mesure où il ne comporte que deux entrées de commande, la température et la pression, et deux sorties à commander, la densité relative et la taille de grains. D’un autre côté, ce modèle peut être considéré comme représentatif d’un certain nombre de difficultés que peuvent présenter des procédés plus complexes : il est fortement non linéaire, offre une très importante dissymétrie des influences respectives des deux variables opératoires, et comporte au beau milieu du domaine de variation des variables d’état du produit une discontinuité des équations de densification5. Une condition sine qua non pour utiliser une commande anticipatrice est de disposer d’un modèle du procédé dont les paramètres caractéristiques peuvent être réidentifiés en cours d’opération. Bien que le modèle du CIC de l’alumine soit fortement non linéaire, la technique de commande anticipatrice proposée, qui repose sur une succession de linéarisations locales, s’avère capable de coordonner de manière cohérente l’action des deux variables opératoires pour compenser les effets d’une variation significative des caractéristiques de la poudre. D’autre part, l’incorporation d’un filtre passe-bas dans l’algorithme de calcul de la commande permet d’obtenir des trajectoires de commande qui ne comportent ni variation brutale ni oscillation rapide. 5 Une autre particularité du modèle du CIC de l’alumine est qu’il est constitué de deux équations différentielles du premier ordre ; de ce fait, les sorties à commander coïncident avec les états internes du système, au sens de la théorie de la commande. Toutefois, il convient d’insister sur le fait que la méthode de commande anticipatrice utilisée ici peut être appliquée au cas général d’un modèle comportant plus d’états internes que de sorties, à la seule condition que le nombre de variables opératoires soit au moins égal au nombre de sorties à contrôler (12). (5) BORNE (P.), DAUPHIN-TANGUY (G.), RICHARD (J.P.), ROTELLA (F.), ZAMBETTAKIS (I.) – Commande et optimisation des processus. Éditions Technip, Paris, France (1990). (6) BROCKETT (R.W.) – Finite dimensional linear systems, Wiley and Sons, New York, USA (1970). (7) CANNON (R.M.), RHODES (W.H.), HEUER (A.H.) – Plastic deformation of finegrained alumina (Al2O3). I. interfacecontrolled diffusional creep. J. of the American Ceramic Society, 63, No. 1-2 (Jan.-Feb., 1980), p. 46-53. 8) COBLE (R.L.) – Sintering crystalline solids. II. Experimental test of diffusion models in powder compacts, J. of Applied Physics, 32, No. 5 (May 1961). 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Si ce point d’équilibre est stable, zc convergera vers zéro. D’après l’expression de cette dernière quantité [42], il résulte que l’erreur de pour~ suite y = Czc onverge elle aussi vers zéro, et ce quelle que soit la valeur initiale de y. [44] avec : [45] [46] En utilisant cette notation, la représentation d’état dans les nouvelles coordonnées devient : [47] [48] La Revue de Métallurgie-CIT/Science et Génie des Matériaux Décembre 2002 1095