En déplacement à l’étranger, le premier ministre haïtien, Ariel Henry, n’avait toujours pas pu, jeudi 7 mars au matin, rentrer dans son pays. Une escalade de violence de la part des gangs qui contrôlent la majeure partie de Port-au-Prince a provoqué, lundi, la fermeture de l’aéroport international. Les groupes armés disent vouloir renverser le premier ministre au pouvoir depuis l’assassinat, en 2021, du président Jovenel Moïse, et qui aurait dû quitter ses fonctions le 7 février. Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », dirigeant du G9, une des deux principales coalitions de gangs, a assuré, mardi, que si M. Henry ne démissionnait pas, le pays allait « tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide ». Mercredi, les Etats-Unis ont appelé le premier ministre à « accélérer la transition » vers une nouvelle « structure de gouvernance » et à organiser des élections « libres et équitables ».
Romain Le Cour Grandmaison, docteur en sciences politiques et chercheur au sein de l’organisation Global Initiative against Transnational Organized Crime, a quitté Port-au-Prince, dimanche 3 mars. Il revient sur les raisons de cette nouvelle crise.
Quelle est l’origine des violences auxquelles on assiste à Port-au-Prince depuis une semaine ?
Elles ne datent pas de la semaine dernière. L’année 2023 a été marquée par la violence des gangs. L’ONU a recensé plus de 4 789 personnes assassinées et 2 490 officiellement kidnappées, avec un taux d’homicides de 40,9 pour 100 000 habitants, plus du double de 2022. Plus récemment, en décembre, il y a eu le retour au pays de Guy Philippe [ancien chef paramilitaire, il avait participé à la chute de Jean-Bertrand Aristide en 2004 et a purgé une peine de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue]. En arrivant en Haïti, il a dit vouloir faire chuter le pouvoir en place et mener une « révolution pacifique ». Il a lancé une série de manifestations dans tout le pays, bénéficiant d’un certain soutien populaire, mais il n’a pas réussi à organiser de vraies mobilisations à Port-au-Prince, le 7 février. Cette immense tension est retombée, le premier ministre est resté. La vie a repris après cette grande inquiétude.
Que s’est-il passé pour que la situation devienne incontrôlable ?
Le 28 février, en quittant le sommet de la Communauté des Caraïbes, la Caricom, à laquelle il participait au Guyana, Ariel Henry a annoncé l’organisation d’élections pour août 2025. Cela a fait l’effet d’une bombe en Haïti. Le pays n’a pas connu d’élections depuis sept ans. Ariel Henry n’a pas été élu [il assure l’intérim depuis l’assassinat du président Moïse], et les oppositions politiques réclament depuis des années un conseil de transition et son départ préalable à toute négociation politique. Sans compter les gangs qui, selon les périodes, se font les porte-parole de cet appel à sa démission.
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