(Go: >> BACK << -|- >> HOME <<)

jump to the content
  •  

Cathédrale Notre-Dame de Tournai

Brève description

Edifiée dans la première moitié du XIIe siècle, la cathédrale de Tournai se distingue par une nef romane d'une ampleur exceptionnelle, par la grande richesse sculpturale de ses chapiteaux et par un transept chargé de cinq tours annonciatrices de l'art gothique. Reconstruit au XIIIe siècle, le chœur est de pur style gothique.

Cathédrale Notre-Dame de Tournai © Jean-Pol GRANDMONT Plus d'images ...

Justification d'inscription

Critère ii: La cathédrale Notre-Dame de Tournai témoigne d’un échange d’influences considérable entre l’architecture de l’Île de France, rhénane et normande pendant la courte période qui, au début du XIIe siècle, précède l’éclosion de l’architecture gothique.

Critère iv: Par ses dimensions, la cathédrale Notre-Dame de Tournai est un exemple éminent de ces grands édifices de l’école du nord de la Seine qui préfigurent le volume des cathédrales gothiques.

Description longue

La cathédrale Notre-Dame de Tournai témoigne de l'extraordinaire circulation de courants artistiques entre l'Île-de-France, la vallée du Rhin et la Normandie au cours de la courte période du début du XIIe  siècle qui précéda la floraison de l'architecture gothique. L'ancienneté de la construction sur quatre étages de sa nef et de son transept, et son extension successive témoignent de l'importance de ces influences, que confirment ultérieurement, dans le transept, l'intégration magistrale d'un triforium et l'agencement inhabituel des volumes. La construction du début du XIIe  siècle, dont la nef présente une structure en « viaduc » sur une élévation de quatre étages, est un cas unique pour cette période durant laquelle la hauteur des églises était limitée à trois étages.

Avec ses dimensions importantes, la cathédrale est l'un des exemples, remarquable, de grand édifice construit au nord de la Seine préfigurant les cathédrales gothiques. La nef et le transept représentent un témoignage unique, compte tenu de leur remarquable état de conservation dans une région qui a perdu presque toutes ses grandes basiliques de style roman, ou de style gothique antérieur à Chartres. Cela est particulièrement vrai pour le décor sculpté de la nef. Des témoignages archéologiques d'un intérêt exceptionnel permettent de replacer la cathédrale dans le cadre de son environnement urbain.

Au Ier  siècle av. J. C., Tournai était déjà un important centre administratif et militaire romain (Turnacum ) situé sur l'Escaut au carrefour de plusieurs routes importantes. Le christianisme s'y implanta à la fin du IIIe  siècle ou au début du IVe  siècle à l'initiative de saint Piat, mais son évêché ne fut créé qu'au Ve  siècle, probablement sous le règne de Childéric, roi des Francs.

La cathédrale a été construite dans la première moitié du XIIe  siècle, après qu'un incendie eut détruit le complexe épiscopal du milieu du IXe  siècle. La grande basilique du XIe  siècle, dont une partie subsiste, dut sa construction au succès croissant du culte marial, qui attira de nombreux pèlerins au lendemain de la peste de 1089. La cathédrale se trouve au cœur de la vieille ville, non loin de la rive gauche de l'Escaut. En termes architecturaux, c'est le produit de trois projets qu'il est facile de distinguer les uns des autres, comme en témoigne le contraste entre la nef romane et le chœur gothique lié au transept dans un style de transition qui prend la forme d'un groupe impressionnant de cinq clochers.

À l'extérieur, du côté ouest, le porche gothique abrite un double portail. La partie basse de la façade est décorée de sculptures remontant à différentes périodes (XIVe , XVIe et XVIIe  siècle), représentant des scènes de l'Ancien Testament, des épisodes de l'histoire de la ville et des figures de saints. Au-dessus, une série de baies est surmontée par une grande rosace néoromane, et l'ensemble est couronné par un fronton flanqué de deux tourelles circulaires décorées de deux rangées de colonnes. Le chœur, rebâti au XIIIe  siècle, est de pur style gothique.

La nef romane, à l'intérieur, est divisée en neuf travées sur une longueur de 48 m ; elle est flanquée de deux ailes latérales et se distingue par son élévation sur quatre étages, séparés les uns des autres par des motifs horizontaux continus. Deux salles romanes voûtées, probablement des chapelles, ont été ajoutées peu après la construction de la nef, l'une au nord, l'autre au sud, à l'extrémité des galeries occidentales, au-dessus des ailes latérales, contre les bras du transept. Le transept est entièrement voûté et ses deux extrémités s'achèvent chacune par une abside présentant un déambulatoire étroit, flanqué de deux tours. La croix rectangulaire est surmontée par une lanterne, dont deux étages sont visibles au-dessus d'un arc gothique. L'élévation de la nef s'étend aux bras du transept, avec les ajustements nécessaires pour incorporer la voûte ogivale et adoucir le passage à l'élévation des absides. Le chœur comporte six travées surmontées par une voûte ogivale le long de son grand côté, et se termine en abside semi-décagonale surmontée par une voûte octogonale. Les chapelles ouvrant sur le déambulatoire comportent, en correspondance de l'abside, six chapelles radiales à trois pans.

Source : UNESCO/CLT/WHC

Description historique

Dès le Ier siècle av. J.-C., Tournai, situé sur l'Escaut, est un centre administratif et militaire romain (Turnacum) au carrefour d'un important réseau de routes. La ville est évangélisée à la fin du IIIe siècle ou au début du IVe siècle apr. J.-C. par saint Piat mais il faut attendre le Ve siècle pour qu'un évêché soit créé, probablement au temps de Childéric, roi des Francs. En étendant le royaume jusqu'aux Pyrénées, son fils Clovis (481-511), déplace la principale résidence royale de Tournai à Paris. Un groupe épiscopal se forme autour de la cathédrale Saint-Etienne et de l'église Sainte- Marie qui s'affirme comme centre de la vie politique, économique, sociale et intellectuelle de la ville avec les souverains carolingiens.

La cathédrale romane est édifiée à la suite de l'incendie du groupe épiscopal au milieu du XIe siècle. Cette grande basilique du XIIe siècle, en partie conservée, doit sa construction au développement du culte de Notre-Dame qui attire de nombreux pèlerins après la peste de 1089 (Notre-Dame des Malades, dite Notre- Dame de Tournai ou Notre-Dame flamande). Elle est également liée à la richesse de la Flandre et de Tournai, sa capitale religieuse et centre d'enseignement renommé, qui produit de la laine et exporte la pierre calcaire locale. En 1146, la ville est pourvue d'un évêque particulier après avoir été unie depuis le début du VIIe siècle à l'évêché de Noyon. La datation des parties romanes de la cathédrale n'a jamais été tranchée de façon définitive. Toutefois, des recherches récentes semblent permettre de situer leur construction dans la première moitié du XIIe siècle, celle de la nef plus précisément au premier tiers du siècle et du transept au deuxième. Le projet comportait un vaisseau plafonné, avec de vastes tribunes sur des bas-côtés voûtés et une façade harmonique à l'ouest.

Le chantier du choeur gothique paraît bien s'être ouvert sur un édifice abouti lorsque l'évêque Étienne d'Orléans (1192-1203) fait élever la chapelle épiscopale Saint- Vincent, sur le flanc sud-ouest, et voûter le transept et le choeur de la cathédrale en 1198. Vers le début du XIIIe siècle, le premier portail roman est remplacé par une construction plus monumentale qui sera masquée par un porche de pierre au début du siècle suivant.

L'évêque Gautier de Marvis (1219-1252) envisage de construire une nouvelle cathédrale dont les travaux ont débuté dans le choeur en 1242 pour se clore en 1255, sans toutefois toucher le transept et la nef romane. Quelques constructions viennent s'ajouter à l'édifice : une vaste chapelle contemporaine du choeur gothique dans le bas-côté sud qui sera dédiée au roi de France Louis IX en 1299 et la chapelle de prières aménagée dans le choeur au XIVe siècle. Dès le XIVe siècle, le choeur gothique semble avoir manifesté d'inquiétants symptômes de déséquilibre et des menaces d'écroulement auxquels des travaux de consolidation de la structure réalisés à différentes époques tenteront de remédier. Une fois achevée, la cathédrale romanogothique bénéficie du climat de création artistique qui règne dans la ville pendant plusieurs siècles et s'orne d'oeuvres d'art.

Les flèches des tours latérales, et sans doute celle de la tour centrale, appartiennent au XVIe siècle tout comme la chapelle paroissiale, disparue depuis, accolée au flanc nord de la nef à l'emplacement du cloître roman. Tournai qui n'échappe pas à la pression du calvinisme, perd les archidiaconés de Bruges et de Gand (1559) et voit sa cathédrale saccagée en 1566. Elle est restaurée l'année suivante et un jubé Renaissance remplace la clôture gothique. Au cours des deux siècles suivants, de nombreux aménagements sont réalisés tels la reconstruction partielle du narthex en style toscan (1620), la pose de nouvelles voûtes sur les tribunes de la nef en remplacement d'un plafond de bois (après 1640) et sur la nef (1753), le remaniement des cages d'escalier romanes des travées occidentales des bas-côtés (1757), la fermeture des arcades latérales ouvrant sur le narthex et le percement de nouvelles portes vers les bas-côtés.

Le retour des Français en 1797 est marqué par la fermeture de la cathédrale, la vente de son riche mobilier et la dispersion des oeuvres d'art. L'édifice échappe de justesse à la démolition mais son état nécessite des travaux de restauration qui commencent par le choeur en 1840 et se poursuivent dans les décennies suivantes avec notamment la reconstruction du pignon de l'abside nord à l'image de celui de l'abside sud lui-même rénové, le rétablissement d'un pignon néo-roman inspiré de ceux des bras du transept et la création de la grande rose. Au début du siècle suivant, la cathédrale est isolée par la démolition des maisons qui l'entouraient. Des bombes incendiaires touchent le choeur le 17 mai 1940 et le feu se propage à la toiture de la nef. La chapelle paroissiale, le palais épiscopal, les archives de l'évêché et la très riche bibliothèque capitulaire sont entièrement détruits. Une nouvelle campagne de restauration s'ouvre à la cathédrale au lendemain de la guerre.

Source : évaluation des Organisations consultatives